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L’extrême droite britannique s’est pris sa première raclée du printemps

Samedi dernier, après des mois de grisaille infernale, les habitants de Brighton se sont réveillés sous un ciel clément. Ils ont vite déchanté quand leur ville a été envahie par des militants d'extrême droite.

Samedi dernier, après des mois de grisaille infernale, les habitants de Brighton se sont réveillés sous un ciel qui ne donnait, pour une fois, pas envie de se pendre. Pourtant, ceux qui pensaient pouvoir passer un week-end à se dorer la pilule sur la plage ont vite déchanté. En effet, dès dimanche après-midi, leur ville était envahie par quelque 200 militants d'extrême droite.

La March for England se veut une célébration cordiale de la fierté anglaise, organisée chaque année le jour de la Saint-George. Mais alors qu’auparavant, les gens se contentaient de se dessiner le drapeau anglais sur le visage, chanter « Jerusalem » et de parler de la grandeur de feu Winston Churchill, l'évènement semble s'attacher aujourd’hui à de nouvelles traditions : notamment réunir les groupes d’extrême droite les plus pétés d’Angleterre, tels que l’English Defense League(EDL) et d’autres mouvements encore plus radicaux, et souvent, fascistes.

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Ça fait cinq ans que la marche est organisée chaque année à Brighton, mais depuis 2011, les antifas locaux décident eux aussi de se mobiliser contre ce qu’ils considèrent comme une « dérive inacceptable ». La fête de non-bienvenue de l'an dernier avait d’ailleurs si bien réussi à humilier les manifestants que Casual United, un gang de hooligans d'extrême droite, est revenu prendre sa revanche un mois après les faits, pour ne finalement récolter que quelques pétards sur la gueule – de la part de toute les habitants de la ville.

Plutôt que de délocaliser la manifestation vers un coin plus accueillant pour eux, l'organisation de la March for England a fait de Brighton son nouveau quartier général. Un habitant de la ville m'a dit : « Ils ne viennent ici que parce que c’est la ville la plus à gauche et la plus gay-friendly d’Angleterre. » Aussi, ils ne supportent pas l’idée de s’être fait défoncés par des gens qu’ils considèrent comme une joyeuse bande de pédés communistes. Cette année ne devait pas déroger à la tradition, et en conséquence nous nous sommes dirigés vers le bord de mer, histoire voir des droitards bourrés se faire tabasser une nouvelle fois.

Quand on est arrivés sur le bord de mer, une longue ligne de camions de police anti-émeute avait créé un mur infranchissable destiné à séparer la zone de manifestation de celle réservée aux contre-manifestants antifascistes. Environ 700 policiers anti-émeute venus des quatre coins du pays, même du Pays de Galles, se préparaient à mener à bien la plus grande opération de police que Brighton avait jamais connue.

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La stratégie de la police était d'amener les participants à la March for England en bus jusqu'à leur point de départ, de les laisser marcher et de les réembarquer loin de là, en bus, sans qu'ils n'aient la moindre occasion de croiser des gens de Brighton. Sur le papier, la stratégie avait l'air opérationnelle – jusqu’au moment où une poignée de fafs qui n'étaient pas arrivés dans les bus affrétés par la police se sont mis à débarquer d’un peu partout.

La masse d'antifascistes était assez dense, concentrée sur un rond-point près de l’aquarium. Chose étonnante, ces gens distribuaient des pancartes antifascistes à tous les gens autour d’eux qui n'en avaient pas. Mais la présence policière était si impressionnante que nous nous sommes demandé si une journée au Sea Life Centre (l’aquarium en question) n’était pas plus divertissante que de regarder des gens s’insulter de part et d'autre d'un mur de camions et de policiers épais de 10 mètres.

Heureusement, la vie sauvage a rapidement refait surface avec cette bonne dizaine de débiles sortie de la March for England. Ceux-ci avaient décidé d'aller faire les marioles devant la masse d'antifas réunis à quelques dizaines de mètres d’eux.

La multitude les a rapidement accablés d'injures, alors qu'une simple barrière séparait les marcheurs d'une mer d'antifas en colère. Le mec des Black Blocs – que vous voyez en train de se faire attaquer – a par la suite sauté la barrière pour s'en prendre à cinq ou six mecs plus carrés que lui, et s'est très vite retrouvé dépassé par le nombre de pieds nationalistes – et des manches de leurs drapeaux.

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Les nationalistes ont utilisé tout ce qu'ils avaient appris au cours de leurs décennies passées à se taper sur la gueule, et ils avaient l’air revigorés par l'élan de confiance procuré par la bière forte. L'espace d'un instant, l'homme masqué a eu l'air d'être dans une sacrée merde ; j'ai même cru que les marcheurs allaient lui faire le coup du « arrête de te frapper-BIM-mais arrête de te frapper, bon sang ! » De quoi écraser l'ego du plus branleurs des antifas.

Puis, plusieurs de ses amis sont arrivés à la rescousse, juste à temps pour lui éviter une clavicule pétée. Les coups de poing ont volé et les cogneurs faf se sont retrouvés au sol, convertis en une masse d’où sortaient une dizaine de bras et de jambes (certains racistes, d’autres pas) en train de se débattre avec ardeur. Il est difficile de déterminer le niveau de xénophobie d’un membre quand on ne distingue pas la tête à laquelle il est rattaché.

Tout le monde a fini par se lever et retourner vers son équipe. La Team England s’est adossée aux clôtures, comme un troupeau de moutons effrayés à la vue du fermier qui traverse nonchalamment le champ armé de sa pince à castrer. Cet agent de liaison de la police, dans son impeccable layette bleu turquoise, était le seul rempart qui les protégeait de la foule antifasciste et de ses lancers de bouteilles.

Les fafs venaient juste de se jouer du cordon policier lorsque des renforts des forces de l’ordre sont arrivés à cheval et ont décidé qu’il était impératif – d’un point de vue stratégique ! – de confisquer la banderole des Black Blocs. Ils n’ont pas réussi. Et, après un instant de confusion au cours duquel la police a tenté de contenir la foule, les forces de l’ordre ont finalement lâché l’affaire (et la banderole) et ont poursuivi leur mission de contrôle comme si rien ne s’était passé.

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Ce médecin de la police, esseulé, a exigé de ce membre du Black Bloc qu’il retire son masque. La réponse qu’il a obtenue, « non », l’a sensiblement humilié.

Une centaine de mètres plus loin, un groupe de fafs a trouvé refuge dans une agence de la chaîne Coral après avoir été poursuivi par des antifascistes armés de bombes à encre.

Plusieurs policiers ont également été touchés lors de la bataille, mais, impressionnants de stoïcisme, ils ont su conserver une détermination des plus inattendues de la part de gens dont le visage était partiellement couvert d’encre.

Nous étions de retour près du rond-point, où régnait une grande confusion. La police montée coursait les gens. Peut-être croyaient-ils que les charges des chevaux finiraient d’une façon ou d’une autre par convaincre les manifestants d’enlever leurs masques. Pendant un instant, on aurait même pu oublier que l’extrême droite était là ; la police arrêtait et fouillait le moindre contre-manifestant qu’elle parvenait à attraper.

Notamment ce gars, qui a pris sa capture avec philosophie, et en a profité pour se poser, réfléchir et se détendre au milieu du chaos qui l’entourait.

Ce n’était pas une si mauvaise idée, vu que, quelques instants plus tard, un autre groupe de fafs a déboulé d’une rue adjacente, prêt à en découdre, avant de se voir cerné de tous côtés. Voilà comment ça s’est passé :

La police est parvenue à ouvrir une voie pour que les nationalistes puissent s’échapper, mais pas avant que plusieurs projectiles leur tombent dessus. Regardez bien le skinhead avec les lunettes de soleil et le hoodie blanc. On pourrait croire qu’il s’est pris des gros œufs dans la tronche. En vérité, lui et plusieurs autres fafs ont ramassé des cannettes de bière en plein visage, ce qui est bien plus douloureux.

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Beaucoup des rues qui menaient au front de mer (la marche se déroulait le long de ce front) étaient fermées par des cordons policiers. Celui-ci a servi de toile de fond à cette bande de débiles alors qu’ils prenaient la pose pour leur calendrier promotionnel de l’année prochaine.

Ces rues barrées n’ont posé aucun problème aux antifascistes locaux qui, connaissant la zone, ont pu rallier le front de mer en empruntant les rues adjacentes.

Lorsqu’ils sont arrivés là, des fascistes les attendaient pour une petite bagarre. Un antifasciste, l’air un peu sonné, m’a dit : « On les avait pas vus. Ils nous sont tombés sur le rabe, à mon pote et à moi, au moment où on est arrivés. »

L’effet de surprise n’a pas été très efficace et les fafs, dépassés par le nombre de leurs opposants, se sont faits dérouiller comme de coutume. Avant l’intervention de la police, l’ambiance sonore se résumait à quelques bruits sourds de poings américains et de chaussures éclatant des caboches de néonazis.

Une fois la baston terminée, nous avons enfin eu droit à une brève séquence de la March for England. Tout le monde sera d’accord avec moi sur ce point : si jamais la « race anglaise » devait se défendre et se protéger d’un envahisseur quelconque, ces gars seraient l’élite de l’espèce, la lignée à conserver.

Le peuple de Brighton s’est réuni en lignes le long du parcours de la manifestation, pour chanter des trucs comme « From the station to the sea, Brighton will be fascist-free » (De la gare jusqu’à la mer, Brighton ne veut pas voir un seul fasciste) ou un hymne simple mais efficace, « Small dicks ! ». Pendant ce temps, quelqu’un qui disposait d’une grosse sono jouait des hymnes gays, type « I Will Survive ».

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La manifestation était en réalité la plus grosse blague du week-end. Les nationalistes ont été autorisés à marcher, fièrement, sur 400 mètres de front de mer. Juste assez pour tomber sur cette banderole antifasciste accrochée à un toit aux abords de leur circuit. Ils ont ensuite été escortés en sens inverse, sans bruit, sans discours, sans rien. Direction le bus, puis la maison.

Pour terminer, nous sommes retournés une dernière fois au rond-point, sur lequel un groupe de fafs dissidents se faisait tranquillement raccompagner hors de la ville et où ce gars nous expliquait que c’était « incroyable », qu’il avait fait « tout ce chemin depuis Liverpool pour rien ! » Même si nous étions en désaccord fondamental avec ce qui sortait de sa bouche, nous avons respecté sa loyauté envers sa cause.

Et puis, c’était fini. Des rumeurs, qui restent à vérifier, ont fait état de l’agression d’une famille musulmane par plusieurs voyous nationalistes, ceci devant nous assurer que s’ils revenaient une nouvelle fois à Brighton au printemps prochain, les fafs seraient accueillis par une foule tout aussi déterminée à leur expliquer de quel bois on se chauffe sur les bords de la Manche.

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