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LE NUMÉRO C'EST UN PEU CHELOU, NON ?

Distant Planet

Sur les conseils de Jason Letkiewicz, je m’apprêtais à lancer une boîte de dog walking/sitting pour remplir mon frigo lorsqu’on m’a proposé de bosser dans un espace vert afin de faire des trucs d’art.

Sur les conseils de Jason Letkiewicz, je m’apprêtais à lancer une boîte de dog walking/sitting pour remplir mon frigo lorsqu’on m’a proposé de bosser dans un espace vert afin de faire des trucs d’art. J’ai toujours aimé les chiens mais les plantes ont l’avantage de ne pas déféquer sur votre lino, aussi j’ai commencé à passer mes après-midi dans les rayonnages de Truffaut et Gamm vert. Là, j’ai enfin cédé à la curiosité et acheté un CD pour végétaux histoire de voir ce que mes nouveaux amis chlorophylliens appréciaient et de ne plus me contenter de MythBusters et des interminables débats « hardcore ou reggae » du forum canaweed. Arrivé chez moi, je trouvai sans surprise une espèce d’ambiant à base de nappes de synthé, de flûte de pan, de chants d’oiseau et de bruits de cascade évoquant plus l’éveil spirituel et la méditation transcendantale que la photosynthèse. J’avais déjà écouté ce genre de disque dépourvu de musique lorsqu’on m’avait prêté le concept album downtempo/ambiant sorti en 1996 sur Fcom après « un an de recherches » : Musique pour les plantes vertes. Comme je n’ai jamais vu ma dionée porter du Hixsept ou se rouler un blunt en dissertant sur Tricky et les dernières sorties Ninja Tune, je lui accorde le bénéfice du doute et ne tiens pas à jeter le discrédit sur elle et ses congénères. Leur retenue et leurs caractéristiques physiques ne leur permettent pas d’exprimer clairement leurs opinions et il est possible que plus de quinze années de torture sous forme de lectures répétées de Life de DJ Cam viennent d’être perpétrées sur des milliers de plants de weed mal entretenus sur les balcons d’étudiants en lettres. Quant aux compilations disponibles sur les forums d’horticulture, elles sont parfaitement indifférenciables de celles que l’on endure dans les salles d’attente des cabinets médicaux où Haydn et Mozart nous abreuvent de positivité non contrastée avant une éventuelle ablation des dents de sagesse. Pauvres plantes condamnées à l’enfer de la musique molle ou à la bande son de la version terrestre du purgatoire. Désespéré par leur triste sort, j’ai demandé à une tante éloignée connue pour sa main verte si le temps libre de sa retraite lui avait permis de tester les effets de la musique sur ses protégés. Étonnamment, elle utilise les morceaux qui me servent en général à remplir une pièce de phéromones et de tension sexuelle pour redonner des couleurs à ses cactées et ses rhododendrons. Il y a quelques années, je lui avais filé les 4 gigas qui assuraient alors ma subsistance en tant que DJ
pour mariage afin qu’elle anime ses soirées à la salle des fêtes du village, mais je ne me doutais pas que le RnB et le funk que je destinais aux demoiselles d’honneur en mal d’amour étaient dotés d’un tel pouvoir sur l’ensemble des êtres vivants, et encore moins que la plante grasse qui se tient à mes côtés dissimulait une libido d’adolescente. Sans surprise, j’ai par la suite rencontré « I Like The Way (Kissing Game) », « Desires », « Sexual Healing » et « Between the Sheets » sur nombre de compilations de spécialistes en pistils. Il a toujours existé des rituels agraires accompagnés de chants et de musique pour aider la germination, la pousse et les récoltes, mais depuis quelques dizaines d’années ce genre de pratiques commence à être pris au sérieux par les agriculteurs et les scientifiques qui sonorisent de plus en plus de serres et vignobles. La « génodique », une science qui mêle génétique et mélodie, est actuellement expérimentée avec succès un peu partout dans le monde. En gros, il s’agit de stimuler la synthèse de certaines protéines présentes dans la plante avec un type de mélodie appelé protéodie. Les protéines se composent de plusieurs chaînes d’acides aminés, et à chaque molécule d’acide aminé correspond une onde. Les fréquences de ces ondes peuvent être transposées dans le domaine audible par l’homme, de sorte que chacune constitue une note ; à partir de là, on est en mesure de composer une mélodie qui agit sur les acides aminés. Ces protéodies sont ensuite utilisées pour améliorer la croissance, la résistance au gel et à la sécheresse, la qualité gustative et la conservation des fruits. Certes, Wiki révèle que Joël Sternheimer – le physicien à l’origine de cette théorie – a bossé pour Hara Kiri, enregistré sous le pseudonyme d’Évariste (référence à Évariste Galois) un disque en forme de dialogue surréaliste entre un oiseau de nuit et un saurien rugissant, et épousé sa compagne japonaise dans la ville de Seix, mais les succès de sa théorie et de sa société, Genodics, semblent lui donner raison. Les acides aminés étant à la base de toutes les formes de vie terrestre, les protéodies pourraient agir sur l’homme aussi bien que sur les végétaux, et il est peut-être risqué d’en écouter régulièrement à un volume élevé. On trouve des motifs de  séquences de protéines de floraison dans plusieurs chants d’oiseaux – ainsi que dans la musique – et peut-être y a-t-il un lien entre les effets de certains morceaux sur notre corps et ces suites de notes particulières (la sérotonine étant par exemple un produit du tryptophane, un acide aminé). Ce qui me réjouit particulièrement dans cette théorie, c’est qu’elle permet de dire à tous les connards qui estiment que la dance music est « trop agressive et trop rapide pour les plantes » d’aller se faire
foutre, puisqu’un tempo de 120 noires par minute et un volume important rendent les mélodies plus efficaces. Je suis donc quasi sûr de faire plaisir à ma dionée en lui jouant le dernier Omar-S, S.E.X. Heinrich Dressel – Sighing Melodies Thru The Graves (MNQ027), Mannequin, Rome
Omar S – S.E.X The Remixes feat. L’Renee (FXHE-PUS1), FXHE, Detroit
Orgue Electronique – Strange Paradise (Creme LP-09), Creme Organization, La Haye
Protect U – Motorbike (ZIQ322), Planet Mu, Londres
Armando/Massive Sounds – Underground Classic Trax 650 (UCT650), DJ Classic Mastercuts, Paris