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L'Enfer : être athée en prison quand seul Dieu peut vous pardonner

Se réinsérer dans une prison sans l'aide de Dieu est très compliqué, voire quasi impossible.

Photo by Chaddy Fynn via

Une prison peut être un lieu assez sinistre tout en étant emplie de sainteté. On a tous en tête les mêmes histoires : un dur à cuire commet un crime abominable, se retrouve derrière les barreaux pour des dizaines d'années, et, après avoir passé ses premières années à prendre tout un tas de drogues, il croise un codétenu qui lui fait rencontrer Dieu en lui lisant quelques passages de la Bible.

Il y a un peu de vrai là-dedans. Alors que l'ensemble du territoire britannique est en train de devenir de moins en moins religieux, on note une augmentation importante du nombre de croyants actuellement incarcérés dans les prisons du pays. Environ 42 000 chrétiens vivent derrière les barreaux, alors qu'ils n'étaient que 40 000 en 2004. De son côté, le nombre du musulmans a doublé, passant de 6 571 à plus de 12 000. En conséquence, beaucoup de prisons se sont adaptées pour aider leurs détenus dans leur rapport à Dieu, en mettant à disposition des salles de prières, des rencontres plus faciles avec des aumôniers et des régimes alimentaires spécifiques pour ceux qui en font la demande.

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Tout ça est génial, à moins que vous soyez athée. Personne ne sait vraiment combien de prisonniers le sont, en partie parce que la question n'a jamais été posée. On compte environ 25 000 prisonniers qui ont déclaré « ne pas avoir de religion » en 2014.

J'ai rencontré Alan* dans le centre de Londres. L'année dernière, il a fini de purger sa peine de huit ans et demi de prison pour vol avec violence. Après avoir grandi au sein d'une famille catholique pas vraiment pratiquante, Alan est aujourd'hui athée. Plusieurs fois dans notre conversation il a fait référence à la religion – toutes les religions – comme étant « des putains de conneries ». Du coup, c'était un peu gênant quand je lui ai dit que j'étais musulman. Ça l'a tout de même fait marrer et il m'a dit qu'il espérait que je revienne un jour à la raison.

« La religion est un truc important en prison, tout le monde est concerné, m'a précisé Alan. Pour certains, c'est une question de survie : des mecs qui étaient associés à un gang se sont convertis à l'islam. C'était pour faire partie du groupe et je ne vais pas les blâmer pour ça. Vous êtes tout seul en prison. »

Alan affirme que le temps libre, l'abondance de bouquins en rapport avec la religion et les conversations régulières avec les aumôniers poussent les gens à embrasser la foi. Pour certains, c'est par simple opportunisme selon lui : « Ils s'en foutent de la religion, ils ne veulent simplement pas s'emmerder. Alors ils mettent un peu du leur et vont convaincre le directeur qu'ils veulent changer de vie en prison. C'est juste pour participer aux activités de groupe. »

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Quand j'ai demandé à Alan pourquoi il n'avait pas fait semblant d'être croyant afin de faciliter sa vie en taule, il a haussé les épaules. « Je ne suis pas très bon acteur. J'avais l'opportunité de parler à l'aumônier de la prison si je le souhaitais, mais je n'en voyais pas l'utilité. Je n'avais pas envie de faire semblant d'être religieux juste pour obtenir des privilèges. » Au final, la vie d'Alan derrière les barreaux était très solitaire – il passait son temps à faire du sport, regarder la télévision et dormir.

Presque toutes les prisons britanniques comptent au moins un aumônier, selon le Ministère de la Justice. Même si ce soutien est censé être destiné à tous les détenus, le rôle historique de l'aumônier en prison a presque toujours été de nature religieuse. « Les problèmes spirituels sont très répandus en prison, les sentiments d'abandon, de solitude et de honte sont palpables », m'a dit Ben Ryan, un chercheur membre du think tank chrétien Theos. « Les discussions avec les aumôniers peuvent apporter des réponses à ces questions. Ce sont des personnes de confiance, ayant un statut différent des employés de la prison. Souvent, ils font remonter les doléances. »

Ben Ryan a poursuivi en évoquant l'utilité des chapelles dans la réinsertion des prisonniers, tout en déplorant l'absence d'alternative pour les autres détenus.

C'est un sentiment que semble partager Alan, tant il m'a répété à quel point il s'était senti esseulé quand il était en prison. Il a sombré dans une dépression sévère mais il ne se sentait pas à l'aise lorsqu'il discutait avec l'aumônier. « Il ne comprenait pas ce que je lui expliquais, m'a-t-il précisé. Tout revenait toujours à la même chose, à savoir si je me sentais bien spirituellement. Je lui ai dit que je ne croyais pas en Dieu, ce à quoi il a répondu qu'il n'y avait pas de problème, mais cinq minutes plus tard il s'est remis à dire que Dieu aime tout le monde. Ça m'a juste encore plus énervé. »

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On imagine souvent que les prisonniers arrivent en taule en méchants et ressortent en gentils garçons – c'est pour ça que la religion est si importante. C'est tout le principe de la rédemption. — Alan

Selon la British Humanist Association (BHA), des cas comme celui d'Alan sont beaucoup plus communs qu'on ne le pense. Depuis près de dix ans, la BHA fournit des exemplaires d'un Manuel du jeune athée à toutes les prisons du pays. L'association pousse le gouvernement à mieux accompagner les détenus athées.

« Le mot "prêtre" est un terme entièrement chrétien. Les recherches montrent qu'il agit comme une barrière pour les non religieux », m'explique Simon O'Donoghue, membre de la BHA. « Nos éducateurs, qui portent assistance aux athées, font la même chose que les prêtres – à savoir écouter dans les moments difficiles. »

O'Donoghue poursuit et m'explique que la plupart des services de réinsertion contiennent toujours des éléments religieux. Un programme officiel pour sortir de la dépendance à la drogue évoque d'ailleurs « une puissance supérieure ». « Si vous êtes alcoolique ou drogué et athée, votre choix est assez limité », conclut O'Donoghue.

Le problème, c'est que réformer le système carcéral n'est pas chose aisée. Les réductions budgétaires ont frappé les détenus de plein fouet, ce qui a conduit certains bénévoles religieux à leur venir en aide. Vous vous retrouvez dans une sorte de cercle vicieux – les gens les plus susceptibles d'aider les détenus sont aussi ceux qui en laissent de côté.

« On imagine souvent que les prisonniers arrivent en taule en méchants et ressortent en gentils garçons – c'est pour ça que la religion est si importante, m'a expliqué Alan. C'est tout le principe de la rédemption. » Selon lui, les prisons devraient être un lieu d'apprentissage. « Avec tout ce temps libre, les détenus pourraient s'intéresser à leurs propres opinions et décider eux-mêmes de ce en quoi ils croient. Ça demande un peu plus de boulot qu'un type qui vous répète que "Dieu vous aime". »

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