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Les casseurs nantais contre l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes

Un résumé de la manifestation de samedi dernier.

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Samedi après-midi, ma ville natale était en train de prendre feu. Ces derniers temps, Nantes a vu de nombreux manifestants protester contre la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Cette dispute remonte aux années 1970, le projet ayant été maintes fois abandonné et remis sur la table au rythme des basculements politiques et des crises financières – avant de revenir sous une impulsion du premier ministre Jean-Marc Ayrault.

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Ce week-end, les manifestants s’étaient réunis en masse : selon les organisateurs, ils étaient entre 50 000 et 60 000 – 20 000 selon certains médias.

La manifestation, plutôt pacifique, réunissait plusieurs partis de gauche, des fermiers sur leurs tracteurs et quelques hommes politiques. « Cet aéroport est un énorme gaspillage » m’a raconté Tristan, un manifestant nantais. « Mais ça va encore plus loin que ça. C’est presque devenu une lutte symbolique. D’un point de vue économique et écologique, ces projets démesurés ne servent à rien, surtout en ces temps de crise. » Les frais de construction de cet aéroport sont estimés à 581 millions d’euros – un chiffre contesté par les détracteurs du projet, qui pensent qu’ils s’élèveront plutôt à 2 milliards.

Ces manifestants, qui se décrivent comme des « ninjas-patates », ont planté des pommes de terre sur le site de construction de l’aéroport.

Au début, j'ai cru que ces types étaient des conspirationnistes soucieux de nous avertir de la présence des hommes-lézards Illuminati, venus construire des aéroports pour le Nouvel Ordre Mondial. En fait, leur discours portait sur les espèces en voie de disparition auxquelles la construction de l'aéroport pourrait nuire.

Peu après le début de la marche, qui réunissait entre autres des familles et une fanfare traditionnelle, une petite dizaine de manifestants a commencé à briser les vitres d’un bureau de Vinci – le concessionnaire de l’aéroport – situé dans la rue de Strasbourg. Quelques heures avant la manifestation, les autorités locales avaient décidé de changer l’itinéraire autorisé afin de restreindre l’accès des manifestants vers le centre-ville.

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« On était pas du tout content. Il y avait des flics dans tous les coins, postés devant toutes les routes qui menaient au centre-ville afin de pouvoir filtrer les gens, m’a raconté Tristan. Ils se comportaient comme des videurs. Nous avions le droit de manifester en dehors du centre-ville, là où personne ne pouvait nous voir et où on ne risquait pas de "perturber" les habitants. »

J'ai discuté avec un autre manifestant, que je vais appeler Alexandre.

« La situation a pris une tournure un peu schizophrène, m'a-t-il expliqué. D’un côté, il y avait les habitants en train de faire leur shopping tranquillement, pendant que les policiers antiémeute tiraient des balles en caoutchouc sur les manifestants. »

Quelques instants plus tard, les flics ont déployé un canon à eau et se sont mis à jeter des grenades assourdissantes aux manifestants. Pendant ce temps, les casseurs ont mis en place des barricades et leur ont balancé des pavés.

Les anarchistes ont cassé pas mal de trucs, dont cette agence de voyage.

Ils ont aussi attaqué ce commissariat, à Hôtel Dieu. « Les émeutiers ont sorti des marteaux de leurs sacs pour déloger les pavés du sol. Ils avaient clairement prévu quelque chose, m’a expliqué Saber Jendoubi, un journaliste également venu manifester. « Ils étaient entre 30 et 50 et ils saccageaient tout sur leur chemin – c’était un petit groupe très actif et très organisé. »

4 personnes ont été arrêtées, et les autorités locales ont déclaré que six policiers avaient été blessés au cours des affrontements. Indymedia a aussi rapporté qu’un jeune manifestant avait perdu son œil gauche à cause d’une grenade assourdissante.

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 Dans une déclaration, les organisateurs ont précisé qu’il s’agissait de « la plus grosse mobilisation du mouvement » – au total, 520 fermiers les ont rejoints, ainsi qu'une soixantaine de bus venant des quatre coins de la France. Si une grande majorité des Français ne cautionnent pas les techniques des émeutiers, ils sont cependant du même avis. Un sondage récent démontre que 56% des Français sont opposés à la construction de cet aéroport – seuls 24% soutiennent le projet. Les défenseurs du projet estiment que l’aéroport déjà existant de Nantes est arrivé à un point de saturation. Mais Tristan émet quelques doutes sur son utilité : « Pourquoi construire un aéroport quand on est à court de pétrole ? On essaie de copier le modèle des États-Unis, mais c’est insensé – on est loin de constituer la moitié d’un continent. »

Depuis 2006, des manifestants occupent le site destiné à la construction de l’aéroport, qu’ils ont surnommé le ZAD (Zone à Défendre). Je suis allée leur rendre visite en décembre 2012, quelques semaines après d’autres affrontements violents. À l’image des manifestants de samedi dernier, les occupants du site sont très différents les uns des autres. On y trouve des écologistes endurcis, des fermiers locaux et des jeunes visiblement ravis de vivre dans les bois.

Sachant que des arrêtés ont été signés en décembre 2013 par les autorités locales pour amorcer le début des constructions, la situation n’est pas encore prête de se calmer.

Suivez Rebecca sur Twitter : @becksunyer