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LE NUMÉRO BEHREN

Chez Monsieur le maire

Donc, Behren est censée être la ville la plus pauvre de France. En tout cas, c’est ce que son maire (PS), Michel Obiegala, a déclaré à la presse, en ajoutant: «Chez moi, ce n’est même plus la France d’en bas, c’est la France de la souffrance».

Photo: Maciek Pozoga

Donc, Behren est censée être la ville la plus pauvre de France. En tout cas, c’est ce que son maire (PS), Michel Obiegala, a déclaré à la presse, en ajoutant: «Chez moi, ce n’est même plus la France d’en bas, c’est la France de la souffrance».

Vice: Comment présenter votre ville? Michel Obiegala: Je parle d’une ville de paradoxes. Théoriquement, on est assis sur une cocotte-minute. Pendant les émeutes de 2005, on avait même le cul dedans…Ici, on a 42% de chômage chez les jeunes et 65% de la population à moins de 25 ans… Wow. C’est comparable à certains pays d’Afrique. Behren est-elle la ville la plus pauvre de France? Dit comme ça, ça me déplaît. Vous vous referez à un classement réalisé par la délégation interministérielle à la Ville. Et vous l’avez dit dans la presse… Bon, il faut regarder les critères qui ont permis de déterminer ce classement…À Berhen, il y a plus de 87% de logements sociaux. On avait donc toutes les chances de gagner sur ces critères de pauvreté, c’est de la discrimination négative… On a senti un certain clivage entre Algériens et Marocains. Les Algériens appellent les Marocains «les arrivistes», parce qu’ils viennent d’arriver. Étant les derniers arrivés, les Marocains ont pris la crise des années 1980 en pleine poire. Il est normal qu’ils soient prioritaires à l’accès à l’emploi. Pour revenir à ce statut de ville la plus pauvre. Bon, arrêtez, vous savez d’où c’est venu ça.  Attendez la suite, c’est discriminant pour votre réputation, mais, ça vous apporte quelque chose, non? Ça a permis, entre autres, la création de la Zone franche urbaine de Berhen. Mais sur les 5 000 emplois créés dans cette ZFU, les entreprises n’ont embauché que 3% d’habitants de Berhen… On ne peut pas obliger les entreprises à embaucher la population des communes où elles sont implantées… Reformulons la question, y a-t-il une discrimination à l’embauche pour les habitants de Berhen? Oui. Quand vous portez un nom à consonance étrangère et qu’en plus vous habitez la cité de Berhen, vous avez 60% de chances en moins de trouver un emploi. On a l’impression que les seuls jeunes du coin qui ont un job sont soit animateurs, soit médiateurs, soit éducateurs… Dit comme ça c’est un peu choquant mais ce n’est pas faux. On a créé l’équivalent de 200 emplois de proximité. Quelqu’un nous a expliqué que les gendarmes laissaient les jeunes circuler en voiture avec un joint sans les arrêter, qu’ils les laissaient tranquilles en quelque sorte… Si le gars vous l’a dit comme ça, tant mieux!  Mais, globalement, la délinquance est en diminution. Ce sont les agressions et les violences sur la personne qui sont les plus pénibles. Une mémé qui se fait agresser c’est pénible. On a installé dix-huit caméras dans la ville, ce qui a permis de nous rendre compte que ceux qui opéraient des violences contre les personnes étaient, pour la plupart, des professionnels. Avant les caméras, on pensait que c’étaient des jeunes de la cité. Finalement, on a l’impression que Behren est un genre de cité modèle, sans tags et sans drogues dures… Je suis très pointilleux sur la propreté à Berhen, pas de tags, pas de canettes par terre…C’est aussi ça les emplois de proximité. J’ai envie d’ajouter que c’est pas parce qu’on est pauvre qu’on doit être sale. Mais on a aussi la sensation que c’est la fin d’une utopie avec la fermeture des mines. Vous savez, à l’époque, on vivait dans un système paternaliste…Aujourd’hui, il n’y a plus de culture d’entraide, nous sommes simplement revenu à la réalité. PROPOS RECUEILLIS PARLA RÉDACTION DE VICE