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Ah, la Corée du Nord veut devenir libérale

Si la Corée du Nord n'existait pas, l'aura mystique dégagée par le pragmatisme communiste aurait été perdu à tout jamais à la fin de la guerre froide.

Si la Corée du Nord n'existait pas, l'aura mystique et presque religieuse dégagée par le pragmatisme communiste aurait été perdue à tout jamais à la fin de la guerre froide. Mais heureusement pour le monde, ce n’est pas le cas  – cool ! – donc pour l’instant, on peut continuer à admirer l'obésité indécente de Kim Jong Un en cherchant à deviner les intentions obscures de ce régime pété qui a eu l’idée de construire un delphinarium avant même d’offrir de quoi bouffer à ses concitoyens.

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Mardi dernier, Kim – plus jeune dirigeant au monde – a brisé la tradition de son père en proclamant un discours de Nouvel An devant le peuple de Corée du Nord, au cours duquel il a énoncé ses projets pour 2013. Ça faisait 20 ans qu’un dictateur nord-coréen ne s’était pas adressé directement à son peuple. En conséquence, le geste a été très apprécié.

Le 12 décembre dernier, le pays s’était fait remarqué par la presse internationale parce que la NASA locale avait lancé une fusée dans l'espace. Si Kim s’est permis de défier les coutumes du premier de l'an, c’est parce qu’il se sentait assez légitime pour le faire suite à l’issue positive de cette opération. Même si selon les rumeurs, le satellite ne fonctionne pas, Kim ne s’est pas laissé abattre et a décidé d’insister sur l’importance de la conquête spatiale dans l’année à venir. Il a même baptisé l’année 2013 avec ce slogan spatial un peu bizarre : « Effectuons un virage radical qui nous permettra defaire de notre pays un géant économique dans l'esprit et avec le courage qui furent les nôtres dans notre conquête de l’espace. »

Sans vouloir casser l’ambiance, ça a pris 20 ans pour que la Chine transforme son économie paysanne en un véritable moteur économique mondial. Donc, comme l’a souligné l’analyste Stephen Haggard, espérer devenir le nouveau Hong Kong, Singapour, ou la nouvelle Corée du Sud en un an est sans doute trop optimiste. Peut-être que notre fils à papa devrait calmer son enthousiasme et apprendre à conduire une voiture avant d’envisager de relancer l’économie de son pays.

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Photo via Associated Press

Malgré la fâcheuse tendance des dirigeants nord-coréens à être bien meilleurs sur la forme que sur le fond, certains événements de l’année passée ont laissé penser que le pays faisait un véritable effort pour donner un coup de fouet à son économie. Des connections hautement supervisées avec le monde extérieur ont été faites : la chaîne d’hôtels de luxe allemande Kempinski a annoncé son projet d’ouvrir une branche dans la capitale nord-coréenne, Pyongyang, afin de loger – à un prix dérisoire – les délégations de businessmen internationaux voulant avoir leur part du gâteau avant que le pays nerejoigne le marché international. Par ailleurs, on a appris mercredi qu’Eric Schmidt, PDG de Google, allait lui aussi se rendre en Corée du Nord pour découvrir les projets de cette nation obsédée par la technologie. En Corée du Nord, les gens n’ont pas accès à Internet mais il existe quand même une sorte de culte du futur. Les médias digitaux sont échangés par le biais de clés USB, et les plus chanceux ont même des iPads coréens. Les Nord-Coréens cherchent vraiment à se connecter au reste du monde – quand j’y étais vers fin 2010, un Nord-Coréen m’a dit, « oui, j’ai déjà entendu parler d’Internet. Et de Google. Je pense que si on avait tout ça, on pourrait sauver notre pays. »

Kim a aussi parlé des relations avec la Corée du Sud, affirmant son souhait de renouveler ses efforts pour accéder à la paix et à la stabilité dans la péninsule. « Pour mettre fin à la division du pays et parvenir à sa réunification, il est important de cesser la confrontation entre le Nord et le Sud, » a-t-il déclaré à son public. Même si à première vue tout ça a l’air plutôt positif, la paix par la réunification est une proposition légèrement problématique, à moins que Kim et ses élites soient prêts à faire leurs valises pour laisser le soin à la Corée du Sud de transformer leur territoire en un Starbucks géant.

Heureusement, Kim n’a pas abordé l'avenir nucléaire du pays et a plutôt mis en valeur les notions d’ouverture et d’humanisme qui ont fait sa réputation depuis son accession au pouvoir. Dommage que dans les faits, la Corée du Nord n’ait aucunement les aptitudes pour se sortir de la merde dans laquelle elle est engluée. Le pays fait preuve de bonne volonté, mais il n'a pas les moyens de mettre ses plans en marche. Une chose est sûre : la situation change lentement mais pour ses dirigeants, il n'est surtout pas question d'abandonner le système qui a fait la réputation de ce pays. Peut-être vont-ils continuer à ouvrir leur porte au monde et suivre le modèle chinois – un pays qui malgré sa croissance extraordinaire et 600 millions de gens sortis de la pauvreté, est toujours dirigé par un gouvernement à parti unique et « communiste ».