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Drogue

Cartographier la consommation de drogue à Londres avec des pochons vides

Dan Giannopoulos a un hobby chelou.

Des pochons trouvés par Dan (Cliquez pour agrandir)

Que faites-vous avec tous ces pochons vides qui vous restent sur les bras ? À moins que vous ne soyez l’un de ces stoners ambitieux qui insiste pour conserver les tiges dans le but incertain de préparer un thé que probablement jamais personne ne boira, il y a de fortes chances pour que vous balanciez le tout à la poubelle – tiges, graines, miettes, sachets. Et si vous n’avez pas de maison – ou si vous faites partie de ces gens qui aiment se défoncer entourés d’inconnus, ou dans des parcs –, il est probable que vous jetiez vos pochons vides par terre ou dans les buissons, afin que des gamins de 10 ans les ramassent et les rapportent à l’école afin de pouvoir s’appuyer sur du concret en faisant le récit de leurs exploits fictifs du week-end.

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Depuis le mois de janvier de cette année, le photographe Dan Giannopoulos prend des photos de tous les baggies usagés qu’il trouve à travers tout le sud-est de Londres. Il consigne systématiquement leurs coordonnées géographiques dans le but d’établir une carte de tous les pochons qu’il a trouvés et de voir si oui ou non, un pattern se dessine. J’ai eu une rapide discussion avec Dan à propos de son projet.

Une carte établie à partir des coordonnées de tous les pochons que Dan a trouvés jusqu’ici (Cliquez pour agrandir)

VICE : Salut Dan. Qu’est-ce que ce projet t’a appris des sales habitudes des Londoniens ?
Dan Giannopoulos : Je travaille là-dessus depuis janvier de cette année, et je n’ai pas encore pris le temps de bien cartographier l’ensemble ; pour l’instant, mon projet se limite au sud-est de Londres. Si j’ai tendance à trouver plus de pochons dans les quartiers les plus prolos, je suis tombé aussi sur pas mal de sachets dans des endroits comme Blackheath, un quartier plutôt chic. C’est encore random pour l’instant, mais je compte bien bosser là-dessus pendant au moins une année entière et cartographier le tout pour voir si des patterns surgissent.

Et les drogues varient selon les zones ?
J’ai observé que dans les quartiers prospères, c’est surtout des sachets de weed qu’on trouve.

Et les zones les plus pauvres ? Y’a plus de weed qu’autre chose aussi ?
Y’a beaucoup de sachets où il est assez évident que le pochon contenait de la poudre, mais je suis incapable d’identifier la drogue visuellement. Je me suis rencardé avec des gens pour faire tester les sachets. Mais visuellement, y’a pas mal de designs qui indiquent qu’il s’agit bien de sachets de weed.

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Et les artworks sur les pochons, c’est un truc qui t’intéresse ?
J’ai commencé ce projet parce que j’avais l’habitude de me balader dans mon quartier, et je voyais tous ces petits sachets colorés traîner dans la rue, et pour moi c’était comme des petits bouts de street art que très peu de gens remarquaient. Donc ouais, c’est l’aspect visuel des pochons qui m’a attiré vers ce sujet. L’idée de noter les coordonnées des pochons, de prendre en compte l’aspect social et d’essayer de voir si on pouvait dégager des patterns spécifiques selon l’endroit, c’est venu après.

Pourquoi avoir choisi le sud-est de Londres en particulier ? C’est là où tu vis ?
Ouais, je ne voulais pas trop me mettre la pression avec des ambitions démesurées, donc j’ai commencé dans mon coin – vers Greenwich, Lewisham –, et j’ai poussé jusqu’à Bexley. J’ai trouvé plein de pochons à Thamesmead ; une quinzaine dans une zone de dix mètres carrés, dans un endroit bien planqué.

Dans quel genre d’endroits tu trouves le plus de pochons ?
Généralement, près des parcs, aux arrêts de bus – des endroits où les gens se rassemblent, se mettent à l’abri, je suppose. J’en ai aussi trouvé beaucoup dans le voisinage d’écoles primaires ; certains juste devant l’entrée d’écoles primaires.

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Et les pubs ? Ou alors les gens se contentent d’alcool ?
Ouais, j’en ai trouvé devant des pubs. Je consigne aussi les jours où je trouve les pochons, et c’est plus le samedi que j’en dégote aux alentours des pubs – les gens sont sortis le vendredi. De toute évidence, les gens vont au pub, puis s’éloignent de 10 ou 15 mètres pour fumer de la weed et laissent leur pochon derrière eux.

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T’as trouvé des enveloppes aussi ? Je suppose que ça se repère moins facilement.
Ouais, c’est dur de les identifier, et c’est toujours difficile de déterminer si ce que je vois est une enveloppe ou un bout de papier plié. J’ai vu des seringues aussi, mais je les ai laissées en dehors du projet.

Pourquoi ?
Pareil, c’est trop ambitieux. Ce que je fais, c’est collectionner les pochons et les répertorier. Éventuellement, j’en ferai un collage, un montage. Pour l’instant, je fais un montage numérique, mais je compte bien produire également une œuvre physique.

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Est-ce qu’il y a des pochons plus populaires ? Certaines zones où des dealers détiennent une sorte de monopole ?
J’ai remarqué que dans certaines zones, je retrouvais le même pochon, encore et encore. Y’en a un que j’ai trouvé, avec une mitrailleuse dessus – j’en ai peut-être trouvé 30 ou 35 comme ça, tous situés dans une zone spécifique de Thamesmead. Mais ça ne m’arrive plus trop de tomber sur denouveaux designs – la plupart ont des feuilles de cannabis ou des bulldogs, des trucs que j’ai déjà vus. Je les cartographie quand même, mais ce serait intéressant pour moi d’aller explorer des zones éloignées pour voir si de nouveaux pochons apparaissent– si différents dealers impriment leur marque sur d’autres zones.

Tu connais les dealers de ton quartier ?
Non. Je veux dire, ce monde est complètement séparé du mien. Je suis plutôt attiré par les sujets que je ne comprends pas nécessairement, donc, pour moi, ces pochons que je trouve, c’est comme des signaux qui indiquent une activité éloignée de mon quotidien – des activités cachées.

OK. Et t’es beaucoup plus efficace aujourd’hui pour repérer les pochons ? T’as développé un don ?
Oui, carrément. Parfois je suis avec des amis, à l’extérieur, et je remarque un pochondu coin de l’œil. Ça emmerde pas mal certains de mes potes et ma famille quand je sors mon carnet pour noter les coordonnées du sachet que je viens de trouver. Faut dire que c’est un peu devenu obsessionnel cet été, c’est pour ça. Là, je me suis un peu calmé.

Plus de boulots de Dan sur son site web ; vous pouvez aussi aller jeter un œil à ce qu’il fout avec son collectif sur aletheiaphotos.com