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Plus jamais Belge – je suis partisan de la Wallonie française !

Les mecs du Rassemblement Wallonie France en ont tellement marre des Flamands qu’ils préfèrent vivre sous notre domination.

Image via Wikipedia Commons

Si vous avez un peu suivi l'actualité en 2010-2011, vous vous rappelez sans doute que la Belgique s'est passée de gouvernement pendant 541 jours. Ce qui était vaguement amusant vu de France constituait une sérieuse crise politique chez nos voisins, symptomatique de la difficile cohabitation entre Flamands de langue néerlandaise et Wallons francophones. En effet, ça fait longtemps que les Flamands souhaitent se séparer de la Wallonie. On peut les comprendre ; cette dernière est en retard d’un point de vue économique et a enfanté un nombre conséquent de tueurs en série.

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Cependant, les membres du parti Rassemblement Wallonie France ont décidé de prendre les devants. C'est la principale formation politique à défendre le rattachisme, qui consiste en gros, à faire de la Wallonie une région française.

Il est bien entendu difficile de réunir des électeurs sur un programme aussi mince, et leurs résultats aux élections législatives belges de 2014 le prouvent : 0,5% de la population en âge de voter leur a offert sa confiance. Ce qui, dans une région de 3,5 millions d'habitants, représente peu de personnes.

Pour autant, les rattachistes belges ne baissent pas les bras, et plusieurs sondages semblent révéler une sympathie pour leur cause en Wallonie comme en France. Et d’un point de vue pragmatique, le rattachement semble inévitable à long terme au vu des velléités indépendantistes des Flamands. C’est pourquoi je suis allé poser quelques questions à nos futurs compatriotes.

Laurent Brogniet (à droite), en compagnie de Paul-Henry Gendebien, co-fondateur du RWF. Image via le site du RWF.

VICE : Bonjour, pouvez-vous me présenter votre parti ?
Laurent Brogniet, président du RWF : Le parti RWF a été créé en 1999 suite à une déclaration de plusieurs partis flamands, lesquels voulaient transformer l'État belge en État fédéral. En réaction à cela, une poignée de militants héritiers du Mouvement wallon a créé le parti, lequel a pour objectif de faire de la Wallonie une région de la République française.

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Avez-vous un programme particulier en dehors du rattachisme ?
Oui, nous avons un programme qui se veut pluraliste, car nous avons chez nous des personnes qui ont des sensibilités de gauche comme de droite. Nous ne prenons donc pas parti sur les grands sujets de société qui amèneraient à une dichotomie au sein du RWF. Nous avons évidemment des idées en ce qui concerne le rôle de l’Etat et la façon de le gérer, l’enseignement, le fait d’être un parti laïc, etc. C'est au cœur de notre programme et c'est en cela qu'on se reconnaît dans l’héritage du général de Gaulle.

Quel est le problème avec les Flamands ?
Eh bien, la Flandre ne veut plus de la Wallonie au sein de la Belgique. Depuis les années 1970, elle réclame sans cesse plus de compétences. Plusieurs réformes ont atteint cet objectif, et aujourd’hui, l'Etat belge est dépecé de toutes ses prérogatives. Concrètement, les régions et communautés gèrent des budgets bien plus importants que l'Etat fédéral. Celui-ci devient une coquille vide qui n'a plus d'Etat que le nom – avec à sa tête un pseudo-roi. Preuve en est que lors de la crise de 2010-2011, nous n'avons pas eu de gouvernement fédéral pendant 540 jours, mais le pays a fonctionné parce que les régions et communautés avaient pris le relai sur l'Etat fédéral.

En réaction à cela, nous voulons nous préparer. À quoi ça sert de rester seuls ? Nous avons une proximité linguistique, culturelle et politique évidente avec la République française.

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Le drapeau du RWF

La Wallonie serait, si j’ai bien compris, trop petite pour être un Etat indépendant ?
Elle est non seulement trop petite et ne peut pas se défendre économiquement, mais surtout, la Wallonie n'est pas une nation et ne l'a jamais été. Elle a toujours fait partie d'un tout : les Pays-Bas autrichiens, les Pays-Bas, la France, le Royaume de Belgique… Il n'y a pas de sentiment national en Wallonie, au contraire de la Flandre où il est très puissant, avec une dynamique profonde lancée au XIXe siècle. Il n'est pas possible de créer un Etat wallon.

Vos résultats aux élections sont plutôt faibles, mais ressentez-vous une sympathie de la part des Wallons en général envers le rattachisme ?
Incontestablement, nos résultats sont trop faibles. Mais la sympathie y est. Dans les années 2010-2011, pendant la crise belge, plusieurs sondages ont été effectués auprès de la population wallonne. En cas de disparition de la Belgique, la première des options privilégiées était le rattachement à la République française : entre 30 et 40% des Wallons se prononçaient en ce sens. Ceci dit, l'Etat belge tient toujours debout. Notre premier ministre Elio Di Rupo a donné l'illusion d'une Belgique une et éternelle avec la campagne de nos sportifs à la Coupe du monde. Mais c'est ignorer la puissance de la dynamique indépendantiste flamande ; à cause d'eux, je suis convaincu que l'Etat belge arrivera à son terme.

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Vous semblez encore moins populaires à Bruxelles, ville francophone de Flandre.
Bruxelles est l’un des trois Etats fédérés de Belgique. C'est une région à part entière, avec son Parlement et ses ministres, composée à 85% de francophones. Les Bruxellois ne s'identifient pas du tout à la Wallonie. Ils ne considèrent pas du tout le rattachement à la France comme une option à privilégier non plus. Nous souhaitons convaincre nos compatriotes Bruxellois mais nous ne nous faisons pas d'illusions. Même au moment où l'Etat belge touchera à sa fin, il y a fort à parier que les Bruxellois ne feront pas le bon choix.

Selon vous, quel est l’intérêt pour la France d'intégrer la Wallonie ?
Il est multiple. Le premier est un intérêt géopolitique. Depuis la réunification de l’Allemagne, le poids de la France en Europe a diminué. Concrètement, l'Allemagne a plus de sièges au Parlement européen, ce qui n'était pas le cas par le passé. Le fait de pouvoir récupérer des territoires, des populations et des sièges rétablirait l’équilibre perdu de la France par rapport à l'Allemagne. L'autre intérêt est économique. La région wallonne serait la huitième région française en terme de PIB. Il y aurait aussi l'apport incontestable de compétences reconnues et d'une main-d'œuvre qualifiée multilingue et productive. Donc la France aurait tout à gagner à agrandir son territoire, pour peu que les Wallons en décident ainsi.

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Un rassemblement du RWF ; aucun débordement n'a été à signaler. Image via le site du RWF.

D'accord, mais j'ai l'impression qu'en France, ce projet va surtout exciter la frange nationaliste. Par exemple, un article paru dans Valeurs Actuelles comparait la Wallonie à la Crimée.
C'est une vision erronée. Des sondages ont aussi été effectués en France, et entre 60 et 65% des Français verraient la réunion d'un bon œil. On ne parle pas des excités nationalistes du FN ou d'autres factions folkloriques – c'est une frange beaucoup plus importante de la population. Fait notable, dans les départements limitrophes, ou les frontaliers se connaissent, ce taux monte à plus de 70%.

Du coup, avez-vous contacté des partis politiques français ?
Bien entendu, nous avons des contacts avec les deux grandes formations en France, à savoir le PS et l'UMP. Nous excluons tous les partis extrémistes. Nous avons des contacts formels et informels avec des élus de la République, qui se doivent de garder un devoir de non-ingérence et de non-indifférence. Cela signifie qu'ils sont attentifs à ce qu'il se passe en Wallonie. Et ils nous confirment que le moment venu, comme l'a dit le général de Gaulle en son temps, si une autorité légitime – à savoir un référendum – en faisait la demande, cette solution serait acceptée sans aucun problème.

Si vous obtenez le rattachement, ne craignez-vous pas de voir apparaître des mouvements indépendantistes wallons, comme en Corse ou en Bretagne ?
Non, car comme je vous le disais, il n'y a pas de sentiment d'appartenance national. Il existe des sous-régionalismes très puissants, mais un Liégeois ou un Namurois ne se sent que vaguement wallon. Ceci dit, je crois qu'en France on a tendance à exagérer ces phénomènes, qui sont aujourd’hui passés au second plan.

Que va devenir le Roi des Belges dans tout ça ?
Il fera ce qu'il veut. Vous savez, notre Roi précédent, Albert II, vivait 300 jours par an à Grasse [en France] et le reste du temps à Bruxelles. Ce sont des personnes qui vivent sur le dos du contribuable belge et n'apportent rien à la Belgique. Le Roi ira dans une de ses propriétés, et il y coulera de vieux jours avec sa famille. Nous sommes évidemment républicains. Pour nous la monarchie n'est pas l'émanation d'une démocratie, dans la mesure où un citoyen ne peut pas y élire son chef d'Etat.

Merci beaucoup, et bonne chance.