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Sport

Dans l'un des premiers camps de skate de Palestine

« Nous voulons montrer à ces enfants qu'il est possible de s'évader, même entourés par un mur. »
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
skate en Palestine

Toutes les photos sont publiées avec l'aimable autorisation d'Adam Abel.

En septembre 2011, le réalisateur américain Adam Abel et le militant palestinien Mohammed Othman se sont rendus à Qalqilya, en Palestine, afin de tourner un documentaire sur un skateur local. Ils ont finalement conçu une rampe pour la communauté bourgeonnante des skateurs de la ville. Ce projet imprévu a été un véritable succès et Abel et Othman se sont donnés pour mission d'aider les jeunes à s'organiser.

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À compter du mois d'août, la rampe va devenir l'épicentre de SkateQilya, l'un des premiers camps de skate à voir le jour en Palestine. SkateQilya vise à la fois à favoriser la communauté et à enseigner aux enfants le leadership, l'art et le skateboard. Inspiré par l'ONG Skateistan, basée à Kaboul, les cerveaux de SkateQilya entendent bien « réunir les jeunes dans un environnement positif, énergique et sécurisé », a déclaré Kenny Reed, skateur pro qui fait également office de professeur au sein du projet. « Le skate exige de la créativité, un engagement communautaire et un esprit ouvert. Notre camp exploitera ces compétences. »

« [En Palestine] nous vivons dans une société brisée par des décennies d'occupation. C'est une zone complètement définie par les barbelés, le béton et les tireurs d'élite », m'a expliqué Othman, le directeur exécutif du camp. « Ces enfants sont les futurs dirigeants de notre pays, et la meilleure façon de les guider est de leur montrer une forme d'art et de sport qui vise à défier les limites. »

Ce stage de trois semaines se tiendra dans le zoo de Qalqilya et ouvrira ses portes le 7 août. Les organisateurs lèvent encore des fonds pour financer l'équipement nécessaire et entamer la deuxième phase du projet – à savoir un atelier de quatre mois pour les enfants désireux de continuer à skater à la fin de l'été. VICE a rencontré Abel et Reed pour discuter avec eux de l'évolution de SkateQilya et de leurs futurs projets s'ils parviennent à atteindre leurs objectifs financiers.

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VICE : Pouvez-vous me dire comment la construction de la rampe dans le zoo de Qalqilya a donné lieu au camp SkateQilya ?
Adam Abel : La rampe a été un succès en tant que structure pour les jeunes de Qalqilya, mais il manquait un vrai programme pour porter le projet à l'étape suivante. Nous avons suivi l'évolution de Skateistan [à Kaboul] et cette équipe a créé une magie absolue. Elle a tout notre respect. Il faut des années pour monter ce genre d'organisation. Mohammed [Othman] et moi avons voulu commencer doucement.

Nous avons immédiatement contacté Kenny Reed pour lui dire que nous souhaitions l'avoir à nos côtés pour élaborer un programme pilote en Palestine. Kenny a enseigné le skate partout dans le monde et Mohammed est coordinateur pour la jeunesse au sein des ONG palestiniennes depuis longtemps. Quant à moi, j'ai enseigné la photo et la vidéo à l'université. Nous sommes rapidement parvenus à un programme qui comprenait le skate, la photo, la vidéo, les médias sociaux, ainsi qu'une formation en matière de leadership et de développement communautaire.

Comment les enfants intègrent-ils le camp ? Est-ce une entrée gratuite ?
Kenny Reed : Les enfants et leurs parents doivent remplir un formulaire qui comprend des consignes générales de sécurité. Ils doivent également expliquer, en un paragraphe ou deux, pourquoi ils sont intéressés par ce stage. Notre projet porte sur l'autonomisation des jeunes, c'est pourquoi nous tenons à les laisser s'exprimer. Je vais examiner les demandes avec Mohammed, qui gère les candidatures, et fin juillet nous prendrons notre décision finale quant aux candidats retenus.

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La plupart des camps de Qalqilya facturent une somme modique pour chaque enfant, mais notre programme est totalement gratuit. Nous prenons également en charge le transport, l'eau et les T-shirts. Dans notre budget initial, nous avions prévu de fournir les en-cas et les déjeuners. Toutefois, étant donné que nous n'avons pas réussi à lever les fonds espérés, nous avons dû réduire certaines dépenses. Cela dit, il n'est pas trop tard pour nous aider à atteindre notre objectif. Nous récolterons des fonds tout au long de notre programme sur www.skateqilya.org.

Le camp est-il ouvert à tous les habitants de la ville ?
Nous accueillerons une vingtaine de jeunes âgés de 12 à 16 ans. Nous nous attendons à ce qu'il y ait plus de garçons que de filles, étant donné que c'est un camp de sport et que Qalqilya est une ville très traditionnelle et conservatrice. Quelques filles se sont néanmoins déjà inscrites, donc ce sera tout de même mixte.

Qui enseignera dans le camp et quel est le programme ?
Adam Abel : Kenny apprendra aux enfants à skater sur une rampe et dans la rue. Nous organiserons des excursions dans d'autres skateparks et d'autres communautés de skateurs en Cisjordanie. À cause de plusieurs décennies d'occupation, les communautés palestiniennes ont été systématiquement coupées les unes des autres. Notre objectif est d'utiliser ce sport pour créer des liens significatifs à travers toute la Cisjordanie. Kenny et moi rassemblons également une série de films sur le skate que nous présenterons dans le camp, dont des documentaires traditionnels comme Dogtown and Z-Boys, ainsi que des vidéos classiques de skateurs comme 7 Year Glitch de Kenny. Nous souhaitons transmettre à nos campeurs un large éventail de la culture du skate.

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Qu'enseignerez-vous en dehors du skate ?
Le skate ne représente qu'une partie du programme. Mohammed, qui a une expérience de coordinateur pour la jeunesse au sein des ONG en Palestine, organisera des ateliers sur le leadership. Avec l'aide de la municipalité de Qalqilya, nous ferons participer les élèves à des activités de service communautaire, et, en collaboration avec le Croissant-Rouge local, nous les sensibiliserons à la sécurité et à la responsabilité des cliniques.

En outre, je dirigerai la composante art et médias sociaux. Le skate étant une discipline de créativité et d'expression, nous voulons offrir à nos campeurs des outils pour communiquer au monde. Le seul problème est qu'en raison d'un manque d'argent, nous devons réduire les dépenses pour cette partie du programme. Les caméras sont essentielles pour les cours de photo et de vidéo, car tout le monde n'a pas de smartphone. De même, la Palestine n'a pas encore la 3G. Par conséquent, le partage de contenus sur le site de la rampe sera un défi, à moins que nous ne trouvions de véritables appareils.

Quel est l'objectif final du camp à l'échelle mondiale et locale ?
Notre objectif est d'inspirer la créativité à Qalqilya. Au cours de la réalisation de notre film et de la construction de la rampe, nous avons vu que le jeu peut être un catalyseur pour l'imagination, l'esprit communautaire et la persévérance. Nous essayons donc de porter cela au niveau suivant. Avec une infrastructure appropriée et un programme viable, nous voulons montrer à ces enfants qu'il est possible de s'évader, même entourés par un mur.

Le skate est non seulement un sport, mais aussi une forme d'art et un langage. Avec les outils que nous leur fournissons, ces enfants peuvent apprendre à communiquer non seulement au sein de leur propre communauté d'une manière passionnante et alternative, mais aussi avec le reste du monde. À l'heure où la xénophobie et la peur créent des murs encore plus épais que ceux qui entourent Qalqilya, nous apprenons à ces futurs dirigeants de la Palestine à être des ambassadeurs.

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