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Life

Hey les millenials : voici ce que c’était d’être adolescent dans les années 1990

Un aperçu véritable de la vie d'une Parisienne au moment où vous naissiez.
adolescente des années 90

Comme tous les adolescents français des années 1990, je me suis pas mal ennuyée. Ça se faisait beaucoup à l'époque, presque autant que le divorce.

J'ai grandi entre le 7e et le 15e arrondissement de Paris, où je fréquentais l'École active bilingue Jeannine Manuel, qu'on appelle plus simplement « école bilingue ». À cette époque, Internet et H&M n'existaient pas, les frites, la semoule et les yaourts nature sucrés étaient ce qu'il se faisait de mieux à la cantine, et tout le monde possédait un hamster.

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C'était il y a longtemps donc, mais à l'échelle de l'histoire, c'est également tout près. À ce moment-là, Alain Juppé était Premier Ministre et le monde connaissait, en vrac, la fin de l'Apartheid, la Guerre du Golfe, le génocide au Rwanda, la mort de Lady Di et l'arrivée de la brebis clonée Dolly.

À l'heure où les gens cool d'aujourd'hui fantasment sur une décennie qu'ils n'ont pas connue et essaient de s'habiller comme moi il y a plus de 20 ans, je me suis dit qu'il fallait que je leur annonce une mauvaise nouvelle : non, la vie n'était pas aussi drôle, fun et colorée qu'un Tumblr de 2016. Ce n'était pas pire, ce n'était pas mieux. C'était différent.

Lorsqu'on ne s'ennuyait pas, voici comment on passait le temps il n'y a pas si longtemps.

LA MUSIQUE

Déjà, il faut savoir que la musique était à la base et au centre de tout. Moi j'écoutais du rock, du hard rock même. J'étais une « hardos » quoi.

Tout a commencé cet été 1991 lorsque mon cousin m'a filé le CD de Mama Said de Lenny Kravitz. De là j'ai fait le recoupement entre son cousin Slash, ce chevelu hyper sexy qui faisait la guitare sur l'album, et celui que je retrouvais dans les clips de Guns N'Roses sur MTV. Parce que tous les après-midi après l'école j'allais chez ma meilleure amie, on se préparait des croque-monsieur à la machine et on allait les avaler sur le canapé devant MTV.

Les clips à la chaîne, Beavis and Butt-Head, Yo ! MTV Raps et Headbangers Ball alimentaient notre imaginaire. Autant de personnages assimilés et apprivoisés que nous mettions ensuite en scène dans nos jeux. Car je ne sais pas si c'est le cas de tout le monde, mais dans mes années 1990 à moi, on jouait encore aux Barbie à l'âge de 16 ans – bien sûr le plot avait un peu évolué depuis notre enfance.

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Mon premier concert de grande (j'avais 13 ans) fut naturellement Kravitz au Zénith. J'avais acheté le poster à la sortie et l'avais accroché dans ma chambre le soir même. Je me souviens clairement m'être prosterné devant lui. Ensuite les Guns à Vincennes en 1992, avec plein de camarades d'école et quelques adultes pour nous encadrer, du coup ça ressemblait un peu à une sortie scolaire. Soundgarden jouait en première partie. Je les ai débilement ignorés, comme j'ignorerai toutes les premières parties de concert de ma vie. Je ne pouvais pas savoir que je deviendrai fan et que j'irai les voir à l'Elysée-Montmartre deux ans plus tard. Et que ça serait là, pendant le rappel, qu'on apprendrait la mort de Kurt Cobain, ce qui déclencha une forte émotion frôlant l'hystérie collective.

Mais mon concert le plus mémorable demeure sans hésitation celui de Metallica à Bercy en 1992, pour le Black Album, avec un vrai « snake pit », c'est-à-dire un trou au milieu de la scène dans lequel pogotaient les fans les plus hardcore. Ma mère m'a accompagnée, mais de loin cette fois. Je crois qu'elle aimait bien, je l'avais grillée en train d'écouter le CD. J'ai failli mourir ce jour-là ; un mec en transe s'est jeté du balcon par-dessus ma tête et a atterri sur le béton 10 mètres plus bas, manquant de m'entraîner avec lui.

Pour aller à un concert comme pour écouter un disque, il fallait passer par la case Virgin. Le Virgin Megastore était alors un lieu magique. Installé dans un énorme bâtiment Gotham City des Champs-Élysées, il ne fermait qu'à minuit tous les jours et c'est pour ça qu'on allait y traîner des heures durant. Lorsqu'un album sortait, nous l'avions attendu religieusement pendant des mois et nous allions faire la queue devant le magasin le jour de sa sortie. Ensuite c'était lui qui nous dictait ce qui était bien – pas le contraire.

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À ce jour je ne sais toujours pas si cette absence de sens critique était liée à l'époque ou à ma naïveté adolescente. Ce qui est sûr, c'est que tout a changé avec Internet.

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Un collage de photos de l'auteure prises avant l'an 2000.

LA TECHNOLOGIE

Mais à la place d'Internet, on avait la télévision.

La mienne, il fallait taper dessus pour stabiliser l'image et pouvoir regarder Madame Est Servie le soir avant le dîner. Par chance, ma grand-mère avait un vrai poste – on appelait ça un poste, en effet – avec le câble et j'ai pu profiter à fond de Beverly Hills, Le Prince de Bel Air, Friends, Twin Peaks ou Seinfeld. Toutes ces séries américaines comptent pour beaucoup dans la personne que je suis devenue.

Autre chose qui a compté : la Coupe du Monde de foot de 1990, en Italie. C'est là que je suis devenue fan de la Squadra Azzura. Un peu à cause de mes origines italiennes, un peu parce que je suis tombée amoureuse du gardien de but nommé Walter Zenga. Depuis je soutiens cette équipe sans faillir (même face à la France), quoique j'ai été amoureuse d'autres hommes : Baggio, Cannavaro ou Verratti.

Sinon vous vous souvenez du Minitel ? Ma meilleure amie et moi allions sur des sites comme 3615 Cum donner rendez-vous à des hommes que nous appelions des « pervers » afin de leur poser un lapin.

Le téléphone était big aussi. Tout le monde y passait des heures. Il m'est arrivé plusieurs fois de m'endormir le combiné coincé entre ma tête et l'oreiller. Puis j'ai eu un Tam Tam (c'était peut-être un Tatoo ?), ces bippers totalement inutiles parce qu'il fallait de toute façon rappeler la personne, avant d'avoir mon premier portable en 1997 car, dixit l'amie qui me l'a offert, « il était grand temps » que je m'y mette. C'était un Sagem Sanaga vert.

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Sinon vous vous souvenez du Minitel ? Ma meilleure amie et moi allions sur des sites comme 3615 Cum donner rendez-vous à des hommes que nous appelions des « pervers » afin de leur poser un lapin. On allait les épier derrière un arbre au Champ-de-Mars alors qu'ils nous attendaient en vain. C'était un peu cruel.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, les jeux vidéo n'étaient pas si importants que ça. Tout le monde avait une Game Boy, une Super Nintendo ou la Mega Drive, mais j'ai l'impression que c'était le creux de la vague par rapport à l'excitation des années 1980 et les enfants sous X-Box d'aujourd'hui. Ce qui comptait en fait, c'était de savoir si on était Sega ou Nintendo.

LES FRINGUES

Pour m'habiller, j'avais le choix entre trois boutiques dans mon quartier : le Kookaï de la rue du Commerce, le magasin de trucs américains avec Levi's, Converse, Schott etc. et, quand je m'aventurais jusqu'au centre commercial de Beaugrenelle, l'ancêtre de Decathlon où je trouvais un choix très limité de baskets. Un peu plus tard, je découvrais à quelques rues de chez moi un petit shop à tendance redskins qui vendait du Lonsdale et des Docs. C'est là qu'après de longues économies je finis par m'offrir cette affreuse paire à mille trous qui montait jusqu'aux genoux et que j'ai fini par couper, évidemment.

Le salut vestimentaire n'est venu que lorsque je me suis affranchie des limites de ma rive gauche natale pour de grisantes escapades aux Puces de Clignancourt. À moi les t-shirts de groupes, le velours côtelé et les cuirs élimés aux coudes.

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Quand j'étais hardos, s'habiller pour l'occasion signifiait simplement enfiler son jean le plus déchiré, écrire toutes sortes de choses à caractère violent et dessiner des logos de groupes dessus pendant les cours. Et aussi, porter le plus de noir possible.

Puis au moment où Seattle irradiait plus fort que tout et que Nirvana était en heavy rotation sur MTV, je suis devenue grunge. On disait vraiment « grunge » et je portais vraiment un treillis coupé aux genoux sur des collants, un t-shirt à manches courtes sur un t-shirt à manches longues, une chemise à carreaux et des Converse (on ne dit pas « All Stars » les gars). Pour comprendre ce look, se référer à Eddie Vedder de Pearl Jam, dont il me paraissait inévitable que nous finirions ensemble tellement c'était l'homme de ma vie.

LES FILMS

Pour voir un film dans les années 1990, s'il ne passait ni à la télé ni au cinéma du coin, il fallait l'emprunter. Dans un espace prévu à cet effet : un vidéo-club.

Il y en avait un juste derrière chez moi. C'est là que j'ai loué mes premiers Kubrick, Scorsese, Coppola. J'ai vu The Shining un million de fois, c'était mon film préféré. Je ne comprends pas comment j'ai fait tellement c'est perturbant. Sans doute les hormones. J'en étais si fan que j'ai baptisé mon premier groupe Redrum.

D'ailleurs nous en faisions aussi, des films. Avec une camera Super 8 nous tournions des petits sketches embarrassants et souvent à la limite du supportable, où il nous arrivait de mettre en scène / prendre en otage un membre de notre entourage.

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Ma meilleure amie (toujours elle, j'ai littéralement partagé mon adolescence avec cette personne) habitait au-dessus du Kinopanorama. C'était alors la plus grande salle de cinéma de Paris et le summum de la modernité. C'est dans cette salle, fermée en 2002, que j'ai vu Le Cinquième Élément et Titanic. À l'époque, l'idée d'un film qui durait trois heures inquiétait. Mes voisins de salle avaient ainsi prévu une glacière de laquelle ils sortirent cannettes et sandwiches à un certain point du film.

Le Kinopanorama nous a surtout amené The Doors d'Oliver Stone. Après avoir vu et revu le film, nous pouvions encore l'entendre résonner dans la cour de l'immeuble plusieurs fois par jour en ouvrant la fenêtre de la cuisine.

LA MORT

Nous étions obsédées par Jim Morrison.

On passait beaucoup de temps sur sa tombe au Père Lachaise ou à l'appeler au cours de nos diverses séances de spiritisme.

Le spiritisme, dans les années 1990, consistait à disposer des lettres de Scrabble en cercle autour d'un verre retourné sur une surface lisse et allumer quelques bougies. Après un peu de recueillement, on posait une question à la personne morte de notre choix – très souvent Jim – et, le bout de notre index posé sur le verre, on attendait qu'elle nous épelle sa réponse. Mettre de la musique en accord avec le défunt aidait pas mal pour se mettre dans l'ambiance, d'où les Doors.

Un jour, alors que nous attendions une réponse de Jim, la flamme d'une bougie vacilla manifestement, suivi d'un pssshhht qui nous fit sursauter. Nous n'avons plus refait de spiritisme après ça.

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Mais, inspirées par l'émission Mystères qui passait sur TF1 – plus d'un ont été traumatisés avec des épisodes tels que « La Maison qui saigne » ou « Voix d'outre-tombe » –, nous entreprîmes d'enregistrer le silence. On laissait tourner une cassette audio dans un magnétophone en mode enregistrement dans une pièce vide. Après, il fallait se taper plusieurs heures d'écoute du silence pour vérifier que personne ne nous avait parlé depuis l'au-delà. J'étais dans mon bain lorsque ma meilleure amie m'a appelée en panique pour me faire écouter son enregistrement du jour (elle était plus assidue que moi). J'ai clairement entendu un grésillement d'outre-tombe prononcer son prénom. Un frisson glacé m'a parcouru et l'eau du bain est devenue froide.

La mort de Gainsbourg nous a pas mal déprimées sinon. On avait toutes les deux la grippe au moment où c'est arrivé et pour nous c'était forcément lié.

LE SEXE

On n'allait pas en club, à l'époque. On allait « en boîte », et ça nous disait rien du tout.

À la place, on organisait des « squats ». Rien à voir avec les immeubles désaffectés et recouverts de tags où deux trois marginaux entreposent des demi-mannequins de vitrine en guise d'œuvre d'art ; là, c'était juste des soirées où on se retrouvait chez celui dont les parents n'étaient pas là pour ne rien faire de spécial. En général on buvait du Malibu, on vomissait du Malibu et on fumait de la « skunk ». Un soir j'ai fait un bad trip à la skunk, j'ai cru que je ne redeviendrai jamais normale. Quelqu'un m'avait dit qu'ingérer un citron combattait les effets du cannabis. Faute de citron j'ai mangé l'orange qui traînait dans le frigo. Ça n'a pas marché. J'ai dû répondre à un appel de ma mère et ensuite, comme j'étais persuadée d'avoir des spasmes et de faire 1 500 fois le même geste, j'ai demandé à un ami de s'asseoir sur moi.

Ma mère était hôtesse de l'air, donc c'était souvent chez moi que ça se passait. J'ai adoré la fois où nous avons regardé le film Ça – aussi appelé « Il » est revenu » – allongés par terre dans le salon comme des cannelloni. Le film parle d'un vieux clown chauve aux dents pointues et hyper jaunes qui vit dans les égouts et veut tuer des enfants. On adorait mater des films d'horreur, peut-être l'équivalent en sensations fortes d'un porno. Après le visionnage, on s'était fabriqué un lit géant dans ma chambre et on avait dormi tous ensemble. Jamais rien de sexuel ne se passait, malgré l'intimité et les contacts physiques établis pendant les passages flippants du film. Je me souviens qu'on avait dû bien fermer la fenêtre pour mon pote Sacha, qui avait une peur irrationnelle de Klaus Barbie et craignait qu'il ne vienne l'enlever pendant la nuit.

Pas de sexe donc.

Laura ne se sert pas de Twitter, mais possède un Instagram avec des photos de son fils.

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