Des poissons comme s'il en pleuvait

Quelque part au fin fond du sud-ouest de l’Alaska, à Graveyard Point, au milieu d'une faune composée de moustiques et de grizzlis, s’étend une immense conserverie de saumons abandonnée.

par Corey Arnold

19.11.12

Quelque part au fin fond du sud-ouest de l’Alaska, à Graveyard Point, au milieu d'une faune composée de moustiques et de grizzlis, s’étend une immense conserverie de saumons abandonnée. Celle-ci se situe à l’embouchure de la rivière Kvichak, l’un des nombreux cours d’eau qui se jettent dans la baie de Bristol ; c’est là qu’affluent les plus beaux saumons rouges d’Amérique du Nord.

Au cours des mois de juin et de juillet, 130 pêcheurs originaires de toutes les côtes des États-Unis convergent ici et s’installent dans des dortoirs lugubres et des cabanes délabrées désertées depuis des décennies.

Les pêcheurs sont chrétiens, mormons, athées ou néo-luddistes. Parmi eux se côtoient ex-détenus, ouvriers du bâtiment, dresseurs de chiens de traîneau, banlieusards, citadins et Indiens d’Amérique. Une atmosphère de paisible camaraderie règne dans ce groupe de squatteurs qui n’ont a priori rien en commun. Pourtant, en saison de pêche, le rythme infernal et le manque de sommeil suscitent parfois des conflits entre les différentes familles de pêcheurs.

La communauté de Graveyard Point réside au sommet d’une falaise qui surplombe une vaste plaine. C’est ici qu’on jette les cercueils des pêcheurs, et il n’est pas rare de voir des os de pêcheurs inconnus refaire surface lors des marées basses. Les chiens errent sur les plages, chassent les ours et courent après les véhicules qui passent dans le coin. L’activité de pêche s’intensifie considérablement chaque année au même moment, lorsque des dizaines de millions de saumons rouges arrivent des États-Unis. Les filets sont rapidement coulés par l’arrivée massive des poissons. À ce moment de l’année, hommes et femmes travaillent 20 heures par jour dans de petits bateaux ouverts sans se soucier de la météo. Il arrive que la chance tourne, quelquefois. Cela dépend des compétences du pêcheur, de sa santé et du temps qu’il fait.

J’ai moi-même été pêcheur dans cette communauté ces quatre dernières années. Quatre années au cours desquelles j’ai pris ces quelques photos.

Pour plus de photos de Corey : coreyfishes.com.