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Culture

Contre la censure 
sur internet : une étude de l'état des droits de l'homme sur le web

L'employée d'une think tank de Google nous a parlé de l'urgence de permettre au reste du monde d'accéder à internet et à ses ressources.
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
Yasmin Green

Portrait : Shaniqwa Jarvis

Cet article est extrait du numéro « Frontières »

Deux tiers de la population mondiale n'ont pas accès à internet. À l'initiative de Mark Zuckerberg, qui souhaite franchir la barre des cinq milliards d'utilisateurs Facebook d'ici 2030, les entreprises privées et les gouvernements travaillent d'arrache-pied pour élargir l'accès au web.

Cependant, le simple fait d'avoir une connexion internet ne garantit pas l'accès à l'information : du fait de la censure à l'œuvre dans certains pays totalitaires, la liberté virtuelle a décliné pour la cinquième année de suite en 2015, selon un rapport de la Freedom House. Yasmin Green est chargée de la recherche et du développement chez Jigsaw, l'un des think tanks de Google, et travaille actuellement sur des produits destinés à réduire ces barrières. Elle nous a parlé de l'urgence de permettre au reste du monde d'accéder à internet et à ses ressources.

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VICE : En quoi consiste le think thank pour lequel vous travaillez, Jigsaw ?
Yasmin Green : Nous utilisons la technologie pour relever des défis géopolitiques. Ce qui est spécial dans notre approche, c'est l'origine de notre inspiration : nous la puisons directement dans ce que cherchent les populations opprimées. Pour créer un produit, il est essentiel de se rendre sur le terrain et de comprendre le rôle de la technologie dans les différentes sociétés.

Pouvez-vous m'en dire plus sur uProxy ?
Ce service va nous aider à atteindre notre objectif global, qui est de mettre fin à la censure répressive dans certains États. Il s'agit d'un tunnel qui traverse les pare-feux nationaux, c'est-à-dire les frontières invisibles érigées par les gouvernements, afin que les internautes bridés puissent avoir accès à un web non censuré. uProxy a une caractéristique particulière : c'est un serveur open source et n'importe qui dans le monde peut contribuer au programme. Le partage se fait grâce au peer-to-peer, un réseau qui permet d'utiliser la connexion d'un tiers, c'est-à-dire d'un ami ou d'un membre de votre famille – une personne digne de confiance. Aucune donnée ne passe par un serveur centralisé. Le but est vraiment de faire reculer la censure en seulement quelques clics.

L'accès à l'information est un droit fondamental, et n'importe qui dans le monde mérite de jouir de ce droit.

Aviez-vous un pays particulier en vue ?
Aujourd'hui, trois milliards de personnes utilisent déjà internet ; néanmoins, les trois prochains milliards d'individus qui s'apprêtent à accéder à ces ressources ne vont pas faire face au même environnement – ils ne sont pas à Palo Alto ou à côté de la tour Eiffel. Ils vivent dans des zones de conflit et de répression. C'est à nous de développer des produits adaptés à ces gens-là, car les menaces qu'ils subissent dans le monde physique vont également se manifester dans le monde virtuel. Chez Jigsaw, nous avons le privilège d'intégrer cette perspective dans le développement de nos produits.

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Vos origines iraniennes ont-elles eu une influence dans le choix de votre travail ?
J'ai vécu dans plusieurs endroits répressifs, et ce projet me tient d'autant plus à cœur que je suis iranienne. Je suis consciente des répercussions d'un régime totalitaire sur les populations. Il ne restreint pas seulement l'accès à l'information, mais aussi à toute forme de culture. Il exerce même un contrôle sur leur gagne-pain. J'en fais donc une affaire personnelle, en effet.

Comment identifiez-vous les régions à cibler en priorité ?
Nous voyageons partout dans le monde afin de comprendre ce qui se passe dans les différents environnements. L'avantage de la technologie est qu'elle n'a pas de frontières ; je peux donc créer un produit pour les utilisateurs iraniens, et si le produit fonctionne, il pourra s'étendre au reste du monde. C'est ce qui est gratifiant dans le développement technologique : l'expansion.

Quelle place occupe Jigsaw dans les efforts internationaux pour combler la fracture numérique ?
Fournir l'accès aux sociétés déconnectées est une tâche conséquente. La question est de connaître les effets de cet accès. Les gens seront-ils plus en sécurité ? Pourront-ils accéder à un internet libre et ouvert ? Ou bien cet accès ne sera-t-il que l'extension virtuelle du monde réel répressif ? Jigsaw représente une fonction complémentaire qui a pour vocation de fournir un accès sécurisé à un web ouvert.

Espérez-vous voir un changement majeur grâce à ces gens connectés ?
Je ne pense pas que cela va entraîner un profond changement dans la manière d'utiliser internet. De nombreux défis géopolitiques, comme le terrorisme, vont se mêler à la technologie et à l'utilisation d'internet. De fait, nous devons nous assurer que nos réponses à ces problèmes incluent internet ; elles doivent être à la fois en ligne et hors ligne.

Quel est le prochain défi posé par la liberté sur internet ?
Je pense qu'il faut faire reconnaître que l'accès à internet est un droit humain fondamental, que l'accès à l'information est un droit humain fondamental, et que n'importe qui dans le monde mérite de jouir de ces droits. C'est à nous de nous en assurer.