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Virgile : Le site date du mois d'octobre, et j'ai réellement commencé « l'activité commerciale » le 1er mars. Aujourd'hui, j'en ai vendu à peu près 12 – ce qui est évidemment bien inférieur à l'immensité de la demande qui a afflué à partir du moment où j'ai commencé à faire de la publicité sur internet.
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Si je devais compter… C'est sûr que je ne fais pas ça pour devenir millionnaire en tout cas. À 59 euros la convention – sauf les deux dernières que j'ai vendues à 159 euros –, j'ai gagné 758 euros en bientôt trois mois. Sachant qu'il y a deux conventions que j'ai fournies gratuitement, et qu'il y a des frais. En tout cas, c'est moins que le prix d'une convention dans un des autres organismes. Ce qui prouve au final, j'ose l'espérer, que ma démarche n'est pas financière. Je n'ai absolument pas envie d'en faire une activité pérenne qui me rapporterait de l'argent.Et pourquoi tu t'es lancé là-dedans ?
Ça, c'est le nœud du problème. L'année dernière, un bon ami à moi m'a trouvé un stage dans une boîte pour faire de la rédaction web. Lorsque j'ai passé l'entretien d'embauche, on m'a demandé si j'étais scolarisé quelque part. Étant donné que je venais de finir mes études, j'ai répondu que non. On m'a dit que ce n'était pas possible, qu'il fallait obligatoirement être étudiant en France pour pouvoir obtenir une convention de stage. La personne qui était juste au-dessus mon tuteur connaissait un organisme capable de délivrer des conventions, et m'a expliqué que ça allait me coûter 600 euros. Sur mes trois mois de stage, j'ai donc passé environ un mois de bénévolat, où l'intégralité de mes indemnités a servi à rembourser les frais que j'avais avancés pour obtenir cette fausse convention. J'ai trouvé ça sincèrement scandaleux.
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Le site internet que j'ai créé me fait office de vitrine, il n'y a pas d'autre mot. Dessus, il y a un formulaire de contact directement lié à ma boîte mail professionnelle. Ensuite, il y a un nombre de demandes bien plus important que le nombre de conventions vendues. Le nombre de demandes que j'ai reçues m'a fait comprendre à quel point on vit dans une société du stage. Après c'est comme dans un magasin, les gens te demandent à combien est le pantalon, ils te disent qu'ils vont revenir ou pas. Et au final, tu soldes une demande sur 7 ou 8.
Vis-à-vis de la loi, tu n'as pas peur de prendre des risques ?On ne peut pas se permettre de payer pour avoir le droit de travailler, parce que ça nous fait entrer dans un système d'esclavagisme.
Si, mais au risque d'être arrogant, c'est la loi qui est mal faite. Je ne profite pas de ça. Je ne fais que rembourser mes frais de fonctionnement, ma publicité sur Internet, les envois que je prends à ma charge et récompenser un tout petit peu le temps que je passe sur mes différents dossiers. Si je faisais 10 conventions par mois à 580 euros comme certains, là j'aurais peur. Mais quand je vois l'ampleur du vide juridique, je me demande s'il n'est pas entretenu artificiellement. La seule chose qui peut me concerner, c'est le fait que je ne donne pas les 200 heures de cours… que les étudiants ne veulent pas, de toute façon.
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Pour moi, ce sont les pires. Eux ne risquent rien – ils ne font que reprendre leurs anciens étudiants. Peut-être qu'au final ils trouveront le moyen de faire passer 200 heures de cours mais, sincèrement, ça n'intéresse personne de vérifier. Et du coup ils peuvent se faire beaucoup d'argent sur leurs anciens étudiants, histoire qu'ils puissent enquiller un stage, deux stages, pendant leur « année d'études ».
Une crapule se fait de la marge. Ce n'est pas mon cas.Es-tu d'accord avec ceux qui demandent l'abolition des stages ?
Totalement, même si j'ai peur que ça bloque le marché pendant un temps. Mais on s'habitue à tout, donc oui, c'est ce qu'il faudrait faire, pour la simple et bonne raison que les entreprises ne jouent pas le jeu. Elles veulent des jeunes diplômés pour faire des stages et non des étudiants. Je les comprends. Elles veulent la meilleure chair à canon possible, la plus facile à former. Combien d'annonces demandent des Bac+3 pour finalement prendre des Bac+5 déjà formés ?Au final, on habitue les gens à la précarité. On habitue les gens à commencer par un stage, qu'ils payent de leur propre poche – ce qui est moralement abject. Et je sais que je participe à ça. Mais j'essaye au moins de faire en sorte que la peine financière soit au moins abordable, la moins forte possible ! On ne peut pas se permettre de payer pour avoir le droit de travailler, parce que ça nous fait entrer dans un système d'esclavagisme. Toute cette génération de jeunes diplômés est précaire. Et tu habitues des gens à se contenter de leur précarité et à payer cher pour une convention.Merci Virgile.* Son nom a été changéSuivez Pierre-Eliott sur Twitter.