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Arrêtons de mentir : je n'ai jamais rien pigé à l'art numérique

Trois diodes pourries collées sur du Placoplatre ne vous rendront pas moins chiants.

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Il existe une classification des arts établie par Hegel au début du XIXe siècle. Ce truc qu’on m’a appris en cours de philo m’était complètement sorti de la tête, jusqu’à ce que je retombe dessus au hasard d’une recherche Internet. Sculpture, peinture, musique, poésie… le décompte s’arrêtait pour moi au numéro 7 – le cinéma. En fait, il existe officiellement 9 formes d’arts, les « arts médiatiques » et la BD ayant été rajoutés à la liste. Et celle-ci risque de s’allonger encore, puisque l’art numérique est aujourd’hui en lice pour le titre de 10e art.

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Sérieux, l’art numérique ? Cette forme d’expression qui consiste à coller trois diodes pourries sur un support en Placoplâtre et à l’installer dans un festival où des mecs d’agence en Alain Mikli se branleront le nœud sur le « sens » supposé de ce « travail » ? Même le modélisme ou le jeu de rôles, eux aussi dans la course au titre de « 10e art », sont plus crédibles que ça.

Pour cette « œuvre », des mecs ont décidé d’exposer une meule de foin qui émet des sons lorsqu’on la pousse. En plus de la nullité générale du truc, le spectateur subit cette loi implacable de tout art numérique : l’œuvre s’accompagne immanquablement d’un texte foireux censé justifier la démarche de son créateur. Ce qui donne ici : « [la] marche forcée [de l’utilisateur] prolonge l'analyse narquoise de Monsieur Moo des questions élémentaires de mobilités et d'interactivités dans l'art contemporain ». Histoire d’être parfaitement clair, il nous présente lui-même son raisonnement dans cet extrait vidéo :

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Vous noterez que ce mec qui se revendique artiste numérique n'est pas à l'origine de la technologie qui produit le son de la meule. Et que tous les gens présents dans ces vidéos se bidonnent franchement. Je les comprends : moi aussi je me marrerais bien si je m’étais fait subventionner pour exposer un tas de paille bruyant dans un garage.

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Là, vous vous dites, « ouais, mais vous VICE, vous ne savez pas que certains artistes maîtrisent vraiment les nouvelles technologies et arrivent à en en faire des trucs vraiment incroyables. » C’est vrai. Mais ils sont souvent tout aussi chiants :

Cette pièce fait partie de l’œuvre audiovisuelle « READ » conçue par Ryoichi Kurokawa, jeune chevalier de l'art numérique invité depuis l'invention du système d'exploitation Windows XP à tous les festivals dont les noms jouent avec la ponctuation non-conventionnelle. En plus d’une garde-robe intégralement estampillée Comme des Garçons, il cumule à lui seul toutes les qualités requises pour être acclamé par les critiques d’art numérique, à savoir un talent « pour concevoir des lives abrasifs », un goût pour « les concerts puissamment sensoriels » ainsi qu’un « univers aux teintes et aux timbres parfois poétiques ». Poétique ? Alors que son activité se résume à décomposer des images et du son et les transformer en pixels ?  Le truc naze avec l’art numérique, c’est que, non content d’avoir créé ses propres codes (ce dont on parle dans cet article), il se réapproprie aussi les pires idées venues des autres arts. Feromil, par exemple, cherche visiblement à réinventer la performance :

Évidemment, il est difficile de faire plus gênant ; un mec en costard de travail 1. affublé d'un masque à gaz et 2. armé d'un détecteur de métaux, danse sur du speedcore devant une valise. OK. Est-ce qu’il porte aussi des chaussures fines comme des chaussettes ? Oui. Est-ce qu’il tape sur l’avant de son détecteur de métaux à plusieurs reprises avant de sauter, lever les bras, scander quelque audacieuse invective avant d’arrêter ? Oui, il fait tout ça. Il le fait bien.

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Les rassemblements populaires autour de la création numérique sont parfois aussi insupportables que les prestations confidentielles. Par exemple, rien de pire que d’être de passage à Lyon quand s’y déroule la Fête de la Lumière – le 8 décembre de chaque année, date anniversaire de la digitalité – et que des hordes de familles se bousculent dans les rues afin de « redécouvrir la ville » à l’occasion d’une « déambulation colorée ». Mais, dans d’autres coins du monde, des obsessionnels du rétroprojecteur s’acharnent également à défigurer d’autres monuments que ceux de la ville de Lyon à coup d’hologrammes plus tartes les uns que les autres. Si j’étais employé de mairie, je m’arrangerais pour saboter toutes ces installations lumineuses et en faire ça.

Si vous ne pouvez pas aller les voir dans l’un de leurs (nombreux) événements, il existe plusieurs preuves matérielles attestant du manque d’imagination patenté des artistes numériques. L’une d’elles, répandue, consiste à aligner des fractales fluo sans queue ni tête, les mélanger, attendre, puis regarder le grand dégueulis trance-Goa qui vient d’apparaître sur votre écran :


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Le mec qui a pondu ça se voit pourtant qualifié par les sites spécialisés d’« artiste chamanique de l’ère digitale ». Sérieux putain, on dirait un fond d’écran par défaut ! Ce n’est pas impressionnant du tout. C’est chiant, mal fait, et c’est globalement une négation de tout ce que signifie l’art depuis qu’un mec s’est mis à dessiner des vaches sur une paroi de Dordogne il y a 15 000 ans.

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Ces merdes technoïdes qu’on nous vend comme le futur de la création artistique sont en réalité ringardes, mais pas ringardes genre « OK, je vois » ou genre « ah, ah, c’est débile », plutôt ringardes comme une pub Seat ou l’esthétique dynamique des forfaits de téléphone portable à destination des 12-25 ans.

Et surtout, c’est un bon révélateur de personnalité. Derrière un amour sans faille pour le développement informatique et le progrès technologique, les artistes numériques dissimulent souvent leur véritable personne, à savoir des prosélytes du libéralisme. Ce qu’ils produisent est immédiatement destiné à être vendu. Ça ne doit pas être accroché, admiré, ça doit simplement exister et appartenir à quelqu’un. Ce sont des bibelots avec des circuits imprimés, si l’on veut. Il n’y a qu’à voir les trucs que produisent les artistes numériques : des bijoux en déchets électroniques, des fossiles modernes, ou même des tables de salon que personne n’a envie de voir dans son salon.

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Mais, même s’il est indubitablement connecté au libéralisme, l’art numérique reste malgré tout un truc de gros hippies de merde. Il suffit de jeter un œil à leurs influences : les consoles de jeux, Amon Tobin, les vidéos en pixels, la 3-D, la bouffe McDo, etc. Que des trucs de shitheads. C’est pourquoi ils s’évertuent à produire des œuvres conscientes, ce qui donne généralement « des dancefloors durables » – lesquels transforment vos déhanchés en énergie – ou des time-lapses qui mesurent l’impact des hommes sur la Terre.

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Mais, jusqu’à preuve du contraire, l’humanité n’a jamais eu de leçon à recevoir de fumeurs de joints. Des gens luttent tous les jours pour sauvegarder les animaux, la couche d’ozone, gueulent contre le réchauffement climatique, et ce sont toujours les mêmes : des nerds. Pas des mecs qui ont transformé les GIF en art.

Je tiens à rappeler que ceci n’est pas un coup de gueule contre un truc qui m’ennuie en ce moment ou une démonstration visant à démonter point par point une activité débile que personne n’a pris la peine de dénoncer jusque-là. Et puis, ce n’est pas du tout exhaustif – je n’ai pas abordé les 3 144 vélos empilés d’Ai Weiwei, par exemple. Il s’agit simplement de donner un éclairage sur un monde qui organise des ventes aux enchères de GIF animés. Il y a de la thune à se faire là-dedans, et à l’heure où le chômage chez les jeunes est estimé à 25 %, cet art – qui n’a d’intérêt que lorsqu’on connaît les contraintes de sa production – est un bon projet d’avenir pour vous, jeunes pauvres. C’est pas si difficile que ça de faire un GIF.

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