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Tribune

J’étais l’une des seules filles dans une école de garçons

À 16 ans, j'ai intégré une école prestigieuse qui n'avait jamais accueilli de fille auparavant – j'ai été chanceuse d'en sortir vivante.

Quand j'avais 15 ans, ma mère et mon frère ont découvert qu'ils souffraient d'encéphalomyélite myalgique – une maladie dévastatrice également connue sous le nom de syndrome de fatigue chronique. Heureusement, tous deux s'en sont remis, et leur guérison a coïncidé avec la fin de mes examens. Désireuse de laisser la pire année de ma vie derrière moi, j'ai décidé qu'il était temps de faire table rase et de changer d'école.

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J'avais pas mal d'amis dans mon ancienne école, mais je ne m'étais jamais vraiment sentie populaire dans ce monde de cliques diverses où seul le fait d'être cool avait de l'importance. En sélectionnant mon nouveau lieu d'études, je ne me suis fondée que sur un seul critère : sa réputation académique. Sans vraiment m'en rendre compte, j'ai postulé pour une école majoritairement fréquentée par des garçons. J'avais passé toute ma scolarité dans des écoles mixtes et je ne savais même pas qu'il existait encore des lieux réservés à un seul sexe. Mon ancienne école ayant une approche plutôt aléatoire des études, je savais dans tous les cas que le choc culturel serait conséquent.

Je suis passée d'une école de 400 élèves à un lieu réunissant 1 500 étudiants. Le lycée était pourvu de portes d'entrée imposantes, lesquelles ne s'ouvraient que pour les grandes occasions. Mon ancienne école avait un sol constamment recouvert de biscuits écrasés, tandis que la nouvelle comportait des plaques murales listant tous les élèves qui l'avaient fréquentée.

Au cours de ces quatre derniers siècles, seuls les garçons âgés entre 4 et 18 ans avaient le droit d'y étudier. Mais récemment, l'établissement s'est mis à accepter des adolescentes lors des deux dernières années d'études, dans l'optique de devenir complètement mixte. Statistiquement parlant, les garçons obtiennent de meilleurs résultats dans une école mixte. En janvier dernier, le directeur d'une autre école britannique a même vanté les mérites des écoles mixtes ainsi que les vertus d'un « environnement varié où l'intensité émotionnelle des filles est diluée par la présence des garçons. »

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C'était la sixième année que l'école s'ouvrait au sexe féminin – deux autres filles étaient censées venir dans ma classe. C'est seulement le jour de ma pré-rentrée que j'ai constaté que s'il existait bel et bien des toilettes et des vestiaires pour filles, il y avait encore pas mal de boulot à faire. Le sentiment d'aliénation que je ressentais – comme toute adolescente de 16 ans arborant un appareil dentaire et un visage constellé d'acné – était exacerbé par le fait d'évoluer dans un environnement uniquement peuplé d'hommes.

Photo : Rowena Naylor via Stocksy

À la rentrée, j'ai découvert qu'une fille de ma promotion s'était ravisée et avait préféré retourner dans son ancienne école. Une semaine plus tard, l'autre fille est également partie – et je me suis retrouvée seule dans une classe de dix garçons.

L'école ne semblait pas tout à fait prête à accueillir des filles. La politique des uniformes n'arrêtait pas de changer, à mesure que les garçons se plaignaient des doubles standards. On reprochait aux filles de porter des jupes trop courtes et de parfois laisser entrevoir leur bretelle de soutien-gorge, tandis que les garçons se faisaient réprimander s'ils oubliaient de fermer un bouton de chemise – ce qui, à mon sens, était très différent.

Je n'étais pas vraiment rebelle dans l'âme, mais j'ai fini par opposer une résistance en portant des jupes plus courtes, en portant des collants à motifs ou du rouge à lèvres – soit à peu près tout ce qui pouvait montrer au reste du monde que j'existais. Je détestais les types qui se plaignaient des uniformes féminins ; c'était déjà assez difficile de faire partie des rares filles de cette école. Ce débat ne cessait de nous opposer les uns aux autres, comme si certains garçons luttaient à l'idée d'accepter les filles comme des membres de l'école.

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« Pourquoi les femmes n'ont-elles pas besoin de montre ? », a demandé un garçon de mon cours d'espagnol. « Parce qu'il y a l'heure sur la cuisinière », a répondu un de ses camarades. Jusqu'ici, je n'avais pas témoigné de la moindre forme de sexisme. À l'époque, je n'avais malheureusement pas la répartie nécessaire pour les remettre à leur place.

À Noël, j'ai teint mes cheveux bruns en blond – un choix plutôt étrange pour une fille qui cherchait à passer inaperçue dans un monde masculin. Avec le recul, je me demande toujours si j'ai fait ça pour me rendre plus attirante, ou si j'essayais simplement de masquer mon identité.

Lors d'une leçon, mon professeur d'espagnol a déclaré à la cantonade : « Je sais qu'aucune fille ne pourra répondre à cette question, mais qu'en disent les garçons ? » Cette année-là, il y avait deux autres filles dans ma classe. Nous étions trop choquées pour rétorquer quoi que ce soit. À la fin de l'année, quand j'ai gagné un prix pour avoir eu les meilleures notes en espagnol, des garçons m'ont timidement félicitée, non sans amertume – certains semblaient intimement persuadés que je n'aurais jamais dû gagner.

Un autre jour, quelqu'un m'a mis la main aux fesses alors que je me promenais dans la salle commune. Je me suis retournée pour faire face à un groupe de garçons hilares, lesquels ont tous levé les mains en l'air pour prouver leur innocence. Je me suis mise à rire, gênée, avec le reste de la salle. Aucun professeur n'était présent. C'est une scène que je me repasse souvent dans la tête – il m'arrive de m'imaginer en train de gifler l'un des garçons, ou de tout raconter à un professeur. Je n'ai rien fait de tout ça.

Au final, j'ai passé deux ans dans cette école. Je me suis fait des amis incroyables et j'ai eu des professeurs remarquables, mais il m'a fallu pas mal de temps pour réaliser l'impact que cette période avait eu sur moi. Je n'arrête pas de repenser à ces filles condamnées pour leur activité sexuelle : au cours de notre premier semestre, quelqu'un a jeté une pièce de deux centimes à une fille parce qu'elle avait fait une fellation à un autre élève. Plusieurs années après ma sortie de l'école, j'ai lutté pour accorder ma confiance aux hommes. Je crois que je me disais encore que ma vie sexuelle aurait fait l'objet d'une discussion enflammée dans la salle commune le lendemain, et que mon partenaire sexuel finirait par se moquer de ma performance auprès de ses amis.

Je suis retournée dans cette école l'année dernière, et j'étais surprise de voir à quel point elle avait changé. Elle est devenue complètement mixte, et les filles semblent autant faire partie du paysage que les garçons. Une étudiante m'a fait savoir que les premières filles à avoir intégré l'école étaient considérées comme des « pionnières ».

Je ne pensais pas pouvoir être qualifiée de pionnière un jour, mais je crois que ça m'a permis d'oublier l'amertume que j'avais ressentie jusqu'alors. J'ai quitté l'école à l'âge de 18 ans – j'en ai 24 aujourd'hui. Si cette jeune fille de 17 ans se sent à sa place dans un endroit que j'ai toujours détesté, et que c'est en partie grâce à moi, tant mieux – tout ça en valait complètement la peine.