Publicité
« J'ai commencé à travailler à 20 ans environ. Je faisais tous mes jobs gratuitement – dans la mode, c'est comme ça. Personne ne se fait payer au début. Je savais d'entrée de jeu que ça allait être dur. Mais j'étais motivée et déterminée à réussir. Mon métier c'est d'aider la styliste star pour laquelle je travaille à choisir les tendances d'une saison pour faire des histoires et des looks en vue d'un édito dans un magazine. Pour cela, quand on est en période de Fashion Week c'est la course, on doit suivre la styliste pour laquelle on travaille partout, retenir tous les looks, les revoir ensuite et bien sélectionner les pièces importantes. On doit être son cerveau. L'astuce, c'est de te faire copine avec le chauffeur : lui, il peut vraiment te sauver la vie pendant les shows ! Si t'es en retard, si t'as oublié un truc, si tu dois revoir des looks – s'il t'aime bien, il t'aidera pour tout !
Publicité
Ce métier est un cauchemar. L'une des stylistes que j'assistais me demandait de répondre aux textos de son mec ou d'aller chercher son pressing – des tâches qui n'avaient rien à voir avec ma fonction.
Publicité
Publicité
« Je suis passionné de mode depuis que j'ai 10 ans. Genre, je ne vis que pour ça. J'ai commencé à travailler avec des stylistes un peu connus dans des magazines français et anglais à l'âge de 20 ans, et comme je n'étais payé que 100 euros par mois, j'ai décidé d'entrer dans une maison pour mieux gagner ma vie. Quand j'ai commencé, j'ai rien compris, j'étais le deuxième assistant du créateur – en gros c'est comme assistant de l'assistant – et je passais mon temps à : régler des factures, chercher des magazines, acheter du Coca Zéro, chercher des fringues au pressing, sortir le chien du créateur, gérer son agenda, acheter des crayons – et les tailler – acheter des cahiers, changer les fleurs, faire du café italien (car il n'aimait que ça) bref, tout faire sauf du stylisme.Lui, je ne le voyais même pas. Et encore moins les vêtements, sauf en période de fitting juste avant les shows, et là je ramassais les épingles et pliais les fringues. En période de défilés, tout le monde est crevé et stressé. Sauf qu'il ne faut rien montrer devant le créateur. Il a besoin de calme et toi tu dois tout faire pour que son génie puisse s'exprimer.J'étais payé mieux qu'avant mais ce que je faisais était encore moins bien. Je devais être malléable à souhait, tout accepter. Je ne comptais évidemment pas mes heures au boulot, pendant les shows j'arrivais à 7 heures et je ne repartais pas avant 22-23 heures – et parfois à 2 heures du matin pour aider sur le défilé. Sans broncher. J'en retirais même une forme de plaisir.
Publicité
« C'est un vrai métier de chien. Voilà. Moi, la styliste super connue que j'assiste, la première fois qu'elle m'a vue elle ne m'a pas adressé la parole. La deuxième fois, on a pris un café pour parler de la suite. Je voulais absolument travailler pour elle, j'admire son goût et son travail. Elle m'a dit : "J'te préviens, je suis particulière. Et super dure. Je déteste les gens qui bossent mal, je n'ai pas de patience et j'ai un très haut niveau d'exigence. Tu veux toujours m'assister ?" J'ai accepté, évidemment.Moi en gros, mon boulot c'est de préparer en amont tous les shootings en fonction des demandes de ma boss. Préparer, ça veut dire faire tout le boulot de larbin : à pieds quand elle est en taxi, en métro quand elle et en voiture, courir quand elle prend un café – bref, tout doit bien se passer et tout est entre mes mains. Donc, j'ai une pression de fou. Elle me laisse la possibilité quand même de faire les accessoires chaussures et bijoux, ce que je trouve sympa.Parfois, t'as une histoire à faire avec des looks pour un édito pendant la Fashion Week, et elle te demande des pièces qui n'existent pas : même les attachés de presse ne savent pas de quoi tu parles. Et là, comme tu ne dois jamais dire non, tu paniques. Grave. En général, le pire c'est la veille du shooting. Elle n'a rien suivi de la logistique et d'un coup elle veut te montrer qu'elle gère tout, que c'est elle la boss – et bim ! Tu te prends plein de réflexions et des questions pièges du type : pourquoi t'as pas pris cette robe (alors qu'elle ne l'a jamais demandé) ? Si tu tombes dans le piège c'est terminé, il faut avoir du répondant sinon elle t'écrase comme une merde. Mais dans le fond, je la respecte, parce qu'elle est douée et je sais que grâce à elle je vais me faire un carnet d'adresses et réussir.On a une relation bizarre. Elle me demande souvent mon avis et en même temps, je dois bien rester à ma place d'assistante. J'ai remarqué que ces gens, qui ont un pouvoir dans la mode, qui sont respectés et admirés, sont en général des enfants. Elles ont toujours besoin d'être rassurées, font des caprices, et ne peuvent pas rester seules longtemps. Je sais que je ne me fais pas toujours bien traitée, que c'est hard, mais je l'accepte. C'est comme ça.Ça pourrait être pire : quand t'es dans un magazine, là t'es pris dans un étau. La pression de ta boss plus la méchanceté et la convoitise des autres assistantes qui ne rêvent que d'une chose : que tu t'écroules. Jamais elles te diront que ta série mode est bien. Et elles te défonceront toujours par-derrière. Souvent par jalousie, pour piquer ta place. »