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LE NUMÉRO DE L'ENFANT-DRAGON

Distant Planet

L’autre soir, mon ami le général Aquarazorda me disait avoir oublié de préciser dans l’article sur Drexciya paru dans le dernier numéro que Clone venait de ressortir le premier LP d’une série de compilations des tracks du duo de Detroit.

L’autre soir, mon ami le général Aquarazorda me disait avoir oublié de préciser dans l’article sur Drexciya paru dans le dernier numéro que Clone venait de ressortir le premier LP d’une série de compilations des tracks du duo de Detroit. Ne l’ayant pas encore écouté, je le téléchargeai sur les généreux sites de partage des pays du Pacte de Varsovie en raison d’un compte en banque décimé par un loyer revu à la hausse et l’achat d’un vaporisateur Volcano. Un tintement de chat vint interrompre ma lecture du mode d’emploi. Une jeune Chinoise à la photo aguicheuse semblait vainement tenter d’entrer en contact. L’esprit enfumé et la pression intraoculaire à son comble, je répondis sans réfléchir quelque chose comme « casse-toi, sale bot de merde ». Mais avant d’avoir le temps de fermer l’onglet, un smiley larmoyant apparut. Surpris et touché par autant de compréhension de la part d’une Chinoise automatisée, je tentai d’amorcer la conversation. Je lui demandai naïvement si elle aimait la musique et obtins pour réponse : « I do not know much about music but I like electro, and you ? » J’avais le sentiment de pénétrer cette Uncanny Valley où les automates sont si proches de l’humain qu’ils en deviennent inquiétants.

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ITunes joua par hasard les extraits décevants de l’EP Actress Meets Shangaan Electro et me fit réaliser que lorsque la club music occidentale se morfond, on se contente de porter notre attention vers l’Afrique et l’Amérique du Sud sans jamais se préoccuper de l’Asie, qui (à l’exception du Japon et de l’Inde) demeure terra incognita sur la carte des musiques électroniques. Je tentai de profiter de cet intrigant bot chinois pour en savoir plus sur la création locale mais me heurtai cette fois aux limites des programmeurs de sites de rencontres frauduleux, qui dans ce cas de figure n’ont rien prévu d’autre que des propositions de strip-tease par webcam moyennant finance. Insatisfait, je creusai la question en téléchargeant cette compilation de musique électronique indépendante chinoise éditée à l’occasion de l’exposition universelle de Shangaï dont personne n’a parlé à l’exception de quelques chroniqueurs de la presse généraliste incompétents mais bienveillants.

Malheureusement ma bonne volonté ne résista pas à ces tracks insupportables de tech-house et d’idm privée de i. Idem lorsque je m’aventurai à explorer les sorties du label chinois le plus emblématique : Acupuncture Records. Son catalogue est à l’image de son nom, une caricature aussi incompréhensible et absurde qu’une contrefaçon de tee-shirt Tissaïa.

Ce pays semble avoir autant de talent en musique qu’en politique pour associer les éléments les plus moisis des styles et des systèmes afin de confectionner des chimères terrifiantes. Les Occidentaux en sont partiellement responsables puisqu’une part non négligeable de la création électronique chinoise semble être le fruit de la rencontre de musiciens euro­péens inconnus partis s’associer à des musiciens traditionnels locaux afin de briser tellement de murs qu’ils ont accouché d’un tas de gravas. Ces médiateurs culturels zélés ont passé tant de frontières et dépassé tant de genres qu’ils ont quitté la sphère musicale pour rejoindre ces bacs de la Fnac où Gotan Project côtoie les tradi-teuffeurs qui font vibrer les plaines de l’Argoat par leur alliance de bombarde et de Fruity-loops. Aux côtés de ces tentatives de rapprochement aussi désastreuses qu’un rendez-vous galant planifié par un ami bien-pensant, on rencontre d’autres pionniers malheureux qui tentent probablement d’aider les praticiens de qi gong à maîtriser les énergies vitales à l’aide de leur production C-ambient. Parmi les courants réellement populaires (puisque les genres cités précédemment n’intéressent qu’une frange infime de la population chinoise), on ne trouve que la Chinese trance qui tente tant bien que mal de compenser sa nullité par une débauche de lasers, d’holographes et de princesses salopes. Quant à la C-pop, elle demeure aussi indigeste que sa cousine japonaise réservée en nos contrées aux personnes qui n’ont sur leur disque dur que des pornos faits d’images de synthèse.

À moins que ces amateurs de poser porn et de hentaï ne deviennent la police politique de l’empire céleste lorsqu’il dominera le monde, ma crainte de voir les touches blanches disparaître des claviers MIDI est donc pour le moment infondée. Peut-être que la barrière de la langue m’empêche de franchir les portes des forums où Autechre, John Tejada et Robert Miles ne sont pas les seuls modèles. On pourra aussi toujours me parler de relativisme culturel et me reprocher un certain manque d’ouverture d’esprit, il n’en demeure pas moins que le soft power culturel chinois (dont la politique se met petit à petit en place) ne devrait pas trop compter sur la musique pour redorer le blason du pays. J’étais parti plein de bonnes intentions, bien décidé à devenir l’Étienne Minou de l’Asie, mais au terme de ce périple déprimant je n’ai aucun EP chinois à vous conseiller et retourne de ce pas me soumettre aux diktats occidentaux.

Drexciya – Journey Of The Deep Sea Dweller #1 (ccc 022lp), Clone Classic Cuts, Amsterdam
Tim Tucker/Divinity – C’Kret/Fishnets (RYSQUE 003),
Rysqué, Washington
PPU Video Party Vol.2 (PPU-300 DVD),
Peoples Potential Unlimited, Washington
Burrell Brothers/N.Y. House’N Authority/Equation/Tech Trax Inc  – The Nu Groove Years (RH 11712),
Rush Hour, Amsterdam
Superlife – Go Bananas (PPU-033),
Peoples Potential Unlimited, Washington