FYI.

This story is over 5 years old.

Tech

À la recherche du bruit marron, la note qui est censée vous faire instantanément déféquer

Existe-t-il vraiment une fréquence susceptible de provoquer une diarrhée explosive chez quiconque aurait le malheur de l'entendre ?

L'auteur, en train d'essayer de relâcher ses sphincters au cours de sa quête de la fréquence sombre. (Photos : Justinas Vosylus)

J'étais à l'école primaire quand mon pote m'a parlé pour la première fois de la fréquence sombre (aussi nommée « note sombre » ou « bruit marron »), cette note caractéristique à la fréquence si basse qu'elle provoquerait un relâchement immédiat des sphincters chez toutes les personnes qui ont le malheur de l'entendre.

Publicité

Le mystère de la fréquence sombre a plusieurs fois été évoqué dans la culture populaire. Vous en avez peut-être déjà entendu parler dans l'épisode de South Park sobrement intitulé « Bruit Marron » – où Cartman découvre une fréquence de « 92 octaves en dessous de la fréquence normale » provoquant une diarrhée instantanée. Plus récemment, une histoire a circulé sur un DJ de Cornwall qui aurait diffusé ladite fréquence dans un club bondé, provoquant ainsi une diarrhée explosive chez toutes les personnes présentes. C'était évidemment une blague, ce qui n'a pas empêché des milliers de personnes de partager l'information comme si elle était véridique.

Mais la question reste toujours la même : la fréquence sombre existe-t-elle réellement, ou ne constitue-t-elle qu'un immense ramassis de conneries ?

« Il n'y a jamais vraiment eu de véritables tests scientifiques sur la fréquence sombre », affirme le docteur Geoff Leventhall, un universitaire spécialiste des vibrations sonores. Ce dernier est tellement investi dans son travail qu'il a mené de nombreuses expériences sur sa propre personne. « Des tests ont déjà été effectués sur les effets des basses fréquences, et je me suis également intéressé à leurs conséquences sur notre performance et notre productivité. Mais ces essais se sont avérés peu concluants. » Il ajoute : « Les gens sont familiers du bruit blanc – mais il existe aussi le bruit rose et d'autres parlent même de bruit rouge. Mais en dehors de ça, peu de notions sont scientifiquement reconnues. »

Publicité

Alors, d'où vient le mythe du bruit marron ? Internet a fortement contribué à la propagation rapide de cette fable, et des articles ironiques sont encore régulièrement publiés sur Facebook, au point que de nombreuses personnes pensent que ce mythe est avéré. Leventhall pense que la fréquence sombre trouve son origine dans un article parodique du New Scientist, publié il y a plus de 40 ans.

« C'est la première source que j'ai trouvée rapportant l'existence d'un tel son. Je me souviens avoir lu cet article en 1974, alors qu'il venait d'être publié. Je ne m'étais presque pas rendu compte qu'il s'agissait d'une parodie. C'était très subtil et convaincant. »

L'article faisait référence à la cérémonie d'ouverture de l'Exposition universelle de 1851 en Angleterre, où les gens s'étaient réunis en masse. Pendant l'hymne national, un cor aurait joué ledit son et la foule aurait alors commencé à se chier dessus inconsciemment.

Voici ce que nous savons de la fréquence sombre : elle se situerait dans la zone infrasonore, quelque part en dessous des 20 hertz – juste au-dessus de la limite des sons que peut détecter une personne normalement constituée. Au cœur de cette zone, la fréquence des 7 hertz a toujours été auréolée de mystère à cause de ses supposés effets nocifs.

Dans les années 1970, le docteur Leventhall a lu un article rédigé par un scientifique français, lequel pensait qu'une mort instantanée pouvait être causée par l'écoute de cette fréquence. « Ça m'a beaucoup énervé, alors je me suis assis dans ma chambre, et j'ai écouté la fréquence en question à un volume très élevé. Je suis toujours vivant, et je n'ai absolument rien ressenti. »

Publicité

« L'idée selon laquelle il existerait une fréquence à laquelle votre corps est susceptible de réagir est probablement vraie », explique le docteur Matthew Wright, maître de conférences en acoustique à l'Université de Southampton. « Mais il est complètement insensé de croire à l'existence d'une fréquence magique qui ferait réagir votre corps de manière aussi radicale. Il n'y a aucune raison scientifique à ce que nos intestins réagissent ainsi. Sachant que le corps humain est désordonné, humide et flexible, comment peut-on croire à une notion aussi précise que la fréquence sombre ? »

D'après le docteur Wright, la fréquence sombre est considérée comme un mythe élaboré au sein de la communauté scientifique, basé sur la puissance du son observée dans des situations diverses. Il donne l'exemple d'une fréquence capable de briser un verre de vin grâce à la seule force des vibrations, mais rien de plus. Si un son puissant peut effectivement avoir des conséquences physiques, le bruit marron n'est rien d'autre qu'une énorme connerie.

Cependant, en dépit du désintérêt de la science pour cette fréquence mystérieuse, j'ai décidé de poursuivre ma quête. Armé d'enceintes et posté à proximité des toilettes, je voulais trouver la fréquence sombre par mes propres moyens.

On peut trouver des douzaines de vidéos YouTube sur le sujet, chacune se proclamant comme étant la véritable fréquence sombre. Les commentaires sont majoritairement rédigés par des personnes déçues parce que la vidéo n'a pas eu l'effet escompté, ou désireuses de préciser « South Park m'a amené ici ». Parmi tous ces commentaires, d'autres plus étranges déclarent que l'expérience s'est confirmée. Mais peut-on vraiment faire confiance à ces trolls anonymes de YouTube ?

Je me suis installé sur mon canapé, et j'ai enchaîné les vidéos, en mettant le volume de mes enceintes au maximum, afin de voir si elles provoqueraient un effet sur mes intestins. Le son était assez perturbant – il ressemble probablement à ce que l'on pourrait entendre en s'introduisant dans une turbine à air industrielle. Je pouvais sentir la note profonde s'agiter le long de ma colonne vertébrale et je l'imaginais en train de résonner dans mon estomac pour ensuite redescendre vers mes boyaux.

On aurait dit que j'étais en pleine crise existentielle. Je suis resté assis pendant près de 40 minutes, prêt à prouver l'existence de la fréquence sombre. Mais rien. Malheureusement, je n'ai jamais perdu le contrôle de mon flux intestinal.

@jackcummings92