FYI.

This story is over 5 years old.

LE NUMÉRO DU CONFLIT MORAL

Anarchie athénienne

Les anarchistes grecs ont raté leur occasion de lancer une guerre civile.

Au début de l’année dernière, les Grecs ont eu l’occasion de perfectionner leur recette du pandémonium. Première étape : remplissez une place avec quelques milliers de mecs furieux. Ensuite, faites en sorte qu’une poignée de tarés communistes chargent au hasard dans la foule et mélangez avec une pincée d’anarchistes armés de cocktails Molotov. Une fois que la foule est paniquée et que les gens se piétinent mutuellement, faites appel à la police pour ajouter une touche de gaz lacrymogène. À l’époque, les Grecs protestaient contre le plan d’austérité présenté au Parlement par l’ex-Premier ministre George Papandréou, qui a désespérément tenté de convaincre le reste de l’Europe d’allonger les billets pour sauver son pays en faillite. Quand on est arrivés, des montagnes d’ordures jonchaient les rues de la capitale et tout le monde avait l’air déprimé. Le cortège était un rassemblement bancal de différentes factions : les communistes, qui marchaient seuls ; les syndicalistes, qui occupaient divers bâtiments de l’État depuis des semaines ; les étudiants et « desperados » – le Grec moyen qui ne suit pas vraiment d’idéologie mais voudrait vivre dans un pays qui ne soit pas dirigé par une bande de crétins corrompus ; et enfin, les anarchistes qui sont arrivés à la bourre parce qu’ils s’étaient fait piéger par les cocos. Les adeptes de soulèvements violents savent bien que les Grecs anarchistes sont des superstars dans le domaine des émeutes. Pas mal de gens détestent les anarchistes, mais beaucoup les considèrent comme les piliers du front dans la guerre contre la corruption – un genre d’infanterie de petits morveux avec des chiens qui puent. Le « mouvement » anarchiste a pris du plomb dans l’aile en 2008 lorsqu’un ado anar de 15 ans s’est fait tuer par la police. Pour autant, l’anarchisme influence la politique grecque depuis le soulèvement étudiant de 1973. Cette année-là, l’armée a conduit un char dans l’enceinte de l’École polytechnique d’Athènes occupée par des manifestants, tuant 18 étudiants qui s’étaient attachés aux grilles. L’incident a provoqué une série d’événements qui se sont soldés par la chute de la junte de droite au pouvoir. L’université est à nouveau occupée aujourd’hui. Anarchistes et socialistes se serrent les coudes à travers tout le pays, unis par la conviction que la Grèce va basculer dans la violence générale, comme il y a trente-huit ans. Pour couronner le tout, la police grecque est l’une des plus détestées d’Europe. Tous les gens à qui j’ai parlé m’ont affirmé que les CRS locaux étaient de mèche avec les milices du groupe néofasciste l’Aube Dorée. Le premier jour des manifestations, on aurait dit que chaque rue de la ville était pleine à craquer de manifestants. Sans vouloir faire mon romantique, l’atmosphère faisait plus penser à une révolution qu’à une manifestation. Il n’y avait pas de cause précise, simplement une idée partagée selon laquelle la vie serait meilleure sans ce gouvernement (idée qui semble être le fil conducteur des révoltes qu’on a pu voir aux quatre coins du monde en 2011). Tout ce beau monde a marché en direction du parlement, place Syntagma, pour pénétrer de force dans le hall d’entrée. Résultat : un bel échec. Les policiers ont utilisé flash grenades, boucliers, matraques et beaucoup, beaucoup de gaz lacrymogène. On aurait dit que la plupart des bagarreurs étaient des types un peu gros, d’âge moyen, qui s’étaient probablement fait la main en 1973 (ils étaient super forts pour trouver des caillasses à balancer sur les flics). La police renvoyait l’ascenseur mais cette expérience collective était malgré tout presque euphorisante. Le deuxième jour fut moins joyeux. Les membres de la PAME, l’une des nombreuses sous-sections communistes, se sont alignés le long du Parlement pour le protéger, refusant de laisser passer les autres manifestants. Les anarchistes l’ont mal pris et ont commencé à jeter des pierres et des trucs enflammés sur à peu près tout ce qui bougeait. Après quelques heures de baston, les CRS ont fini par évacuer les mecs de la PAME devant le Parlement. Les desperados et les anarchistes se sont calmés, murmurant dans leurs écharpes des trucs à propos d’une « guerre civile ». Un anarchiste qui reprenait son souffle après s’être bastonné avec un flic a crié : « Point de lendemain ! » Sur le moment, ça faisait hyper profond comme phrase. En réalité, il ne pouvait pas être plus éloigné de la vérité. Allez voir notre reportage VICE News Teenage Riot : Athènes sur VICE.com