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Confiante néanmoins, j'arpentais les rues avec mon iPad, affrontant le blizzard et cette pluie froide et battante caractéristique de Londres. Après un nombre incalculable de portes claquées au nez, j'ai commencé malgré tout à prendre le pli. Mais ce fut difficile. Les cieux étaient contre moi. Avec mon prénom et mon accent français, les gens pensaient que j'essayais de leur refourguer des films pornos – « Fanny » signifiant vagin en argot anglais. Un mec, manifestement excité, m'a par exemple demandé comment accéder à la rubrique films coquins.Les jours allant, les ennuis se sont enchaînés. La loi des séries, sans doute. Après avoir décroché le Graal en convainquant une première personne de souscrire à un abonnement, j'ai fait tomber mon iPad et l'écran a explosé. Très gênée, j'ai immédiatement sollicité mon supérieur afin qu'il concrétise l'opération avec son propre matériel. Ce dernier en a profité pour m'arnaquer. Il m'a en effet proposé de partager la commission. Ce qui ne m'a pas empêché de terminer la journée sur un bilan plus qu'honorable de cinq abonnements vendus.Avec mon prénom et mon accent français, les gens pensaient que j'essayais de leur refourguer des films pornos – « Fanny » signifiant vagin en argot anglais.
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Puis un jour, on m'affecta exceptionnellement dans un quartier aisé de la ville. Il pleuvait, il faisait un froid de canard et les gens du coin n'étaient pas aussi sensibles à mon discours que dans les quartiers plus populaires. À peine avais-je le temps de cligner des paupières que la porte se refermait aussitôt dans un claquement sourd et glacial. Les gens grognaient ou soupiraient, parfois quelques noms d'oiseaux se faisaient la malle par le trou de la serrure. Jusqu'à ce que je sonne à un dernier immeuble.Un vieil homme ouvrit et me dévisagea de la tête au pied. Après avoir développé mon pitch du tac au tac, ce dernier, totalement sénile, me proposa d'entrer. Je dois reconnaître que j'avais quelques scrupules. Vue de haut, je devais ressembler à l'un de ces VRP prêts à tout pour dépouiller les personnes âgées. L'appartement était mal entretenu. Les couloirs étaient sombres. Nous finissons finalement par s'asseoir sur un lit spartiate avec de lourds ressorts surgissant du matelas. J'ai commencé à me sentir mal. En parcourant la pièce du regard, mes yeux se sont arrêtés sur une hache fixée sur le mur de la chambre. Des sueurs glaciales se sont mises à me parcourir le corps. Soit cet homme était un ancien bûcheron, soit j'étais sur le nouveau terrain de jeu d'un serial killer à la retraite. J'ai alors essayé de faire diversion en évoquant mes propositions d'abonnements. L'homme ne semblait rien comprendre à ce que je racontais ; à la place, il continuait à me scruter en marmonnant quelques mots dans un anglais incompréhensible. Après avoir refusé un thé et des petits gâteaux, j'ai poliment demandé à quitter les lieux. L'homme m'a alors demandé timidement : « vous… êtes l'infirmière ? » J'ai éclaté d'un rire nerveux et me suis platement excusée.Le soir, je donnais ma démission. J'avais eu la peur de ma vie. Quelques jours plus tard, je rentrais chez mes parents à Aix, dépouillée de toute richesse.J'ai commencé à me sentir mal. En parcourant la pièce du regard, mes yeux se sont arrêtés sur une hache fixée sur le mur de la chambre.