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LE NUMÉRO C'EST UN PEU CHELOU, NON ?

Des milliers de partisans et pas de baston

Cette année, le 1er Mai avait une signification différente pour tous le manifestants dans le monde. Occupy Wall Street, Indignés, nombreux sont les mouvements de contestation qui fleurissent depuis un an, et le 1er Mai était l’occasion rêvée...

Un petit loup en plein rêve de « France forte » lors du rassemblement de Nicolas Sarkozy au Trocadéro.

Cette année, le 1er Mai avait une signification différente pour tous le manifestants dans le monde. Occupy Wall Street, Indignés, nombreux sont les mouvements de contestation qui fleurissent depuis un an, et le 1er Mai était l’occasion rêvée pour les manifestants de rappeler aux dirigeants capitalistes que la contestation était toujours « bien vivante ». Chez VICE, on s’est dit qu’on devait suivre de très près cette journée, et on a donc envoyé toutes nos rédactions européennes filmer ce qui se passait dans leur pays, et nous rapporter ensuite le tout sous la forme de reportages vidéo disponibles sur notre site VICE.com. Dans la plupart des pays, on s’est retrouvé à l’intérieur d’un morceau des Dead Kennedys : des jeunes qui se bastonnent avec les forces de l’ordre, l’extrême droite contre les antiracistes, anarchistes contre libéraux, etc. En France en revanche, le 1er Mai tombait cinq jours avant le second tour de l’élection présidentielle qui allait voir s’affronter Nicolas Sarkozy et François Hollande. Chaque candidat ayant demandé à ses partisans de défiler dans le calme pour éviter une publicité négative en cas d’incident, de fait, aucune violence n’a été à déplorer à la fin de la journée – à part une journaliste de Mediapart qui s’est fait « bousculer » par des sympathisants UMP à moitié bourrés. Les défilés et manifestations se sont étalés sur toute la journée, du matin au soir. Je me suis donc levé à 7 heures en ce jour férié respecté par les travailleurs de la France entière. On s’est donné rendez-vous deux heures plus tard pour le rassemblement du Front national, qui partait du Palais Royal jusqu’à Opéra, en passant par le traditionnel pèlerinage à côté de la statue de Jeanne d’Arc. Environ trois mille personnes étaient présentes et scandaient des slogans déconneurs tels que « On est français, fiers et forts » ou « On est chez nous ! » La manifestation s’est déroulée dans un certain calme, les consignes données aux militants FN étant de montrer une version présentable du parti. Les gens étaient souriants et répondaient volontiers à nos questions, et personne ne nous a pris à partie, à part un membre du service d’ordre qui nous a traité de « racailles de journalistes ».

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Malgré tous les efforts de Marine Le Pen pour donner une allure « présentable » à son parti, on a retrouvé la trace des tenues traditionnelles des militants FN.

Les sympathisants se divisaient en plusieurs catégories : on trouvait les traditionnels combos bombers Lonsdale-crâne rasé, les aristos fin de race, mais aussi et surtout des familles de toutes classes sociales, venues pour certaines de très loin afin d’assister au défilé. On a quand même eu un type qui nous a avoué que si on lui donnait un AK-47, il filerait droit dans les cités pour « faire le ménage, sans pitié ». Le défilé s’est terminé vers 1 heure, place de l’Opéra, où, accompagnée de son père, Marine Le Pen a tenu son discours, annonçant sans surprise qu’après son score de 18 % au premier tour, elle allait voter blanc au second. Devant ses militants, elle a réitéré son traditionnel couplet contre l’immigration et sur la collusion des deux partis majoritaires, qu’elle surnomme « UMPS ». Le regroupement s’est séparé au moment où les partisans du Front national commençaient à se plaindre de la longueur du discours, du soleil, et de plusieurs autres trucs allant du prix du pain à la présence de Noirs à « leur » manifestation. L’heure du déjeuner avait sonné. Pendant ce temps-là, nous nous étions séparés d’une partie des photographes qui avaient filé tout droit vers Place des Fêtes,
dans le 20e arrondissement de Paris, pour suivre le cortège des anarchistes du CNT. Selon les organisateurs, ils étaient 2 500, mais selon nos reporters, environ 100. Le cortège s’est dirigé calmement vers Bastille, pour rejoindre en fin de journée celui des syndicats. Malgré certains manifestants dont les fringues étaient librement inspirées des black blocs anglais, aucun débordement n’a été constaté, malgré les velléités des participants qui parlaient de « foutre de gros poings dans la gueule à tous les droitards. Et les centristes aussi ! »

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Un anarchiste, son drapeau et son chien.

De notre côté, nous sommes partis vers le Trocadéro, là où Nicolas Sarkozy effectuait son dernier meeting de campagne avant la grande défaite. Son intention d’organiser un grand rassemblement ce jour-là avait été fortement décriée par l’opposition. La fête du travail étant une fête des syndicats de gauche depuis 1891, ceux-ci, rejoints par le Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon, avaient appelé à défiler massivement en réaction. Nous avons donc dû descendre du métro à Iéna, en plein 16e arrondissement, la station Trocadéro étant bloquée à cause de la foule. Difficile de mesurer le nombre de gens présents, l’UMP avait annoncé 200 000 personnes alors que la gauche en avait dénombré dix fois moins. Difficile aussi de savoir qui avait raison, les meetings de campagne n’étant pas soumis aux estimations du ministère de l’Intérieur. Cela étant, les rues alentour étaient noires de monde, et il nous a fallu un bon quart d’heure pour arriver jusqu’au Trocadéro, et ensuite ruser pour embrouiller les CRS afin qu’ils nous laissent vivre au plus près l’électorat Sarkozy. Au milieu des applaudissements et des drapeaux français, on a pu remarquer que les jeunes militants UMP affichaient une vibration Ray-Ban, modèle Tom Cruise période scientologie, et avaient une préférence pour les tee-shirts à imprimé fluo caractéristiques des années Justice. On a croisé un nombre impressionnant de sosies de Jacques Séguéla, de mères de famille couleur orange, et un type nous a confié que François Hollande ne méritait pas d’être élu « parce qu’avant il était gros, et maintenant il est maigre ». Nous avons croisé tout au plus cinq personnes venues protester contre le meeting de Sarkozy, celles-ci se faisant systématiquement reconduire jusqu’au métro par les forces de l’ordre à coups de pied au cul. Nos deux photographes qui s’étaient rendus Place des Fêtes avaient ensuite rejoint le défilé de l’intersyndicale – la manifestation officielle, donc – parti de Denfert-Rochereau dans le 15e à 15 heures. La participation au défilé a été plutôt impressionnante, l’opposition soudée contre un Nicolas Sarkozy qu’elle n’allait pas tarder à terrasser. Le cortège était composé de 250 000 manifestants selon les syndicats.

Un militant d'extrême droite et ses tatouages parlants.

Plus tard, on s’est dirigés vers la place de la Bastille pour assister à l’arrivée du défilé. Aux alentours de 18 heures, la place était comble, l’ambiance plutôt bon enfant, les gens présents s’en tenant à chanter mollement l’Internationale en buvant des bières presque chaudes, un sandwich merguez-mayo à la main. Le cortège de Denfert est arrivé au fur et à mesure, et l’ambiance s’est réchauffée doucement. Un groupe de ska-punk à bretelles a commencé son set antiraciste depuis un camion, et une partie de la foule, affublée de keffiehs multicolores, s’est mise à danser en enchaînant les joints de mauvais shit puis en pogotant mollement sur des airs appelant à l’insurrection – laquelle, visiblement, n’était pas au programme ce jour-là. Quand on a vu qu’il ne se passerait plus grand-chose, on s’est installés en terrasse pour profiter des derniers rayons de ce soleil révolutionnaire et échanger nos pronostics sur le second tour de l’élection présidentielle. À 23 heures, les manifestants rentraient chez eux, et on n’entendait guère plus que quelques djembés lointains, signe de la fin de soirée. Cinq jours plus tard, François Hollande était élu président de la République.

Allez mater le docu par ici : VICE NEWS - LES PRÉSIDENTIELLES 2012