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La ville de Deer Trail vient d’inventer la chasse aux drones

Pas question de se laisser filmer par les caméras du gouvernement.

Un poste de pilotage de drones. Photo via.

Personne n’aime les drones. Telles des ptérodactyles-cyborgs nourris à la haine, ces machines de mort automatisées survolent les villes du Pakistan et les chaînes montagneuses du Yémen, semant la terreur en éliminant des civils et en ratant fréquemment leur cible.

Mais les drones tueurs ne sont pas les seuls à poser problème. Les drones sont de plus en plus utilisées pour assurer la sécurité intérieure : l’Angleterre a dépensé 2 millions de livres pour assurer une surveillance aérienne lors du sommet du G8 et les États-Unis viennent d’autoriser leur utilisation à des fins commerciales. Comme on pourrait s’y attendre, depuis l’affaire Snowden, l’idée selon laquelle le gouvernement pourrait balancer des caméras volantes à peu près n’importe où et à tout moment fait chier pas mal de gens, à juste titre. Certaines personnes ont décidé qu’il était temps de faire quelque chose et Philip Steel, de Deer Trail dans le Colorado, est l’une d’elle.

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Philip a présenté un projet d’ordonnance municipale qui vise à autoriser les habitants de Deer Trail à abattre les drones, et même à les récompenser grassement lorsqu’ils le font. L’ordonnance a été présentée devant le conseil municipal une première fois en août, mais elle a été rejetée par un vote de trois pour et trois contre. Un nouveau vote est prévu pour le 8 octobre et tous les médias américains ont relayé l’histoire, notamment parce que selon Kim Oldfield, une employée de la mairie, cette fois, la loi a toutes les chances de passer.

Philip est un passionné de gros calibres qui appelle à la guerre civile et un anti-Obama primaire. Il y a donc un paquet de chances qu’il fasse partie des types bien ancrés à droite qui gonflent les rangs de la NRA qui ont tendance à me foutre la gerbe, mais j’aimais bien l’idée d’une bande de types en chapeau coursant des drones avec leurs fusils de chasse dans l’Ouest sauvage. Je la trouvais étrangement romantique. J’ai donc décidé de l’appeler pour connaître les détails de sa proposition.

Philip Steel

VICE : Salut Philip. Avant qu’on entre dans les détails de la chasse aux drones, vous pouvez me dire d’où vous est venue l’idée ?
Philip Steel : Ouais. En septembre 2015, l’Administration de l’aviation civile (FFA) va mettre en place de nouvelles directives pour que ce qu’elle appelle « l’espace aérien navigable » soit élargi jusqu’au niveau du sol. C’est vraiment un gros problème. En gros, ça veut dire que tout objet évoluant dans cet espace – et pas uniquement l’aviation traditionnelle, comme c’est le cas actuellement – sera sous juridiction fédérale. Selon cette définition, lorsque quelqu’un fera du tir ou jouera au baseball, les projectiles seront dans l’espace aérien navigable. Pour construire un bâtiment, il faudra une permission gouvernementale. Ça outrepasse complètement les droits de notre état.

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Et l’ordonnance concernant la chasse aux drones est une réaction à ça ?
Le but de cette ordonnance est avant tout de réclamer la souveraineté totale et notre suprématie sur l’espace aérien de la ville de Deer Trail, Colorado, soit un espace d’environ 2,6 km2 et d’environ 500 habitants. Nous nous déclarons souverains de notre espace aérien, jusqu’à une altitude de 305 mètres.

Et que viennent faire les drones là-dedans ?
Notre devise, c’est : « Si vous ne voulez pas voir vos drones détruits, ne passez pas par ici. » On délivre des permis de chasse au drone. Quand on apercevra des drones, on les abattra avec nos fusils. Je ne parle pas des drones Predator à 25 millions de dollars, qui volent à plus de 300 mètres d’altitude. Je parle des petits, ceux qui font la taille d’un oiseau. Ils volent près du sol. Ils sont destinés à la surveillance. Ils sont équipés de technologie thermique et peuvent quasiment voir à travers les murs.

Une vidéo de promotion du laboratoire de recherche de l’US Air Force, qui montre le genre de drones de surveillance dont Philip veut empêcher la propagation.

Vous avez peur que ce genre de surveillance se développe à grande échelle ?

Voilà le problème : on pourrait très bien faire confiance au gouvernement, ce qui n’est pas le cas, mais les criminels aussi pourraient utiliser des drones pour surveiller le quartier. Les pédophiles pourraient s’en servir pour prendre des gamins en photo. Les terroristes aussi pourraient faire de la reconnaissance ou conduire des attaques chimiques ou biologiques. Les grosses entreprises s’en serviront pour collecter des données sur leurs clients. L’ordonnance fixe des lignes de conduite très précises sur le type d’armes à feu et de munitions qui peuvent être utilisées contre des drones, ainsi que les méthodes d’approche.

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OK, je comprends. Et comment ça marche, les récompenses ?
On reçoit une récompense de 25 dollars pour un morceau de drone. Un drone entier, c’est 100 dollars. On appelle ça des trophées, dans l’ordonnance, et la ville peut s’en servir pour se faire de la publicité.

Si je comprends bien, l’ordonnance légalise le tir sur des objets non-habités volant à moins de 305 mètres d’altitude au-dessus de Deer Trail, et l’encourage financièrement ?
Oui, elle en fait même un sport. En fait, elle crée une nouvelle discipline sportive. On va organiser des événements de tir avec de faux drones, qu’on va descendre. C’est fou le succès que ça a. Les journaux et les télés de tout le pays en parlent déjà. J’ai même fait chier la FAA. Elle a sorti une déclaration disant que les sanctions qui s’appliqueront aux personnes tirant sur des véhicules volants non-habités seront les mêmes que celles concernant les vols habités : c’est la prison, et tout.

Ça ne vous inquiète pas plus que ça ?
Parce que c’est normal qu’un drone vole au-dessus de chez vous pour vous surveiller ? C’est normal ? On est censé accepter ça ? Notre révolution a commencé à cause d’une taxe débile sur le thé. Là, on parle de quelque chose de beaucoup plus important.


Le permis de chasseur de drone. Cliquez sur l’image pour l’agrandir.

C’est sûr, mais c’est un crime fédéral d’abimer une propriété du gouvernement. On peut faire de la prison si on cause plus de 10 000 dollars de dégât. Comment vous allez gérer ça ?
Aujourd’hui, on peut faire de la prison pour n’importe quoi, dans ce pays. Voilà le problème : le président Obama a déclaré la guerre a ses propres concitoyens. Il a assassiné quatre Américains [dans des attaques de drones], sans que ça donne lieu à un procès, et sans aucune possibilité de saisir la justice. Il a décidé seul d’utiliser des drones pour tuer des gens de son pays. D’accord, il n’étaient pas sur le sol américain, mais devinez quoi ? La constitution américaine s’applique à tous les ressortissant américains, qu’ils soient aux États-Unis ou pas.

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En gros, vous dites que puisque le gouvernement ne respecte pas la loi, vous n’avez pas à le faire non plus ?
Il nous a déclaré la guerre, donc on répond. Il a tiré le premier. Le deuxième amendement existe pour qu’on puisse s’opposer à un gouvernement tyrannique. Obama est un tyran, c’est un ennemi de la liberté, un ennemi des hommes libres où qu’ils soient dans le monde. J’ai un point de vue bien précis sur la question. Il y a trois ans, ma maison a été détruite. Le gouvernement a attaqué ma maison. Je n’ai jamais été accusé de quoi que ce soit ; c’était complètement illégal.

Qu’est-ce qui s’est passé ?
 Une centaine de policiers sont arrivés chez moi. Ils avaient apporté trois snipers et une mitrailleuse. Ils cherchaient un livre, l’Anarchist Cookbook – un livre que je n’ai pas et que je n’aurai jamais. Ils ont causé environ 15000 dollars de dommages à ma maison. Il n’y a pas eu de procès ni rien. Je ne peux pas les poursuivre pour les dégâts à cause du Patriot act. Donc ils peuvent faire ce qu’ils veulent.

Putain, ça craint. Ça fait longtemps que Deer Trail en veut aux drones, ou cette contremesure vise plutôt à anticiper un problème futur ?
On prend position. C’est une position très symbolique, mais quelle position ! Ça ne m’a pris que quatre heures, un samedi soir, pour écrire l’ordonnance et d’un coup, une semaine plus tard, le monde entier en entendait parler ! C’est très puissant, ça veut dire qu’il y a quelque chose, derrière tout ça. Les drones ne sont pas encore là mais ils vont arriver, par millions, dans tout le pays.

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Philip a anticipé l’adoption de l’ordonnance et a déjà lancé la construction de son site, dronesshooters.com

Vous pensez que d’autres villes vont se mettre à la chasse aux drones ?

Oh oui. Plus d’une dizaine de villes m’ont déjà interrogé sur le sujet. C’est énorme. Je voudrais continuer à réveiller les esprits. Edward Snowden a sacrifié sa vie pour dire au monde entier que les États-Unis espionnaient tout le monde, y compris ses propres citoyens. Je ne veux pas que le gouvernement m’espionne. Je ne veux pas que des grosses entreprises m’espionnent. On a droit à notre vie privée.

Les habitants de Deer Trail sont les seuls à avoir demandé des permis ?
Non, on a des centaines de demandes qui ne viennent pas de l’état – des milliers, même. Je vais le dire au gouvernement, dans les yeux : en ce qui me concerne, ils ont déclenché une guerre civile. S’ils veulent la guerre civile, qu’ils sachent que je compte me battre contre eux, de toutes mes forces.

D’accord. Merci Philip, et bonne chance pour la lutte.

Matthew est sur Twitter : @matthewfrancey

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