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La cyber-guerre de la bande de Gaza

Alors que les violences entre Israël et Gaza sévissaient, une nouvelle ligne de front est apparue. Sur Internet.

Alors que les violences entre Israël et Gaza sévissaient, une nouvelle ligne de front est apparue. Sur Internet. Une infoguerre virtuelle s’installe. D’un côté comme de l’autre, jamais les réseaux sociaux n’ont servi à une telle propagande. Sans surprise, Anonymous a piraté des sites web israéliens, et un groupe nommé Telecomix a mis en place un accès Internet pour les civils affectés par les bombardements.

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Mercredi dernier, l’Armée de défense d’Israël a publié une vidéo décrivant ses méthodes pour minimiser le nombre de victimes civiles palestiniennes (coups de fil et frappes de précision). L’ADI live-tweete également ses frappes sur Gaza avec son beau Twitter tout neuf @IDFSpokesperson, ce à quoi le Twitter d’Al-Qassam – la branche militaire du Hamas – répond en publiant des photos d’enfants victimes des bombardements israéliens. Ces photos sont une réponse crue et efficace aux cercles monochromes qu’utilise Israël dans ses vidéos pour montrer qu’ils ne tuent que les gens qui le méritent. Cela dit, selon Business Insider, l’une des photos tweetées par le Hamas provenait du conflit syrien.

En plus du conflit entre les deux gouvernements sur les réseaux sociaux, les hackers d’Anonymous ont eux aussi lancé une campagne appelée #OpIsrael. Bien que cela n’ait pas été confirmé par d’autres sources, selon Anonymous, Israël a menacé de couper l’électricité et Internet à Gaza. Le groupe activiste a donc décidé de répondre à cette hypothétique menace et aux bombardements sur Gaza sur leur compte Youtube. L’attaque d’Anonymous a mené à la fermeture temporaire et à la détérioration de centaines de sites israéliens, dont celui de la Banque de Jérusalem.

La semaine dernière, je suis tombé sur cette page en essayant d’ouvrir le site de l’office du tourisme israélien

Alors que la plupart des sources estiment le nombre de fermetures de sites web israéliens entre 663 et 700, le ministre des finances israélien a déclaré que le gouvernement avait « déjoué 44 millions d’attaques sur ses sites » et a défini cette vague comme un « deuxième front » du conflit. À part ces fermetures et ces piratages de sites, Anonymous a aussi publié un document contenant des milliers d’adresses mail et de mots de passe qui appartiendraient à des agents de l’ADI et à des membres du gouvernement israélien. Sur le document, ils ont ajouté : « On se dirige vers une cyber-guerre. »

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Par ailleurs, Anonymous a distribué une « trousse de secours » aux Gazaouis. Cette trousse, appelée « OpIsrael.Care.Package.v2.0 » contient un communiqué de presse, des instructions de premier secours en anglais et en arabe, un guide technique qui explique comment contourner une fermeture autoritaire d’Internet (comme celle en Égypte pendant le printemps arabe), un serveur proxy pouvant être utilisé pour cacher une adresse IP et la localisation d’un ordinateur, ainsi qu’une petite .png du slogan d’Anonymous.

En passant le document sur Google Trad, on comprend que les données de la trousse de secours sont destinées à aider les civils à se connecter et à partager des informations dans le cas d’une éventuelle coupure d’Internet. Les documents expliquent comment activer Twitter sans connexion par le biais d’un simple message texte, conseillent les gens sur l’utilisation d’un fax, la construction d’une antenne wifi en aluminium et l’impression de leurs contacts e-mail au cas où ils perdraient l’accès à leur agenda virtuel. Ils les encouragent aussi à utiliser le réseau de Telecomix.

Si vous ne connaissez pas Telecomix, il s’agit d’un groupe qui croit au « datalove », la liberté d’information en d’autres termes. Telecomix installe des lignes Internet dans des zones du monde où les services à haut débit risquent de fermer. Ils étaient très actifs – et le sont toujours – en Syrie. Selon Forbes, Telecomix a temporairement piraté les moteurs de recherche des civils syriens avec un message donnant des « instructions sur l’utilisation de logiciels de cryptage et d’anonymisation comme Tor et TrueCrypt pour contourner la surveillance et la censure. »

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Le logo Telecomix

Je me suis inscrit sur la chaîne Telecomix IRC pour discuter de leurs motivations et du travail nécessaire pour défendre la liberté d’information dans des zones de conflit. Une grande partie de leurs opérations sont dédiées au contenu de leur Bluecabinet Wiki. Telecomix a lancé le Bluecabinet Wiki après avoir découvert que l’entreprise américaine de technologie Blue Coat avait vendu son savoir-faire au gouvernement syrien afin de priver le peuple syrien de leur liberté d’expression sur Internet. En guise de représailles, Telecomix a publié 54Go de notes détaillant la censure opérée Blue Coat. Bien sûr, cela a fait couler beaucoup d’encre quant aux entreprises américaines qui fournissaient des solutions technologiques et informatiques à des dictateurs.

« Batgirl », une pirate activiste de Telecomix, m’a dit qu’ils utilisaient leur Wiki pour « déceler les vendeurs et les fabricants de ce type de produits. Ces produits peuvent être aussi puissants que des armes s’ils se retrouvent entre de mauvaises mains. » Seize entreprises de cyber-sécurité et de surveillance du web israéliennes ou ayant des bureaux en Israël sont fichées sur le Wiki de Telecomix. L’une d’entre elles, Allot, a vu le cours de ses actions s’effondrer en décembre dernier après avoir brisé un embargo commercial entre Israël et l’Iran en vendant ses techniques de régulation de la circulation à l’Iran.

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Batgirl m’a expliqué que lorsqu’une entreprise se faisait prendre après avoir vendu ses produits à un État potentiellement dangereux, les amendes restaient minces et n’étaient donc pas suffisamment dissuasives. De toute évidence, Allot est encore une entreprise qui roule, à l’heure actuelle. Batgirl a ajouté que pour esquiver les embargos commerciaux ou les lois fédérales, « beaucoup d’entreprises utilisent des distributeurs et des revendeurs issus de pays qui n’ont pas instauré de sanctions contre la Syrie ou l’Iran. Ainsi, elles peuvent vendre leurs produits à la Russie, à la Chine ou à l’Inde, qui pourront ensuite les revendre à la Syrie ou à l’Iran. Ces entreprises ont des partenariats avec des distributeurs qui jouent le rôle d’intermédiaires.

Quand j’ai demandé pourquoi Telecomix utilisait des lignes commutées, outre le fait qu’elles procurent une connexion de secours en cas de blocage général du réseau, Batgirl m’a répondu : « Les lignes téléphoniques sont plus difficiles à fermer, surtout lorsque le gouvernement lui-même en a besoin. » Cependant, les lignes commutées ne sont pas totalement sécurisées. Dans une publication de Telecomix expliquant aux habitants de Gaza comment se connecter, on peut lire : « Les lignes Telecomix ne sont pas sécurisées contre les écoutes téléphoniques. Il est important de prendre ses précautions et de coder toute information. »

Une capture d’écran d’un document de Telecomix destiné à la bande de Gaza expliquant comment se connecter

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Malheureusement, si personne ne déclare publiquement quelque chose du genre : « Telecomix m’a sauvé de la censure et grâce à eux, je peux délivrer des infos qui vont sauver le monde ! », il est difficile de mesurer l’efficacité du combat de Telecomix contre la censure. Selon eux, leurs lignes commutées sont fonctionnelles et rendent service à pas mal de monde.

Au-delà des attaques sur les sites israéliens et la création d’une infrastructure téléphonique indépendante, les pirates activistes travaillent aussi sur une autre manière d’aider les Gazaouis et veulent diversifier les actions d’#OpIsrael. Un membre d’Anonymous avec qui j’ai parlé travaille avec un médecin qui possède plusieurs centres médicaux afin d’envoyer des médicaments à Gaza. Principalement des antibiotiques et des médicaments de base.

Si cette explosion virtuelle entre Gaza et Israël est récente (bien que ce soit l’un des plus anciens conflits de la Terre), déclarer une guerre en ligne fait partie de la routine des pirates activistes. Dès les premiers bombardements, Anonymous et Telecomix étaient prêts à utiliser les mêmes techniques qu’ils ont utilisées pour le Printemps arabe et qu’ils utilisent actuellement pour la Syrie. Ce qui change cette fois-ci, c’est la propagande d’Israël et du Hamas sur les réeaux sociaux. Alors que la trêve semble respectée entre Israël et Gaza, les pirates et les gouvernements vont redoubler d’efforts pour contrôler les flux d’information. En référence à l’opération fructueuse de Telecomix en Syrie, Batgirl a dit : «  Il est trop tôt pour savoir si nous pourrons faire la même chose à Gaza. »

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