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Culture

Grand Budapest Hotel est le seul DVD que vous devriez éviter à tout prix ce mois-ci

En revanche pour ceux qui veulent voir des trucs bien, il y a Joe, Dark Touch et Dans la Cour.

Antonin et Étienne sont les fondateurs et présentateurs du Cinéma est mort, la meilleure émission de cinéma sur les radios françaises, diffusée sur Canal B. Ils parleront chaque mois sur VICE.com des sorties DVD et Blu-Ray qu'ils adorent et des sorties DVD et Blu-Ray que c'est pas la peine.

GRAND BUDAPEST HOTEL
Réalisateur : Wes Anderson
Éditeur : Fox, sortie le 3 septembre 2014

Grand Budapest Hotel est le film le plus accompli de Wes Anderson, c'est donc en toute logique le pire.

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OK, son univers visuel n'a jamais été aussi riche, et sa façon quasi géométrique de l'explorer jamais aussi virtuose, mais à ce niveau de stylisation sans fond, ça frôle l'auto-caricature. Wes Anderson fait le bonheur des caricaturistes 2.0 et ce n'est que justice. Probablement que le détour par le film d'animation lui aura permis de s'enfermer encore plus dans le cinéma sous cloche qui menaçait sans arrêt ses films précédents, sans jamais toutefois y sombrer. Aujourd'hui ses films se visitent comme une maison témoin pour vieux dandy ; rien n'y est désagréable, tout y est de bon goût – ou de bon mauvais goût –, tout est assez élégant, dynamique et surtout séduisant pour que l'on ne se rende pas compte que l'ensemble est irrespirable et mortifère.

Mais qu'importe, Wes Anderson prend son pied là-dedans. Comme en témoigne d'ailleurs son alter ego dans le film, Gustave H, s'exclamant hystériquement devant le cadavre de son ancienne amante, qu'elle n'a « jamais été aussi resplendissante ». Les personnages de Wes Anderson ont toujours été des control freak déployant une énergie folle à diligenter leur monde afin qu'il corresponde à leurs désirs. Mais Wes Anderson avait alors la sagesse payante de les mettre en butte avec un entourage parfois ravi de se transformer en marionnette, parfois en rébellion contre cette mainmise. Dans tous les cas, une tension géniale naissait entre la joie de voir un univers extrêmement bien agencé, et le chaos et le mystère qui finissaient par mettre à mal la toile bien ordonnée. Cette tension a disparu, la wesandersonisation est totale.

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Quel intérêt à dérouler un casting 4-étoiles quand chacun de ses membres n'apporte rien de son identité propre mais vient se plier telle une marionnette à l'esthétique du dandy texan ? Même Bill Murray ressemble ici à une figurine de plus. À ce tarif-là, autant prendre des inconnus. Wes Anderson est désormais au Cinéma ce que le filtre Instagram est à la photographie.

JOE
Réalisateur : David Gordon Green
Éditeur : Wild Side, sortie le 10 septembre 2014

Le Sud est à la mode en ce moment aux États-Unis. Des films de Jeff Nichols aux Bêtes du sud sauvage en passant par True Detective, nombreux sont les exemples d'œuvres venant puiser dans le sud du territoire une dimension magique, possédée et païenne, probablement pour réenchanter un Cinéma désespérément matérialiste et rationnel. Cet aspect de l'Americana est donc à la mode et on ne s'en plaindra pas, même si son traitement est souvent un peu folklorique. Ce n'est pas le cas de Joe du protéiforme David Gordon Green, dont la filmographie fait le grand écart entre l'over-indie All the Real Girls et l'Apatow-movie Délire Express. Ça, c'est pour les films géniaux, car son pluralisme s'exprime aussi dans la médiocrité – il est capable d'alterner une grosse comédie high concept pas drôle comme Votre Majesté avec un truc arty bien chiant comme Prince of Texas.

Ce n'est pas la moindre de ses qualités, Joe se paye le luxe d'offrir à Nicolas Cage son meilleur rôle depuis le génial remake de Bad Lieutenant. Faut donc croireque le Sud lui réussit pas mal, car mis à part ça, Nicolas Cage semble s'obstiner depuis un bon paquet d'années à être la seule et unique qualité des films dans lequel il apparaît. Le voir évoluer, plus reptilien que jamais, dans ce petit diamant noir est donc une double bonne nouvelle. Possédé de bout en bout, le film parvient à éviter tous les écueils d'un script pourtant propice à tous les débordements lacrymaux et déploiements psychanalytiques. Un pied dans le réalisme poisseux, l'autre dans le symbolisme, sans jamais être tout à fait irréprochable dans chacun des côtés, Joe est trop généreux pour qu'on fasse la fine bouche.

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SABOTAGE
Réalisateur : David Ayer
Éditeur : Metropolitan, sortie le 8 septembre 2014

Sabotage ou le retour d'Arnold Schwarzenegger sur les écrans, acte 10. Désormais, on sait que ce retour n'avait véritablement aucun intérêt, si ce n'est dans nos cerveaux de nostalgiques des années 1980. D'une part les problèmes de motricité de Governator en pleine descente de stéroïdes ne sont pas sans effet sur son jeu déjà bien monolithique. D'autre part, il était évident que le corps de Schwarzy n'était pas fait pour vieillir au Cinéma, contrairement à celui de son nouveau pote Stallone – ou de Clint Eastwood, son modèle. Ça a toujours été un acteur de merde doté d'une présence inouïe, et c'est tout.

En fait, j'attendais Sabotage pour son metteur en scène David Ayer, qui en termes de polar/thriller hardboiled est actuellement en situation de quasi-monopole à Hollywood. J'adore surtout son Harsh Times, chronique désespérée sur des petites frappes en forme de plongée dans l'Amérique hors-la-loi de l'ère Bush et portée par une énergie quasi documentaire. Le reste de sa filmographie n'est guère convaincant, mais j'y trouve toujours un truc à me mettre sous la dent, même dans un truc comme End of Watch, probablement le film de found footage le plus foireux jamais réalisé. Peut-être, car je trouve que le type a un beau coup de pinceau en matière de personnages forts et un peu cassés, et son univers harboiled ultraviolent peuplé de personnages badass n'a pas d'équivalent aujourd'hui.

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Malheureusement comme on pouvait le soupçonner depuis son avant-dernier film, le type est très conscient de ça et du coup, en fait des caisses.

Avec Sabotage vous allez en avoir pour votre interdiction aux moins de 12 ans ; dialogues vulgos, badass attitude en-veux-tu-en-voilà, personnages de portes-flingues plus virils les uns que les autres, violence gratuite à souhait, tous les signes extérieurs du film à cojones sont là jusqu'à l'overdose, le tout surmonté d'un scénario lamentable. Plus grave, le film n'est jamais crédible dans sa peinture des supers agents secrets qu'il met en scène. Ça fait longtemps que Hollywood a abandonné l'idée de filmer le travail, mais voir des mecs supposément entraînés se comporter comme le premier civil venu, ça la fout un peu mal. Mais encore une fois, le film est tellement outrancier dans sa volonté de badasserie que ça reste beaucoup plus recommandable que n'importe quel Expendables mou du genou qui aligne les morts sans verser la moindre goutte de sang.

DANS LA COUR
Réalisateur : Pierre Salvadori
Éditeur : Wild Side, sortie le 3 septembre 2014

Dans les bonus géniaux du coffret DVD, Pierre Salvadori l'avoue lui-même : à chacun de ses films, inévitablement, on lui ressort le même couplet – « C'est vraiment bien, j'ai bien aimé, mais je préfère Les Apprentis » et l'auteur de renchérir, déconfit, sur la malédiction d'avoir fait très tôt dans sa carrière un film touché par la Grâce auquel chacun de ses nouveaux films aura été inévitablement comparé. Franchement, on compatit, d'autant que de Comme elle respire à De vrais mensonges en passant par Hors de prix, ses films suivants sont loin d'être honteux, voire très bons pour certains. C'est d'ailleurs le cas de Dans la cour, où il montre encore une fois qu'en matière de comédie en France, il n'y a plus que lui d'un peu digne. Bref, c'est vraiment bien, j'ai bien aimé, même si, quand même, je préfère Les Apprentis.

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C'est donc de celui-là que je préfère parler car il y a des chanceux parmi vous qui n'ont jamais dû en entendre parler. Trop jeune à sa sortie (1995), pas envie de voir un film avec François Cluzet, pas envie de regarder un film du mec qui fait des films tout colorés avec Audrey Tautou, pas envie de voir une comédie française tout court, trop de bonnes comédies américaines à regarder. Et surtout, beaucoup parmi vous n'ont jamais entendu parler de ce film qui a engendré un culte assez secret, loin derrière les Galettes de Pont-Aven et autres Valseuses, parmi les films que l'on peut voir 174 fois sans problème. Et pourtant, tout comme ses deux autres, voire même un peu plus, il s'agit du film idéal à refourguer à un convive stagnant hébété devant votre collection de DVDs et qui vous pose la fatidique question : « T'as quoi de bien ? » Au lieu de répondre un poli « Rien, ils sont touts nuls, j'ai acheté ça pour faire joli » et lui refiler Salo et les 120 journées de Sodome en lui promettant un sacré moment de gaudriole, je refile Les Apprentis, un de ces rares films dont on peut être à peu près sûr qu'ils vont plaire à tous les gens que vous connaissez.

Sinon Dans la cour est bien aussi, vraiment.

DARK TOUCH
Réalisatrice : Marina De Van
Éditeur : KMBO, sortie le 1er septembre 2014

Le cinéma français qui prend des risques émigre : Marina de Van va tourner en Irlande avec de l'argent suédois. La faute aux gens de la DDASS qui ont refusé que des enfants d'ici jouent dans ce film au risque d'être « traumatisés ». Ils ont bien raison, ils sont mieux devant la télé.

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Je serai toujours impatient de voir un film de De Van depuis que j'ai osé regarder Dans ma peau comme j'avais assisté au Massacre des morts-vivants à l'âge de 5 ans : en boule dans mon canapé, les mains sur les yeux. À cette époque, les coups et blessures infligés par le personnage interprété par Marina ne l'étaient que contre elle-même. La peur et la fureur se sont développées chez la réalisatrice depuis, la faute peut-être au sort réservé à Ne te retourne pas, film malade qui vaut largement mieux que l'accueil catastrophique qu'il a subi. Ce Dark Touch a donc des airs de film de fin du monde où personne n'est en sécurité.

Neve, une petite fille violentée par ses parents, possède un pouvoir dont elle n'a pas encore conscience, qui va malgré elle la défendre. Mais l'isolement et le sentiment de persécution grandissant qu'éprouve cette jeune cousine de Carrie White vont la faire basculer de l'état de victime à celui de bourreau. Elle est recueillie par des amis de ses parents qui à ses yeux, ne peuvent qu'être coupables.

Que faire de ceux qui veulent l'aider ? Comme ils sont tous coupables, ils doivent tous payer. La psychose de la jeune fille se nourrit d'événements concrets et d'une peur perceptible par le spectateur. Par moi, en tout cas.

Neve n'est pas un petit diable au visage d'ange, ni un monstre de laideur, ni une douce victime. C'est une gamine. Dark Touch est surtout un grand film sur l'enfance, sensible et violent, où le fantastique et l'horreur apparaissent comme naturels, jusqu'au final bercé par les flammes. De ces films qui ne lâchent rien. Le cinéma n'est plus dérangeant, ou si peu, il est bon que quelqu'un ne cherche pas, comme c'est le cas systématiquement, à nous faire gober que les choses vont rentrer dans l'ordre. Et puis les œuvres qui montrent à quel point les enfants sont diaboliques sont toujours d'utilité publique.

Antonin et Étienne fument des clopes. Ils sont aussi sur Facebook