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La vérité sur Flakka : la dernière « drogue du cannibale »

Sels de bain, méphédrone, krokodil – chaque année, les médias diabolisent une nouvelle substance pour justifier l'acte d'un dégénéré.

Matthew Kenny, arrêté par la police après avoir supposément consommé du Flakka

Cet article a été initialement publié sur VICE Espagne

Une nuit, il y a environ trois ans, j'étais assis devant mon ordi quand un ami a commencé à m'envoyer des images d'un mec croquant littéralement la tête d'un pauvre gars. Ces photos prises au bord d'une autoroute américaine m'ont complètement ahuri. C'était les premières images du Cannibale de Miami, aujourd'hui décédé.

Même si les narcotiques n'avaient rien à voir avec cet incident, je savais qu'il allait être utilisé par les médias mainstream comme une arme dans leur lutte contre la drogue et les personnes qui en consomment. Malheureusement, les médias semblent avoir des difficultés à trouver un meilleur moyen que les drogues pour expliquer ce qui peut pousser une personne à ronger le visage d'un autre.

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La presse a rapidement rapporté que le cannibale était un toxicomane sous l'emprise d'à peu près tout et n'importe quoi. Les premiers commentaires ont émis l'hypothèse qu'il avait pris du crack, mais il y a bien assez de fumeurs de crack aux États-Unis pour prouver que ça ne rend pas les gens cannibales. Un autre reportage a évoqué le krokodil, une drogue qui ronge la chair. Mais ce truc ronge la chair de ses consommateurs, sans pousser ces derniers à manger celle des autres pour autant. Au final, tout le monde est tombé d'accord sur le fait que cela devait être dû à drogue dont presque personne n'avait entendu parler auparavant – et c'est tombé sur les sels de bain.

Les sels de bain sont un tas de nouvelles drogues semi-légales qui ont été étiquetées et distribuées sous ce nom. Elles ont également été vendues en tant qu'« engrais pour plantes » ou « encens », mais « sels de bain » est de loin l'appellation la plus répandue. Durant la semaine de l'attaque à Miami, des articles sur les sels de bain ont commencé à sortir un peu partout. La plupart du temps, ces articles étaient accompagnés d'images de vrais sels de bain, ce qui a contribué à alimenter l'hystérie au sein d'une société qui n'est pas particulièrement éclairée sur les drogues. Voici plus ou moins comment les sels de bains sont devenus des drogues « réelles ».

Cependant, la médecine légale et quelques nerds scientifiques se sont demandés comment il avait seulement été possible pour les médias d'avoir réussi à identifier les sels de bain comme étant à l'origine de cet acte cannibale. Cela paraissait d'autant plus étrange qu'à ce moment, personne n'avait vraiment eu d'informations sur cette drogue. Par conséquent, les médias ont décidé de spéculer sur les substances spécifiques que pouvaient contenir ces sels de bains. Et unanimement, ils en sont venus à admettre la présence probable de MDVP, aussi connue sous le nom de méthylènedioxypyrovalérone.

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Quelques jours plus tard, les médecins légistes rendaient publics les résultats de l'autopsie de l'agresseur de Miami : le « cannibale » n'avait aucune trace de drogue dans son sang. L'attaque n'avait rien à voir avec une quelconque came, mais en l'espace de quelques jours, toutes sortes de vidéos sur le « cannibale drogué » sont apparues sur YouTube. Des vidéos sinistres, montrant des gens s'attaquant à d'autres personnes en essayant de les manger. Mais aucune de ces vidéos ne montrait la moindre trace de drogue.

Tout le monde s'est mis à parler de Flakka il y a quelques mois, après que quelqu'un a mis en ligne la vidéo d'une jeune femme dansant et remerciant le ciel d'avoir apporté la pluie. OK, je veux bien l'admettre, elle n'avait pas un comportement particulièrement normal – mais cela pourrait être attribué à bien d'autres causes. Elle n'est pas la première personne à apprécier de se faire rincer par une averse. Ça ne signifie pas nécessairement que cette femme est sous l'emprise d'une drogue obscure.

Cependant, la vidéo a été postée avec le titre de « Flocka Is Destroying USA » [sic] . En un rien de temps, toutes les vidéos montrant des gens faisant de la merde ont commencé à être brandies comme des cas d'usages de drogue. C'est aussi à ce moment que la drogue a changé de nom, pour passer de « flocka » à « Flakka ». Les médias Nord-Américain ont suggéré que ce mot était un dérivé de l'expression latino « la flaca » (qui désigne une jolie fille mince).

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Les médias ont commencé à parler de gens devenus hyperactifs et désorientés ; des gens en état de trouble psychique, avec des discours incohérents et un million d'idées contradictoires ; des gens qui se déshabillaient et couraient dans la rue jusqu'à souffrir d'hyperthermie – et bien évidemment, des gens doté d'une « force surhumaine », ce qui est l'excuse principale utilisée par la police pour justifier ses attaques à balles réelles.

VIDÉO ASSOCIÉE : Sisa, la cocaïne du pauvre

Même sans preuve d'usage de drogue dans ces incidents, les médias ont identifié une substance qu'ils pensent liée à ces événements : l'alpha-PVP, aussi connue sous le nom de alpha-pyrrolidinovalerophenone. La drogue existe depuis plusieurs décennies et a un « grand frère », généralement nommé le Catovit.

Le Catovit est un stimulant qui combine un ingrédient actif avec quelques vitamines. Une drogue de choix pour les étudiants qui peuvent se l'obtenir facilement. Le Catovit est la proline de cette « nouvelle drogue » rebaptisée Flakka par les médias. D'ordinaire, il s'agit d'une proline ajoutée à un atome d'oxygène. En fait, l'alpha-PVP peut être chimiquement appelé proline beta ketone ou « kattovit oxygéné » – et pour ceux qui ne comprennent pas la chimie, le procédé revient à changer le pneu de votre voiture : ça va faire le même effet, mais difficile de savoir si cela sera mieux ou pire.

Ajouter un atome d'oxygène à une molécule diminue son potentiel. Par exemple, l'atome d'oxygène de l'éphédrine, une fois réduit, fabrique une méthamphétamine considérablement plus puissante. Après tout, c'est ainsi que sont recherchées les nouvelles drogues : la molécule active est trouvée, puis tous les changements possibles sont exploités. Le but est d'obtenir un autre composant qui fasse plus ou moins le même effet, mais qui requiert une plus faible dose, ou dont les effets durent plus longtemps.

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La transformation du Catovit en Flakka. Réalisé par Raúl Martínez.

Quand la forme officielle de la MDVP a été interdite, une des nombreuses drogues qui est venue la remplacer est l'alpha-PVP. Elle est issue du même groupe chimique (méthylènedioxy), mais n'est pas incluse dans la liste proscrite car elle n'est pas considérée comme étant un équivalent chimique. En conséquence, les vendeurs de legal highs se sont penchés dessus – et les médias aussi. Ils ont remplacé leur précédente campagne de la « drogue des cannibales » par une nouvelle. Vous pouvez donc vous attendre à subir une nouvelle vague d'hystérie au sujet d'une drogue qui confère une force surhumaine.

J'ai déjà consommé des drogues comme le Catovit et la MDPV, mais je n'ai jamais essayé l'alpha-PVP – et ça ne m'intéresse pas particulièrement. Mais si je devais le faire, j'aurais exactement la même approche qu'avec les autres substances : je me renseignerais un peu dessus, je chercherais à savoir comment la doser, ne serait-ce que pour éviter de me retrouver à bouffer la tronche de quelqu'un.

Un garçon suspecté d'être sous l'emprise du Flakka.

Évidemment, les médias ont monté beaucoup de campagnes effrayantes au sujet des drogues, mais cela ne signifie pas qu'il n'y a aucune part de vérité là-dedans. L'hypothermie (qui peut être fatale), la paranoïa, des hallucinations déplaisantes sont toutes des réactions issues d'une forte dose de stimulants.

Mais le fait est que ces substances, qui sont bien plus dangereuses que les drogues classiques, ne se retrouveraient pas entre les mains du public s'il n'y avait pas eu d'interdiction. Personne n'achète un dérivé quand la substance originale est disponible. Aujourd'hui, n'importe qui peut se retrouver en possession de milliers de substances qui n'auraient jamais été disponibles auparavant. Les nouvelles drogues, comme le « Flakka » tuent davantage que les anciennes, mais tout cela se fait désormais légalement. Un grand pas pour la société.