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Culture

Lucy et Expendables 3 sont les deux DVD que vous devriez éviter à tout prix ce mois-ci

Les mecs du Cinéma est mort chroniquent les DVD géniaux et nuls sortis ces dernières semaines.

Antonin et Étienne sont les fondateurs et présentateurs du Cinéma est mort, la meilleure émission de cinéma sur les radios françaises, diffusée sur Canal B. Ils parleront chaque mois sur VICE.com des sorties DVD et Blu-Ray qu'ils adorent et des sorties DVD et Blu-Ray que « c'est pas la peine ».

Alors qu'un type comme Michael Bay fait encore un peu débat (bon mauvais goût ou mauvais mauvais goût ?), détester Luc Besson est devenu tellement la norme pour quiconque se considère un tant soit peu cinéphile qu'on en a un peu oublié les raisons. Le Besson producteur nous donne 4 fois par an une nouvelle raison de le détester, mais le Besson réalisateur, ça fait longtemps que personne mis à part le public ne va plus voir ses films.

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Ça fait quelques années que je me dis qu'il faudrait avoir le courage de se fader à nouveau l'intégralité de ces films qui m'avait tant impressionné pré-ado, avant de les détester 3-4 ans après (le trauma du Cinquième élément). Mais honnêtement, j'ai autre chose à foutre que ça. Je suis quand même allé voir Lucy en salle, espérant y trouver un début de réponse à mes questions, et surtout j'y suis allé avec la ferme intention de bien aimer le film.

Mon horloge interne de petit snobinard de wannabe critique de cinéma m'indiquait très fort que le temps de l'opprobre pour Luc Besson était révolu. J'allais pouvoir choquer mon petit monde en clamant haut et fort mon amour pour Luc Besson, sous la forme d'un mea culpa de type : Le cinéma d'action est si nul en ce moment que Luc Besson c'est le haut du panier.

Ça a plus ou moins bien marché, je n'ai pas détesté regarder Lucy. C'est fun et généreux, ça dure 1h30, ce qui de nos jours est une qualité rare, et surtout c'est tellement jusqu'au-boutiste dans la connerie que ç'en est fascinant. D'une idée à la Rod Sterling pour la 4e dimension, Luc Besson a voulu tirer un Tree of life, sauf que n'étant pas métaphysicien – ni même mystique – pour un sou, il doit passer par la Nolan-erie à la Inception pour en arriver là. Je n'invente rien, c'est sa note d'intention. La vision qu'a Luc Besson de l'intelligence est matérialiste et quantifiable, comme le passage de l'iPhone 3 à l'iPhone 4. Et Scarlett Johannson reçoit ses updates pour devenir une sorte d'iPhone 25, avec un forfait 12G.

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Je me suis alors rappelé la raison pour laquelle le cinéma de Besson est profondément con. Ça devrait être de la série B mais ça se prend tout de même pour du film d'auteur qui a des choses à dire sur la Vie, le monde tel qu'il va, et la bonne façon de faire une mayonnaise. Lucy est donc le carton planétaire que l'on sait, et si vous aimez le Cinéma et le faites savoir, il y aura bien un mec dans votre famille pour vous offrir le DVD pour la Noël.

Au début du siècle, les éditeurs de DVDs avaient peur des clients qui se plaignaient que les films des années 1970 qu'ils achetaient aient « encore un peu de grain » sur leur superbe écran plat. Même ressenti pour le son – pourquoi avoir investi dans un home cinéma si c'est pour se taper une piste mono ? C'est pourquoi certains éditeurs lissaient l'image et boostaient en stéréo les pistes monos d'origine. Ce fut le cas de la première édition DVD de Massacre à la tronçonneuse chez Studio Canal qui était donc loin de détrôner la cultissime K7 de ce petit filou de René Chateau. L'outrage fut réparé quelques années plus tard, avec une nouvelle édition plus fidèle à la chimie du 16 mm de Tobe Hooper. Mais ce n'est rien à côté de la splendide restauration de l'image du film restituée dans cette nouvelle édition – sans compter qu'on a droit à un nouveau mixage 5.1 supervisé par le réalisateur. Une petite trahison donc, mais qu'on lui pardonnera aisément, puisque le disque nous propose aussi la piste mono restaurée.

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Je ne dirais pas grand-chose sur le film, c'est le truc le plus dingue que j'ai vu de ma vie. Ce film est possédé.

En revanche, quelques mots sur l'un des principaux bonus de ce coffret : non pas le tablier de boucher Don't Mess With Texas (c'est le tablier de boucher le plus dingue que j'ai vu de ma vie. Ce tablier de boucher est possédé) mais Eggshells, premier long-métrage de Tobe Hooper longtemps considéré perdu. La filmographie de Hooper étant ce qu'elle était – c'est-à-dire pas folichonne du tout –, j'avais fini par adhérer à cette théorie selon laquelle la réussite inouïe de Massacre devait beaucoup au hasard, Hooper pensant à la base faire un film plus comique que dérangeant.

Non pas qu'Eggshells soit excellent. C'est, dans ses pires moments, le typique film psychédélique seventies un peu chiant, celui qui court après la restitution formelle de l'« expérience de la drogue », ce qui n'a jamais été une bonne idée de Cinéma. Guimbarde, free-jazz, passage soudain à l'animation, personnages qui font des bisous à des arbres. Tout est là, c'est pénible. Mais dans ses meilleurs moments c'est également un documentaire assez anxiogène sur une bande de hippies, où l'on sent constamment le regard sardonique de Hooper. Ce sont précisément ces personnages qu'il va amener à l'abattoir dans son film suivant. Mais malgré quelques beaux moments, l'alliance entre l'expérimental et le documentaire ne prend jamais vraiment dans Eggshells, D'ailleurs le film, trop arty, ne trouvera pas son public, et il faudra attendre le détour par le film de genre pour que l'émulsion entre ces deux éléments soit absolument parfaite.

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Franchement, j'avais clairement un peu les foies en insérant le DVD des Sept Samouraïs dans mon lecteur. 3 h 20 quand même. Et surtout, je n'avais qu'un maigre – bien qu'agréable – souvenir de mon premier visionnage du film à la fin du XXe siècle. C'était l'époque où je commençais à m'intéresser au Cinéma et où je cherchais des films pouvant assouvir également mon envie de voir de la grosse baston épique raccord avec ma soif de teen-ager provincial fan d'heroic fantasy. Et à l'époque, il faut bien se rappeler qu'il n'y avait pas grand-chose à se mettre sous la dent en la matière.

En voyant la trace de ce film séminal dans un paquet de films depuis – Star Wars, Braveheart, Conan le Barbare, les Miyazaki, les Peckinpah, Le 13e guerrier, les croûtes numériques de Peter Jackson – je me disais que peut-être, Les Sept samouraïs n'aurait désormais plus qu'un simple intérêt historique.

Et au contraire, j'ai chialé comme un môme.

Voilà typiquement le genre de film à ne surtout pas télécharger dans une version compressée toute pourrie, ni même à regarder dans le précédent DVD édité trouvable à 2 balles un peu partout. Si vous le voyez de cette manière, vous prenez le risque d'être d'accord avec Yves G. critique chez Allociné à qui le film est « apparu comme un interminable pensum où l'on voit des petits Japonais courir dans tous les sens en agitant les bras ». Peut-être n'en arriverez-vous pas à de telles extrémités analytiques et serez-vous emporté par son montage extrêmement moderne, matrice de tout le cinéma d'action contemporain. Peut-être serez vous aussi conquis par l'efficacité romanesque du récit d'une rigueur humaniste et politique inouïe. Mais vous passerez tout à fait à côté du récit niché dans la composition des plans et dans la lumière qui transcendent ce film en lui donnant une puissance quasi tellurique. Toutes ces choses sautent aux yeux dans la version restaurée proposée par Wild Side/La Rabbia, et c'est effectivement, comme dirait Uncertainregard, autre critique de cinéma chez Allociné, « une œuvre universelle qui réside sur les plus hautes marches de la pierre angulaire du 7e art ».

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Par les temps qui courent, il est de bon ton, notamment dans un spectacle pour enfants comme celui-ci, d'offrir le rôle du héros à un criminel de guerre, vendeur d'armes, qui n'hésitera pas à descendre les membres de son équipe les plus incompétents. Et de choisir Mel Gibson pour l'incarner. Mais ça continue de me faire un peu mal aux fesses de le voir chercher une réhabilitation hollywoodienne en jouant les méchants de service, faisant au passage perdre toute crédibilité à ses adversaires qui oseront le vaincre – alors que c'est même pas vrai. On ne peut pas tuer Mel Gibson. Pour faire passer la pilule, le duel final est expédié en deux temps, trois mouvements. Reste le soulagement de ne pas voir Mel parodier ses rôles de Riggs, Max ou Wallace, et donc de ne pas le voir se ridiculiser comme les autres.

Et puis pourquoi s'attarder autant sur les personnages secondaires, crapules sans caractère menées par un Stallone pas si fatigué, je lui accorde au moins ça, puisqu'il a eu la bonne idée de raser son bouc ? Lui et ses sbires invincibles massacrent à tout va, établissent sans doute un record à ce niveau, et parviennent à le faire sans violence, simplement parce qu'ils ne s'attaquent pas à des personnages mais à de pures silhouettes n'ayant jamais le droit d'exister, et qui n'ont d'ailleurs ni chair, ni sang. Des cibles, rien de plus. Comme si les expendables, c'étaient les gentils.

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Au rayon des propositions de Cinéma les plus furieuses du pays du camembert (en collaboration avec celui de la fricadelle), Hélène Cattet et Bruno Forzani occupent une place de choix. Remarqués en 2010 avec Amer, les deux cinéastes pratiquent un cinéma ultra-maniériste travaillant jusqu'à l'outrance les thèmes et motifs du giallo italien en remisant bien à l'arrière-plan une intrigue déjà malmenée dans le genre original. Au menu donc : armes blanches, tueurs masqués, portes mystérieuses, femmes à poil torturées, sang qui gicle, sexe, mort et désirs pervers, à l'endroit, à l'envers. Du cinéma fétichiste sur des fétichistes pour les fétichistes. Un cinéma à la beauté hyper sophistiquée, comme son titre l'indique bien. Franchement L'Étrange couleur des larmes de ton corps, ça a plus de gueule que « Ton sang a une couleur trop chelou ». Pas étonnant que ça ait tapé dans l'œil de Tarantino, qui a donné un sérieux coup de pouce au couple en classant Amer parmi ses films favoris de 2010.

J'attendais énormément les nouveautés qu'allaient apporter les cinéastes avec ce nouveau film. Il y en eut une : l'importance considérable de l'esthétique Art Nouveau qui vient tempérer le tropisme furieusement rital de l'univers déployé.

Autant dire, rien de bien nouveau sous le soleil, si ce n'est un peu moins de soleil. Et donc un peu moins de générosité pop qu'Amer. Évidemment L'Étrange couleur est magnifique visuellement et regorge d'idées de montage et de mise en scène délirantes. De plus, tout comme dans Amer, si les cinéastes sont, en bons fétichistes, amoureux de leurs images, ils ne font pas non plus l'économie d'une certaine trivialité qui met justement en danger la trop grande plasticité de l'ensemble. En gros, ils n'ont pas peur du ridicule, et ça, c'est plutôt courageux au cinéma de nos jours. Mais le trop-plein d'inserts, la dynamique psychédélique et l'absence de vin chez moi ce soir-là ont fait que je me suis tout de même demandé si la place de ce film n'était pas « dans un musée » comme aurait dit un célèbre critique d'art premier. Et puis après je me suis dit que même si je n'aimais pas autant L'Étrange couleur des larmes de ton corps que j'aurais aimé l'aimer, c'était typiquement le genre de film qu'il faudrait voir plus souvent au Cinéma justement.