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Être virtuellement bourré est un truc réellement chiant

Quand on se retrouve enfermé dans un open-space hermétique et glacial un jeudi après-midi...

Quand on se retrouve enfermé dans un open-space hermétique et glacial un jeudi après-midi, la seule chose pour sortir de cette torpeur est de faire comme tous les hommes depuis 6000 ans : picoler. Le problème, c'est que si vous remplacez votre pause clope par un détour au supermarché pour vous procurer un pack de bières de clodo, il y a de fortes chances pour que votre haleine infecte le signale à vos collègues de bureau – et plus tard, à votre patron.

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La semaine dernière sur Internet, on est tombés sur un produit dont on doit la paternité à Phillipe Starck, le designer qui rénove des hôtels et porte des blousons de moto. Le WAHH – c'est son nom – est un petit spray destiné à vous « évoquer l'ivresse, sans effets néfastes » en une pulvérisation. Et ce, grâce à une décharge d'alcool à 90 degrés assez puissante pour donner l'impression à votre cerveau que vous venez de boire dix-huit shots de téquila d'un coup – et qu'en conséquence, vous êtes bourrés. Selon ses créateurs, le WAHH est plus efficace lorsqu'il est pulvérisé sur de la nourriture. La méthode à suivre était donc simple : asperger nos plats du midi avec le produit et laisser nos cerveaux se faire berner par le liquide.

Comme tout produit futuriste, le WAHH a un nom qui ressemble à un cri de créature à peau verte sortie d'un jeu de plateau et un design rappelant celui des jouets qu'on trouve dans les boîtes de céréales. Mais comme tout produit marketing, il nous a juste fallu appeler l'agence qui le distribue – le Labstore – pour voir arriver au bureau deux exemplaires dans un joli paquet cadeau et ainsi, pouvoir expérimenter l'idée « d'ivresse moléculaire » sur notre lieu de travail.

La première étape a consisté à aller se prendre à bouffer. Chacun des participants devait avoir un plat différent représentatif du savoir culinaire du Xème arrondissement parisien. Sylla a opté pour un classique sandwich club Monoprix à 3 euros.

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De son côté, Elen avait envie d’une maigre portion de pâtes dans une boîte en carton – 3, 50 euros.

Enfin, Adrien est allé au Best Africa, le seul fast food africain tenu par des gens originaires du continent indien, pour se choper un mafé poulet à 5 euros.

Après avoir pulvérisé notre déjeuner de molécules WAHH et l'avoir englouti aussi sec, il ne nous restait plus qu'à attendre que le truc attaque nos cerveaux. On a donc prolongé cet instant détente par une cigarette. Les premiers effets se sont manifestés au bout de cinq minutes.

Pour Adrien, la sensation d’ivresse est arrivée plus rapidement que les autres, notamment parce qu'il venait d'absorber un amas d'abats de poulet plongé dans une sauce épicée. Les molécules présentes dans la bouffe africaine ont décuplé les effets du spray. Vers 14h30, il a eu envie de « boire plusieurs expressos, très vite ».

Sylla, pour sa part, s'est d'abord « senti flotter, très doucement », avant de se plonger dans un magazine d'aviation qui trainait dans le coin. Il a plus tard reconnu qu'il « l'avait lu, sans le comprendre », ce qui est étonnant dans la mesure où cette publication est destinée à des milliardaires qui n'ont jamais lu un livre de leur vie.

Elen a réussi à faire taire les critiques envers les Asiatiques (et leur prétendue incapacité à tenir l'alcool) puisqu'elle a été la dernière à succomber aux effets du WAHH.

Au bout d'un quart d'heure, sur le coup des 14h40, tout le monde a ressenti l'impression d'avoir le crâne vide, puis gonflé, puis concassé dans un étau. C'est aussi à ce moment qu'on s'est décidé à retourner au travail. Cinq minutes plus tard, notre semi-ivresse s'était évaporée pour laisser place à une envie de kébab mayonnaise et de clips de Raggasonic.

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Cette sensation de somnolence pour le moins désagréable nous a donné envie de nous bourrer encore plus la gueule – en suivant la règle traditionnelle du « boire plus pour ne pas sentir qu'on a bu » – afin d'éviter de tomber dans une léthargie d'autant plus grande. Nous en étions au même point qu'au bout de deux bières : il fallait poursuivre notre prise d'alcool pour ne pas être condamné au sommeil. On a donc chacun repris une dose de spray, cette fois directement dans la bouche.

Deux heures plus tard, en plus de trimballer une haleine de fumeur de tabac à rouler, on a réalisé qu'on n'avait pas bossé de toute l'après-midi. Étonnamment, cette nouvelle condition de shithead sans-emploi nous convenait tout à fait. Notre apaisement dans la nullité venait en réalité du fait que la dose d’alcool ingérée était juste suffisante pour que notre cerveau délivre une maigre dose d’endorphines, exactement comme un « bon joint ».

Cette deuxième prise n’a eu aucun effet sur nous. Nous ressentions toujours cette énorme barre au milieu du front, et une incapacité désolante à nous concentrer sur quoique ce soit. Une envie de bouffer toutes les saloperies sucrées présentes sur notre chemin s'est soudain révélée. On rêvait de Mars glacés et de Tuc soufflés, hilares. Comme tout babos soumis aux effets à retardement du cannabis de St-Ouen – bouche pâteuse, chat Facebook, pets – on a décidé d’aller au Monop’ nous acheter des snacks chocolatés.

On a fini l’après-midi par nous goinfrer de Twix, à moitié endormis sur nos ordinateurs. À 19h, voyant que notre productivité n'avait pas décollé du néant, on a décidé de rentrer chez nous. Quand on s'est réveillé de notre sommeil sans rêve, notre cerveau était plein de cette culpabilité qu'éprouvent les adolescents lorsqu'ils sèchent les cours pour faire un flipper et louper leur Bac. Plus un mal de bide horrible, conséquence du chocolat industriel fortement sucré présent dans les barres.

Le lendemain, on a retrouvé ça au bureau. Il nous restait des dizaines de barres à engloutir (ce qu'on a fait) et environ 15 pulvérisations possibles de WAHH dans les flacons. Passez quand vous voulez au bureau, on vous les file gratos. On s'est promis de ne plus jamais expérimenter ce truc et de boire pour ramasser jusqu'à la fin de nos jours, comme les hommes le font depuis 6000 ans.