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Comment agir face à une amie suicidaire

Ma meilleure copine est devenue cobaye pour des médecins sans scrupule et passe son temps à déprimer – j'ai réussi à l'aider.

Photo via Flickr

Je ne me souviens pas précisément de la première fois où ma meilleure amie m'a parlé de ses tendances suicidaires. Je me rappelle juste que nous avons parlé dans sa voiture, garée dans l'allée de sa maison. Elle a passé le plus clair de notre discussion à contempler sa porte de garage blanc pâle à travers le pare-brise. Au bout d'un moment, elle a fini par me révéler qu'elle avait tenté de se suicider une semaine plus tôt. Après sa confession, je me suis mise à déblatérer, bien que je savais pertinemment que cela ne changerait rien. Je me suis mise à répéter « Tu ne peux pas faire ça », jusqu'à ce qu'elle finisse par me regarder dans les yeux, alors qu'une larme creusait un sillon sur son visage.

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Depuis cette soirée, je n'arrête pas d'y penser. Je crains le jour où je recevrais un coup de fil de sa mère. Je panique quand elle passe des jours entiers sans me donner de ses nouvelles. Je vais régulièrement voir son compte Instagram pour voir si elle poste quelque chose. Je stalke son Tumblr en permanence. Je regarde aussi si elle a fini par réactiver son compte Facebook.

Sept mois après sa révélation, elle m'a appelé d'un hôpital psychiatrique – le même où elle avait été hospitalisée quelque temps plus tôt. Elle m'a expliqué que sa mère lui avait menti pour qu'elle accepte de revenir à l'HP. Elle s'est mise à sangloter, en prenant de grandes inspirations avant de parler, avant de me confier qu'elle mettrait fin à ses jours au moment où sa mère décèderait. Je l'ai imploré de ne pas dire ça. Elle m'a dit que ça avait toujours été son plan, que même sa mère était au courant. Je me suis sentie frustrée. « Ce n'est pas normal », ai-je dit. Je ne pesais pas vraiment le poids de mes mots à ce moment-là – j'ignorais si je devais essayer de la rassurer et de lui dire que c'était tout à fait OK d'avoir ce ressenti, ou si je devais lui dire ce que je pensais vraiment.

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Quand j'ai demandé à mon amie ce qu'elle pensait du fait que j'écrive cet article, elle ne m'a pas répondu pendant une journée entière. Je craignais qu'elle me demande de ne pas l'écrire, ou pire, qu'elle me considère comme insensible. Mais elle a fini par me dire qu'elle était prête à en parler librement, et à me donner des détails sur sa maladie, son traitement médical et les sombres pensées qui envahissaient son esprit depuis des années.

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Récemment, elle a été diagnostiquée d'un trouble dépressif majeur, l'un des troubles mentaux les plus courants aux États-Unis. Selon l'Organisation Mondiale de la Santé, ce trouble se caractérise par un terrible sentiment d'incapacité. Mon amie pourrait tout à fait souffrir d'un trouble bipolaire de type II et d'un trouble schizo-affectif. Mais ces troubles sont difficiles à diagnostiquer quand le patient est jeune, car il peut être difficile de différencier les symptômes de la bipolarité des angoisses existentielles caractéristiques de l'adolescence. En moyenne, il faut compter dix ans pour que les patients bipolaires soient correctement diagnostiqués et traités. Mais entre temps, le patient doit souvent subir une période de tests et d'échecs assez difficile.

Depuis longtemps, j'ai l'impression d'être une observatrice constamment mise à l'écart, prête à lui prendre la main à tout moment pour la remettre sur le droit chemin.

Wendy Parker, une infirmière spécialisé dans les traitements des enfants et des adolescents, m'a expliqué que les médecins testaient souvent des médicaments sur des jeunes souffrant de symptômes de troubles bipolaires afin de déterminer ce qui marchait ou non. « Si vous lui donnez du Prozac, vous verrez rapidement comment elle réagit », m'a-t-elle raconté. « Si elle ne répond pas de manière positive, son humeur va connaître de nombreux changements : elle éprouvera un sentiment de vertige, se sentira tour-à-tour stupide, heureuse, déprimée et agressive. » Dans ce cas de figure, les médecins devront établir un autre diagnostic ou modifier son traitement.

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Il y a quelques années, un médecin a prescrit 20mg de Prozac à mon amie. Son dosage est passé à 40mg, puis à 60mg – jusqu'à ce qu'on lui donne 250mg de Seroquel pour stabiliser son humeur. Elle me répétait sans cesse que son traitement ne marchait pas. En décembre dernier, elle a décidé d'arrêter de prendre tout ses médicaments en même temps. Depuis, elle a abandonné ses études et déménagé à l'autre bout du pays pour une durée indéterminée. Elle ignore où elle sera dans un mois, et ça me terrifie. Elle est toujours en train de bouger, déracinée en permanence à cause de ses décisions et ses changements de vie radicaux. Depuis longtemps, j'ai l'impression d'être une observatrice constamment mise à l'écart, prête à lui prendre la main à tout moment pour la remettre sur le droit chemin.

Il y a deux étés, alors que nous vivions toutes les deux à New York, elle m'a téléphoné de son appartement à Manhattan. Sa voix oscillait entre le rire et le murmure quand elle m'a demandé si je me rappelais des baskets accrochés sur les fils électriques qui côtoyaient sa fenêtre. J'ai répondu oui. « Et s'il y avait une caméra à l'intérieur ? » m'a-t-elle demandé. À ce moment, je me suis dit qu'elle avait sans douté fumé un joint et qu'elle faisait une petite crise de paranoïa. Mais suite à ce coup de fil, j'ai passé la nuit à me retourner dans mon lit, en l'imaginant contempler sa fenêtre, toute seule dans l'obscurité.

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La plupart du temps, la frustration qui accompagne le fait d'être ami avec une personne qui souffre d'une maladie mentale n'a aucun rapport avec l'ami en question. Je me sens impuissante face à tout ce qu'elle traverse. Je suis révoltée par le fait que les médicaments ne marchent pas. Je suis révoltée par le fait que les médicaments soient – selon elle – sa seule option. Je suis révoltée par le fait qu'il n'y ait pas de solution plus adaptée. Je suis révoltée de ne pas pouvoir faire quoi que ce soit pour l'aider.

« Beaucoup de gens bipolaires mènent une vie heureuse », selon Parker. « On peut apprendre à vivre avec et à prendre soin de soi. Mais quand on est jeune, c'est vraiment difficile. Ces jeunes doivent reconnaître qu'ils sont des êtres humains à part entière, que tout va bien, bien que leur cerveau tende à leur faire croire le contraire.»

J'ai demandé à Parker si je pouvais faire quoi que ce soit pour mon amie. Elle m'a dit de faire tout ce qui était en mon pouvoir pour tenter de la comprendre. Si la moindre chose m'énervait de sa part, il fallait que je me rappelle qu'il y avait mon amie d'un côté, et sa maladie de l'autre. « Certaines choses viennent d'elle, et d'autres viennent de la maladie », m'a-t-elle répondu.

Les rares fois où mon amie m'explique ce qu'il se passe dans sa tête, je ne sais pas trop quoi lui répondre. Elle me parle des lettres de suicide qu'elle a déjà rédigées et de son envie de se tuer après la mort de sa mère. Dans ces moments-là, quand je ne n'arrive pas à trouver les mots justes et que je suis angoissée à l'idée de dire quelque chose qui pourrait empirer la situation, j'essaie de rester simple et honnête – ainsi que me l'a recommandé l'infirmière. « C'est ton rôle de montrer à ton amie que sa vie a de l'importance. Ça peut vraiment l'aider », m'a-t-elle conseillé.

Et je n'ai pas lâchée mon amie jusqu'à ce qu'elle mesure la valeur de sa vie. Je l'ai laissée ignorer mes messages pendant des jours, sans exprimer ma frustration. Je ne me suis pas plaint quand elle m'a caché ses secrets. J'ignore le fait qu'on se parle que lorsqu'elle en a décidé ainsi. Notre amitié est uniquement fondée sur sa façon de faire, et je pense que ça ne changera pas tant qu'elle n'ira pas mieux. Je ne prétends pas que consolider notre amitié soit au centre de ses priorités. Je ne voudrais vraiment pas que cela devienne le cas. À chaque fois que je me sens méprisée, ignorée ou blessée, je lui accorde aussitôt mon pardon. Et je pense continuer à agir de la sorte.

Si vous rencontrez des problèmes avec la dépression ou le suicide, vous pouvez contacter SOS Amitiés à cette adresse.