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le numéro Imposteurs

Beaux gosses à mi-temps

Quand j’étais gamin, j’étais fan. Quand Elvis est mort en août 1977, je commençais juste à écouter et à découvrir qui c’était. Le premier concert que j’ai vu, c’était son dernier concert pour la télé.

Robert McArthur, 44 ans

VICE : Comment vous êtes-vous intéressé à Elvis ? 
Robert : Quand j’étais gamin, j’étais fan. Quand Elvis est mort en août 1977, je commençais juste à écouter et à découvrir qui c’était. Le premier concert que j’ai vu, c’était son dernier concert pour la télé.

Quand avez-vous décidé de devenir imitateur d’Elvis ?
Il y a environ dix ans, ma mère m’a demandé si je voulais aller voir un gars qui imitait Elvis à Buffalo, dans l’État de New York. C’est de là que je viens. Ça m’a rappelé mon enfance et ça a renouvelé mon intérêt pour Elvis. Je suis devenu pote avec les gars qui l’imitaient et leur ai parlé de mon rêve de gosse, de me saper comme Elvis. Ils m’ont dit : « Tu devrais essayer. On sait jamais. » Ils m’ont convaincu de le faire et j’ai eu pas mal de succès.

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Vous étiez bon en musique ? 
Ouais, j’avais joué dans plusieurs groupes, mais rien de fou. Je ne chantais pas beaucoup. Je jouais surtout de la guitare, ça me permettait de prendre confiance en moi pour le chant. J’ai joué dans des groupes qui reprenaient des standards, des groupes de country, de folk, de heavy metal… J’ai un groupe de reprises en ce moment, on répète souvent.

Vous faites Elvis combien de fois par semaine ?
Trois ou quatre. En semaine, je joue dans les maisons de retraite ou les foyers pour personnes âgées. Je fais aussi des messages chantés, dans lesquels je viens délivrer un message à quelqu’un. J’enfile mon costume d’Elvis et je lui chante le message. Le week-end, je fais des anniversaires, des mariages, des bar-mitsvas, des événements de ce genre. J’ai aussi le droit de marier les gens.

Des gens vous demandent de les marier ?
J’en fais quelques-uns chaque année. Je marie les gens déguisé en Elvis et je fais aussi des renouvellements de vœux. Je peux faire un pack : je marie les gens déguisé, je chante pendant la cérémonie et je passe des disques après le mariage.

us avez un autre travail ou vous ne faites que ça ?
Je fais ça à plein-temps. Je ne fais pas qu’Elvis – je fais d’autres chanteurs : Neil Diamond, Engelbert Humperdinck, les Blues Brothers et un truc avec le groupe de reprises dont je te parlais. C’est un supergroup : on est tous déguisés en superhéros et on joue des classiques surf des années 1960.

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Vous jouez qui comme superhéros ?
Batman. Superman est à la batterie, Green Lantern aux claviers, Aquaman à la basse, Wonder Woman fait de la trompette et Hawkgirl du saxo.

Vous êtes amis entre imitateurs d’Elvis ou c’est la guerre ?
On s’entend presque tous bien. Je suis pote avec les gars du coin mais il y a aussi des gars reconnus au niveau national. J’ai pas mal bougé quand j’ai commencé : j’allais aux concours d’Elvis et j’en ai rencontré plein. Je dirais que 90 % d’entre eux sont des types super. Ici, lorsque je ne peux pas honorer un contrat, j’appelle quelqu’un d’autre pour qu’il le fasse – tout le monde ferait la même chose. Il y en a quand même quelques-uns qui ne sont pas très sympas, ni très sociables. Il existe tout de même une petite rivalité entre les Elvis.

C’est quoi la meilleure chanson d’Elvis ?
Pas facile de choisir – il y a plus de 700 titres. Je ne peux pas en choisir une, mais j’aime beaucoup les chansons qu’il a faites pour ses films. Il a fait 31 films dans sa carrière et il a réalisé toutes les bandes originales, même si aucune n’a eu un gros succès. Il y a beaucoup de trésors cachés dans ses films. L’un de mes films préférés c’est Live a Little, Love a Little, qu’il a tourné à la fin de sa carrière.

À part la musique, qu’est-ce que vous préférez chez Elvis ?
Il était fascinant. Les gens l’adoraient. Il avait un train de vie luxueux mais il gardait les pieds sur terre. Et il était très généreux. Si quelqu’un le complimentait sur l’une de ses voitures, il lui tendait les clés et lui disait : « Faites-vous plaisir. »

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Vous tombez parfois sur des femmes dingues d’Elvis ? Comment vous réagissez ?
Ça m’arrive tout le temps. On a fait une fête pour l’anniversaire d’une dame – son mari nous avait invités, et elle est devenue barjot. Elle se comportait comme si j’étais vraiment Elvis. Elle s’évanouissait presque à mes pieds, elle m’enlaçait pendant que je chantais. Ma copine devient folle quand des femmes s’approchent trop près de moi, c’est marrant.

Votre imitation d’Elvis comporte-t-elle quelque chose de spécial ?
J’établis un lien avec mon public. Quand je vois que les gens ne s’éclatent pas, je m’adapte et je fais en sorte qu’ils passent un bon moment. Dans mes spectacles, j’interagis beaucoup avec le public, je distribue des écharpes et des ours en peluche, comme le faisait Elvis. Je ne prends jamais les gens de haut. Quand j’enfile mes bottes et mes lunettes, je deviens vraiment Elvis. J’essaie de faire un spectacle authentique, dont Elvis serait fier.

Gene DiNapoli, 47 ans

VICE : À quand remonte votre passion pour le King ?
Gene : Je suis fan depuis que j’ai 5 ou 6 ans. Je m’enfermais dans ma chambre le soir pour faire ma petite imitation. Mon oncle avait un restau et un soir, il m’a demandé de chanter pour ses clients. Je me suis mis à chanter et j’ai fait péter la baraque. Au début, j’ai pensé que c’était parce que j’étais génial mais en fait, c’était juste parce que j’étais le neveu du proprio. Je me suis fait quelques dollars et on s’est bien amusés. Après ça, j’ai commencé à me produire dans des hôpitaux, des bals de charité, ce genre de choses.

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À quel moment vous vous êtes dit qu’imiter Elvis était votre vocation ?
Je chante depuis mes 14 ans et j’ai pris ça au sérieux à partir de 16 ans. J’ai commencé à faire des spectacles et à me faire de l’argent vers mes 17 ans, en jouant dans des fêtes plutôt que dans des maisons de retraite.

C’est votre unique source de revenus ?
Ça fait des années que c’est le seul truc que je fais à plein-temps. Je me produis entre 8 et 12 fois par mois.

Il y a une tonne d’autres Elvis sur le marché. Vous vous connaissez ?
J’essaie d’être bien avec tout le monde, mais ce business suscite beaucoup de jalousies. Je ne suis pas aussi grand ni aussi fin qu’Elvis – physiquement, je ne lui corresponds pas vraiment. Du coup quand je décroche un job, certains mecs sont jaloux et disent que c’est eux qui auraient dû l’avoir. Tout le monde pense être le meilleur mais c’est aux fans et aux gens qui nous engagent de dire qui est le meilleur. Ma prestation est assez chère. Il y a des gars bien moins chers que moi dans ce business mais je trouve toujours du travail. Ça vaut le coup d’investir dans mon spectacle, sinon les gens iraient voir un autre Elvis.

Donc tout est dans la présence scénique ?
Eh bien, je ne suis pas imitateur. Je n’ai jamais essayé d’être imitateur. Je ne suis pas son sosie et je ne chante pas comme lui. Ce que je fais depuis plus de trente ans, c’est rendre hommage à Elvis. D’ailleurs, je suis le premier à avoir utilisé ce terme, au milieu des années 1980 – « tribute-artist » est la définition exacte de ce que je fais. Mon spectacle change tout le temps alors que des gars reproduisent à l’identique les concerts d’Elvis ; mais quand t’es pas Elvis, ça peut vite devenir chiant. Par exemple, pendant ses concerts, à un moment, Elvis dansait avec son groupe. Si t’es dans un restaurant et que t’essaies de danser avec ton groupe mais que t’as pas de groupe, t’as l’air d’un con.

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C’est quoi la meilleure chanson d’Elvis ?
« Burning Love » – il avait 37 ans quand il l’a enregistrée. Il passait pour un has-been chez les mecs du Top 40 quand il a débarqué avec ce tube rock‘n’roll et pourtant, il s’est classé deuxième dans les charts. Plutôt pas mal pour un mec des années 1950.

Outre sa musique, qu’est-ce qui vous plaît chez lui ?
C’était un original. C’est le premier musicien à avoir diffusé son concert par satellite, le premier à faire quatre shows sold out d’affilée au Madison Square Garden, le premier à avoir donné un concert acoustique, le premier artiste à acheter un jet privé, le premier à pouvoir se payer un manoir dans l’histoire du rock… J’adore ça. C’était un vrai précurseur. On lui a aussi proposé de faire des concerts pour les troupes de l’armée américaine mais il a refusé – « je veux être un soldat comme les autres, comme les jeunes de mon unité ». Même s’il n’a pas toujours été le meilleur, il a toujours été le premier.

Vous avez combien de costumes d’Elvis ?
En tout, j’en ai 25.

On m’a dit que vous possédiez un autel à la gloire d’Elvis assez impressionnant dans votre baraque.
C’est vrai. Je suis avant tout un fan d’Elvis. Beaucoup de mecs font ça pour l’argent, les filles ou parce qu’ils veulent être sur scène. Je suis avant tout un fan, et ce qui me rend le plus fier, c’est ma collection. J’ai des pièces des années 1950 et des trucs plus contemporains. La moitié de ce que j’ai, on me l’a offert. Pour mon anniversaire, il y a quelques années, ma femme m’a acheté une pince à cravate et des boutons de manchette qui appartenaient à Elvis. J’ai la boucle de ceinture qu’Elvis a donnée à une serveuse en Caroline du Nord et j’offre 10 000 dollars à toute personne qui me trouvera une photo de lui en train de la porter parce que la seule preuve que j’ai, c’est la parole de cette serveuse. J’ai un bracelet qu’Elvis a donné à sa choriste, Myrna Smith, qui me l’a donné. Enfin, j’ai tous ses enregistrements, des centaines d’heures de films, des figurines, des posters, des livres.

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Où conservez-vous tout ça ?
J’ai une salle dédiée à Elvis dans ma cave.

Randy Mancini, 48 ans

VICE : Comment vous êtes-vous laissé séduire par Elvis ?
Randy : Ça vient de ma mère, elle l’écoutait beaucoup.

Vous aviez quel âge ?
Je devais avoir 8 ans.

Quand avez-vous décidé de devenir imitateur d’Elvis ?
Il doit y avoir douze ans.

Vous vous produisez régulièrement ?
Uniquement le week-end – les vendredis et samedis soir.

Vous avez un autre travail ?
Oui, je fais autre chose. Dans la vie, je vends des voitures. [rires]

Vous vous êtes déjà embrouillé avec un autre imitateur ?
On s’entend tous assez bien. Tous les deux ou trois mois, on se rassemble pour une compétition ; par exemple, je suis allé au Dewey Beach Elvis Festival récemment. Il y en a plusieurs, dont un à Atlantic City. Généralement, on est une petite vingtaine. Le Lake George Elvis Festival est le plus gros événement pour les Elvis. On est une bonne soixantaine et le truc dure deux jours.

Qui juge ces compétitions ?
Il y a un jury.

Et les juges sont aussi des imitateurs d’Elvis ?
L’organisateur a longtemps été imitateur, mais plus maintenant. Il se contente d’organiser le rassemblement.

Il y a des prix à gagner ou c’est juste pour la gloire et le titre de meilleur Elvis ?
Il existe des prix différents selon le niveau. Et deux catégories, l’une professionnelle et l’autre non professionnelle. Je fais les compétitions pro mais ça ne fait qu’un an et demi que je suis dans le circuit. Il faut faire ses armes un petit moment avant de gagner gros.

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Gagner gros, c’est-à-dire ?
Ça peut aller jusqu’à 1 500 ou 2 000 dollars pour une première place. En dessous c’est 500, 300 dollars en règle générale.

C’est quoi votre chanson d’Elvis préférée ?
Je dirais « Viva Las Vegas ».

Vous avez un album préféré ?
Sans doute Aloha from Hawaii.

À part la musique, qu’est-ce que vous aimez chez lui ?
C’était un type honnête, attentionné. Il était très généreux. Il n’était pas radin et il faisait profiter tous ceux qui l’entouraient de sa gloire et son argent.

Dans quel genre d’événements vous vous produisez ?
Des anniversaires, des mariages ou des célébrations. Les anniversaires me prennent le plus de temps. Parfois, il y a des trucs comme les fêtes de Noël, aussi.

Vous possédez combien de tenues d’Elvis ?
Je dois en avoir six.

Où les trouvez-vous ?
Chez B&K. Ils se servent des patrons d’origine.

Ils font d’autres trucs ou ils sont spécialisés dans les costumes d’Elvis ?
Ils font des trucs pour d’autres imitateurs mais ils produisent surtout du Elvis. Il y a deux, trois autres boutiques qui en créent pour deux fois moins cher. Certains gars se fournissent là-bas mais ce n’est clairement pas la même chose.

Il vaut mieux avoir l’original.
Ouais. Ça coûte un bras mais ça vaut le coup.

Combien ?
Ça varie entre 1 000 et 4 000 dollars.

C’est hyper cher !
Ouais.

Ruben Castillo, 39 ans

VICE : Vous vous souvenez de votre rencontre avec Elvis ?
Ruben : J’ai appris l’existence d’Elvis à l’âge de 5 ans. Ma grand-mère avait une peinture d’Elvis sur un fond en velours rouge et ma tante passait des chansons d’Elvis chez elle. J’adorais sa musique. À 12 ans, j’ai commencé à faire des spectacles mais on peut dire que je m’y suis mis pour de bon quand j’ai eu 27 ans.

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Petit, vous vous produisiez seul ? C’était pas bizarre ?
C’était différent. Le truc le plus dingue qui me soit arrivé, c’est quand un camarade d’école, qui avait dû me voir sur scène, m’a frappé par surprise alors que je marchais tranquillement. Quelques jours plus tard, il m’a encore frappé au visage avec un livre, j’avais la lèvre en sang. Je me suis toujours dit qu’il avait fait ça parce que j’attirais l’attention avec mes spectacles d’Elvis.

À quoi ressemble la communauté des imitateurs d’Elvis, de l’intérieur ?
Nous sommes tous uniques, chacun a son propre style. On s’entend bien pour la plupart. Il y a des rivalités mais j’essaie de ne pas m’en mêler. Dans les années 1990, il y avait pas mal d’imitateurs d’Elvis dans le New Jersey mais on dirait que beaucoup ont arrêté. Enfin, ça commence à revenir, là. Pour le moment, on est une dizaine, dont trois ou quatre professionnels.

Vous pensez que dans le futur, cette communauté disparaîtra ? Ou la flamme du King est-elle éternelle ?
Il y a une nouvelle génération d’imitateurs qui arrive. Les pistes de karaoké sont bien meilleures qu’avant donc les gens peuvent s’y mettre plus facilement. Mais bon, il faut aussi avoir des connaissances sur Elvis. Les gens voient Elvis comme un drogué ou un gros tas. Un jour, j’ai entendu une chanson à la radio à propos d’un mec qui commandait à une hôtesse plein de trucs à manger. C’était pour se moquer d’Elvis. C’est un manque de respect envers tous ses fans et ses imitateurs. C’est triste, mais beaucoup de gens en dehors de notre communauté pensent que c’était juste un gros tas sous antidépresseurs qui mangeait n’importe quoi.

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Vous avez un autre job à côté ?
Je suis travailleur social dans le New Jersey. Les gens qui touchent le chômage viennent me voir pour se réinsérer professionnellement. On replace les gens avec succès.

Vous imitez d’autres personnalités, ou vous êtes concentré sur Elvis ?
Ma vie se résume à la scène. Je me déguise depuis que j’ai 5 ans et aujourd’hui, je fais tout – de Bob l’Éponge à Obama. Je suis un spécialiste des accents et des dialectes. J’ai eu des premiers rôles dans plusieurs comédies musicales et j’ai fait des voix de jouets qui sont vendus en grande surface.

Ceux qui parlent quand on appuie sur un bouton ?
Ouais, j’ai fait plusieurs voix de Père Noël, par exemple.

Vous pensez imiter Elvis encore combien de temps ?
Bonne question. Avant je disais que j’arrêterais à 42 ans, parce que c’est l’âge qu’il avait quand il est mort. Mais pour être franc, c’était une idée à la con. Je n’arrêterai jamais, je vais faire évoluer ça différemment. Elvis a évolué : il n’a pas toujours été ce type en combinaison moulante. Je me pose des questions?: «Qu’est-ce que je peux faire de lui ? Comment le mettre en avant ?» Pour moi, la solution, c’est l’éducation. J’essaie de mettre en place une émission éducative présentée par Elvis, qui s’adresserait aux jeunes et qui parlerait de lui, de sa musique et de la société de son époque. Je trouve ça important d’apprendre l’histoire du monde et celle de notre pays à travers les musiques de chaque époque.

Si vous deviez choisir votre chanson préférée d’Elvis, ce serait laquelle ?
Je peux t’en donner deux ?

Bien sûr.
Déjà, je dirais « The Impossible Dream » parce que ça me rappelle mes groupes de théâtre chanté. Beaucoup de gens ont du mal à la chanter mais moi, je la trouve facile. J’adore chanter « Trouble » aussi. C’est une mélodie qui date de 1958, ça a la pêche. Je pense que c’est ça, mon top 2.

Photos par Brayden Olson, Interviews par Jonathan Smith et Brayden Olson