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Harald Sandner : J'ai passé entre 20 et 25 ans dessus. Je n'ai pas fait que ça, bien sûr. J'ai également publié quatre autres ouvrages sur différents sujets au cours des 15 dernières années. Mais, pendant tout ce temps, j'ai travaillé sur Das Itinerar – et je l'ai enfin terminé. Quand je commence quelque chose, je le termine toujours. Au départ, je n'avais pas la moindre idée de tout le travail que ce projet allait nécessiter.D'où vous est venue l'idée ?
J'ai toujours été passionné par l'histoire. Très tôt, j'ai découvert des incohérences sur les déplacements d'Hitler. Plus je faisais des recherches, plus je repérais des erreurs ou des inexactitudes. Je me suis dit qu'il devait bien exister un carnet de bord complet. Or, ce n'était pas le cas.
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J'ai commencé par créer une matrice de données avec tous les éléments que j'avais en ma possession. Par exemple, tout le monde sait qu'Hitler était à Berlin le 1er septembre 1939 et qu'il a prononcé un discours devant le Reichstag. De là, j'ai comblé les trous. J'ai écrit aux archives et j'ai voyagé.Vous n'êtes pas historien de profession. Pourquoi vous êtes-vous donné autant de mal ?
Je fais du traitement des données – mon boulot consiste à m'assurer que les données sont correctes. Plus je découvrais des erreurs, plus je ressentais le besoin de clarifier les choses une bonne fois pour toutes. Mon travail pourra désormais servir de référence pour les historiens.Est-ce vraiment d'une importance capitale d'avoir l'emploi du temps précis d'Hitler ?
Prenons Hambourg, par exemple. Avant la guerre, les rumeurs disaient qu'Hitler détestait Hambourg à cause de son atmosphère trop froide et hanséatique. Ensuite, Werner Johe a écrit Hitler in Hamburg, ce qui a complètement changé la donne. Selon Johe, après Berlin, Munich et Nuremberg, Hitler n'a visité aucune ville autant qu'Hambourg. Mais, bien sûr, ce n'est pas vrai non plus. Hitler a visité d'autres villes plus souvent – Bayreuth et Weimar, pour n'en citer que quelques-unes. Mais il n'évitait pas Hambourg.
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On comprend qu'il aimait se déplacer, bien sûr. Un jour, Hannah Arendt a dit que la caractéristique de la dictature totalitaire était l'ambiguïté du centre effectif du pouvoir – et Hitler personnifiait ce centre. Il n'avait pas de vie privée. Il a voyagé partout et régnait depuis là où il était. Il est impossible d'associer ses décisions à un seul endroit.Qu'avez-vous découvert d'autre à son sujet ?
Il est intéressant d'analyser la progression de sa renommée. Il a prononcé un discours devant 50 personnes en 1920, ensuite ça a été devant 100 personnes, puis 300, puis 500 et ainsi de suite. Tout le drame s'est déroulé très lentement – et personne ne réalisait où tout ça allait mener. À présent, vous pouvez vraiment voir tout cela dans mon livre.On entend souvent dire qu'Hitler était assez inconstant dans son travail. Parfois, il travaillait d'arrache-pied toute une nuit, puis se contentait de se balader pendant des semaines. Est-ce vrai ?
Oui. Il lui arrivait de ne rien faire pendant des semaines. Il était le genre de type à toujours repousser ses décisions à plus tard – mais une fois prises, elles étaient gravées dans le marbre. Voilà ce qui était si fatal.Diriez-vous que vous éprouvez une fascination pour Hitler ?
Je suis fasciné par les données correctes. Pour moi, tout est une question de faits – j'en avais marre d'entendre de fausses informations. Par exemple, vers l'an 2000, il a été dit qu'Hitler avait mis les pieds seulement deux fois à Cobourg, ma ville natale. Mais, en réalité, Cobourg a été la première ville allemande à nommer Hitler citoyen d'honneur. Cobourg fut la première ville nazie, avec le premier maire nazi et le premier journal nazi. Ils ont tenté de balayer ça sous le tapis. Ce n'est que récemment qu'ils ont nommé un conseil d'historiens dans la ville. Je transmets la vérité et personne ne peut la contester. Je veux juste dissiper les mythes.Pensez-vous que ce travail est encore important aujourd'hui ?
Klaus von Dohnanyi a dit un jour que nous, les Allemands, devons enfin comprendre que Goethe est notre Goethe, Bach est notre Bach et Hitler est notre Hitler. Une fois que nous aurons compris ça, nous pourrons passer à autre chose. Beaucoup ne le comprennent pas encore. Prenons le NSU [le Parti national-socialiste souterrain – un groupe terroriste néonazi qui a commis des crimes racistes au début des années 2000], par exemple. Une de leurs figures majeures, Tino Brandt, a travaillé vers chez moi pendant des années. Ce n'est pas abstrait, une importante tranche de l'histoire peut se trouver à deux pas de chez vous.Quels sont vos projets pour la suite ?
En plus de Das Itinerar, j'ai écrit une dizaine de livres – onze kilos de livres si on les prend tous ensemble. Je pense que je vais me détendre un peu pour le moment.