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En selle avec les cyclistes chinois

Rien de tel qu'une balade à vélo, sous la pluie, dans un Pékin surpollué.
Glenn Cloarec
propos rapportés par Glenn Cloarec
Photos de Wiktoria Wojciechowska/éditions Bemojake

L'idée de photographier ces cyclistes m'est venue lors des premiers jours de mon séjour en Chine. Si le vélo semble perdre en popularité dans le pays, nombreux sont les gens qui en font toujours.

Là-bas, se déplacer de cette façon ou en scooter montre généralement qu'on appartient à une classe sociale inférieure. Cela signifie que la personne n'a pas de voiture. Aujourd'hui, dans la société chinoise, la richesse semble être une « vertu » que tout le monde recherche. En 2013, le président Xi Jinping a instauré le mythe du « rêve chinois », en référence au vieux « rêve américain ». Il a encouragé les jeunes à « oser rêver, travailler assidûment pour réaliser leurs rêves et contribuer à la revitalisation de la nation ». Aujourd'hui, un bon père de famille possède une voiture et un appartement. Ces stéréotypes, nés en partie à cause de vieilles traditions et de nouvelles politiques, sont très présents en Chine.

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J'ai voulu capturer ces cyclistes de la façon la plus esthétique possible. J'ai travaillé sur le sujet pendant plusieurs mois, surtout à Hangzhou et Pékin. C'est vite devenu une addiction ; je ne pouvais plus m'arrêter. Au départ, c'était même une thérapie face à la solitude que j'ai ressentie en arrivant dans ce pays qui m'était jusqu'alors inconnu.

J'ai essentiellement photographié quand il pleuvait – pour l'ouvrage que j'ai publié depuis, j'ai choisi de garder uniquement les gens trempés. Les mauvaises conditions météo les forçaient à arriver plus vite à destination. Ainsi, leurs grimaces et expressions ne pouvaient en être que plus authentiques – aucun n'a posé. Dans mes images, j'aime beaucoup leur spontanéité.

Tous sont de parfaits inconnus. Ce sont des ouvriers, des fonctionnaires, des livreurs, des cuisiniers, des étudiants, des artisans… La plupart d'entre eux sont probablement des immigrés qui ont quitté leurs villages pour la ville, à la recherche d'un emploi. Durant les vacances et fêtes chinoises, quand tout le monde rentre chez soi, les grandes villes se vident complètement. Tous les restaurants et magasins ferment et il n'y a plus personne dans les rues. Cela montre bien que les populations urbaines ne sont pas originaires de la ville.

J'ai vite compris à quel point il était important de portraitiser ces cyclistes de façon personnelle, de les extraire de la masse. D'un certain point de vue, ils se ressemblent tous en raison de leurs parkas de différentes couleurs qu'ils portent pour se protéger – cette unité m'a d'ailleurs fait penser au communisme et à leur passé. Avec ces vestes, ils me faisaient penser à des sculptures. Avec les nuances dans les plis des tissus et les gouttes de pluie, on pourrait les comparer à des sortes de diamants. D'un autre côté, ces ressemblances entre chacun permettent de se focaliser davantage sur leurs émotions personnelles. Avant d'arriver en Chine, je percevais les Chinois en tant que masse et non en tant qu'individu. Ce projet m'a permis de changer cette vision.

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Durant les prises de vues, j'accrochais un parapluie à mon tripode, ce qui me permettait de rester à l'abri avec mon appareil et mon flash. Je ne m'attendais pas à avoir une telle météo quand je suis partie vivre en Chine. En conséquence, je n'avais pas du tout les vêtements appropriés. Mes pieds étaient trempés et j'avais froid, comme probablement les sujets photographiés. Ressentir les mêmes sensations qu'eux a été sûrement bénéfique pour mon travail final.

Wiktoria Wojciechowska vient de publier ses photos de cyclistes chinois aux éditions Bemojake dans un ouvrage intitulé Short Flashes. Retrouvez-la sur son site.