Illustration : Deshi Deng
Illustration : Deshi Deng

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Comment les détenus accèdent au porno en prison

Derrière les barreaux, les magazines pour adultes peuvent valoir des centaines de dollars.
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR

En prison, la marchandise la plus précieuse n'est ni le tabac, ni les drogues dures, mais le porno. Tout le monde ne fume pas, tout le monde ne se défonce pas, mais tout le monde se branle – que ce soit par solitude, par excitation sexuelle ou par ennui. Au cours de mes 21 ans d'incarcération en Amérique, ce qui m'a le plus manqué était la compagnie d'une femme, d'autant plus que je n'avais pas de visite conjugale.

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Le porno circule surtout sous la forme de magazines érotiques, bien que les magazines de mode sans nudité soient également populaires. Ces magazines sont le plus souvent passés en contrebande par les agents correctionnels cherchant à arrondir leurs fins de mois. Un magazine complet peut être vendu à la criée aux autres prisonniers pour une somme allant jusqu'à 200 dollars – tout dépend de ce qu'il y a à l'intérieur. Les propriétaires en font ensuite des copies en noir et blanc et les revendent pour 20 dollars pièce. Les images de certaines pin-ups se vendent au prix d'un timbre et les prisonniers les échangent une fois qu'ils se lassent de « leur fille ».

Il arrive également que les amis ou la famille impriment des photos sur Internet et les glissent dans les courriers. Un DVD porno – extrêmement rare en prison – peut rapporter plusieurs centaines d'euros à l'agent qui l'a fait entrer ; les téléphones contenant des vidéos pornographiques téléchargées se vendent jusqu'à 500 dollars.

« C'est dingue le prix que ça nous coûte, m'a récemment dit un prisonnier au téléphone. Mais encore une fois, c'est la prison. Mettre la main sur un peu de porno est tout ce qu'un mec peut espérer. »

Étant donné que la plupart des prisons ont banni le porno, les prisonniers sont prêts à tout pour préserver et dissimuler leurs collections. Selon les règles respectives des établissements, les sanctions peuvent aller de la confiscation à l'isolement, en passant par les transferts disciplinaires et les accusations criminelles pour introduction ou possession de produits sexuellement explicites. Certaines prisons ont fait de la masturbation, même sans porno, une infraction.

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Afin d'avoir un aperçu sur la façon dont circule le porno en prison aujourd'hui, nous avons interrogé plusieurs détenus pour savoir comment ils obtiennent, échangent et dissimulent cette chose que les Américains regardent gratuitement chaque jour pendant d'innombrables heures.

Premier prisonnier
31 ans
Purge une peine de dix ans en Virginie Occidentale pour distribution de crystal meth

Certains types en prison gagnent beaucoup avec le commerce du porno. Ils ont des clients réguliers, et c'est une addiction pour certaines personnes. J'avais un vieux numéro tout défoncé du magazine Just 18. Il datait de 1999 et il manquait la moitié des pages, mais je le louais souvent. Le prix de la location était de cinq timbres – environ 1,50 dollar – pour 30 minutes. Ça peut vite devenir coûteux pour un masturbateur compulsif. Certains mecs ont de vrais problèmes d'addiction à la masturbation. J'essaie de me tenir éloigné d'eux. J'ai vendu ce magazine pour 100 dollars, juste avant d'être transféré dans un autre établissement.

Dans une autre prison, un de mes potes avait une copie de Buttman. Il conservait le magazine dans une protection en plastique. Il l'a vendu pour 200 dollars juste avant de partir. Un autre mec, là-bas, s'est fait transférer dans une autre prison après avoir été pris en train de faire de la contrebande sur un ordinateur. Il le louait pour 5 dollars de l'heure et avait téléchargé des centaines de vidéos porno. Quand il s'est fait prendre, il est retourné au tribunal et a pris six mois de plus.

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Les détenus revendent aussi des photos que leur famille ou leurs potes leur envoient, pour trois à quatre timbres la pièce. Certains se lassent de leurs photos et les échangent pour de nouvelles. Le prix d'une photo dépend de la largeur du cul de la fille. Certains mecs font même des demandes particulières, ou veulent des pornstars en particulier. J'ai vu des détenus s'en amouracher, comme si la fille en photo était littéralement leur copine.

Deuxième prisonnier
46 ans
Purge une peine de prison à vie dans l'Ohio pour trafic de drogue

Blacktail, De'Unique, Penthouse, Playboy, Buttman, Freaky Girls, Video Illustrated : c'est ce que l'on appelle les « livres de baise » ici. Dehors, un magazine vaut généralement autour de 10 dollars, mais en prison, un numéro récent de Blacktail peut vous coûter entre 200 et 300 dollars. Ces magazines sont de la contrebande et sont confisqué s si les flics les trouvent. Vous pouvez alors faire l'objet d'un rapport d'incident, être mis en examen ou au trou pour avoir été chopé en possession de pornographie. Pour protéger votre cachette, mieux vaut dissimuler le magazine sous la couverture d'un magazine acceptable.

Quand je louais des magazines, je devais moi-même numéroter les pages, parce que les mecs étaient si habiles pour les déchirer qu'il était difficile de remarquer qu'il en manquait une. Et même si vous le remarquiez, vous ne pouviez pas savoir exactement qui était le responsable. À présent, je laisse seulement quelques détenus louer mes mags, et je parcours chaque page avant et après la location, histoire qu'il n'y ait aucun malentendu.

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Je possède la photo d'une jolie fille – elle a un aspect exotique, des poils de chatte soyeux et bouclés et un gode dans la bouche. Son regard en dit long, de même que sa pose. Elle m'a coûté un paquet de café Keefe, donc je ne laisse personne me l'emprunter. Je pense écrire quelque chose de vague mais spécifique au dos, comme « New York », juste au cas où la police mettrait la main dessus. Écrire son vrai nom sur la photo est complètement débile, et pourtant, j'ai vu des mecs préciser leur nom et leur matricule sur leurs précieux biens.

Troisième prisonnier
38 ans
Purge une peine de 18 ans dans le Kentucky pour braquage de banque

J'ai séjourné dans cinq établissements différents au cours de mes 14 ans d'incarcération, et j'ai vu les mêmes [photocopies porno] en noir et blanc partout. C'est de pire en pire, mais je continue quand même à les acheter. Ce sont les seules chattes que je verrais avant longtemps. Il y a différentes façons de les obtenir, par courrier spécial par exemple. Mais le principal moyen est à l'ancienne – par le biais des flics et des agents de correction. Ils mettent de fausses couvertures et les font entrer avec d'autres magazines.

Les copies en noir et blanc sont conservées quoiqu'il arrive. Les gardes ne vont pas vous faire chier avec ça – ils savent que la dernière fois que vous avez vu une chatte, Bush était encore président, donc ils ne vont pas toucher à votre cachette. Si un homme emprisonné à vie est obsédé par [la porn-star] Pinky, ils vont le laisser tranquille.

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On ne trouve pas de porno en ligne en prison. Il n'y a pas d'accès à quoi que ce soit ici, donc c'est tout ce que nous avons. J'ai eu la chance de mettre la main sur un téléphone, il y a quelques années, dans une autre prison. Il y avait tellement de porno dessus que j'ai presque fait une crise cardiaque. Les mecs utilisaient le téléphone pour des activités malveillantes, alors que tout ce que je voulais, c'était regarder du porno. Ils disaient : « On peut voir le camion de sécurité rouler autour de la prison sur Google Earth ! » et je leur répondais « Merde, mec – regarde tout ce porno ».

Quatrième prisonnier
40 ans
Purge une peine de 35 ans à New York pour racket

Dans cette véritable jungle, vos copines s'appellent Palm-ela and A-hand-a ; elles sont à vos côtés au quotidien, et vous pouvez toujours compter sur elles. Quand je suis arrivé, c'était les magazines sans nudité comme Smooth et Straight Stuntin' qui mettaient la prison en ébullition. Il y avait des mannequins comme Buffie Carruth, Maliah, CoCo, Rosa Acosta et Vida Guerra , et les mecs mourraient d'envie d'avoir des images exclusives de ces femmes. Les magazines nous permettaient d'évacuer le stress refoulé et de chasser la douleur mentale.

Une fois, un mec a intégré notre unité et nous avons eu toute une boîte de DVD porno. Nous avions placé un lecteur DVD de contrebande sur une caisse dans l'évier. Nous avons mis une chaise devant et les mecs passaient tour à tour. Nous l'avons appelée la « Boom Boom Room ». C'était juste à côté de l'endroit où nous jouions au poker. C'était le meilleur des deux mondes.

C'est un gros business, ici, et si un mec a besoin de soulager son esprit, je lui conseille de se choper quelques mags ou photos de femmes nues, de saisir une lotion et un mouchoir, de poser une serviette sur la fenêtre de la cellule, et de se mettre au boulot. Une fois terminé, je parie qu'il se sentira mieux. En tout cas, ça fera l'affaire jusqu'au jour où il rentrera chez lui pour retrouver une vraie sexualité.

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