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Le ciné-club du lycée - La Cité de Dieu

S'il fallait dépeindre une image stéréotypée du Brésil, elle ressemblerait probablement à un athlète huilé au monoï qui fait de la capoeira la journée et va bootyshaker en...

S'il fallait dépeindre une image stéréotypée du Brésil, elle ressemblerait probablement à un athlète huilé au monoï qui fait de la capoeira la journée et va bootyshaker en baile funk la nuit tombée, dans l'espoir de ramener une fille qui n'en est pas vraiment une dans sa chambre ornée d'un poster de Pelé. Heureusement qu'outre dans l'imaginaire de quelques français, il n'existe rien de tel et Fernando Meirelles a préféré choisir les gangsters d'une favela pour servir son premier film de renommée internationale, La Cité de Dieu.

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Il ne m'a pas fallu chercher très loin pour comprendre comment le film d'un illustre inconnu avait pu séduire des générations de lycéens en voyant les critiques dire que la mise en scène évoquait la « fureur violente de Scorsese » de même que les « effets chocs de Tarantino », soit les deux plus grands réalisateurs à afficher en salle de perme pour faire preuve de son bon goût cinématographique. À vrai dire, je ne me rappelais pas de grand chose, à part le fait que les brésiliens utilisent du vrai papier (du papier, comme du papier) pour rouler leurs joints, et de plusieurs vagues scènes d'enfants qui s'entretuent sur un fond musical empreint de bossa nova. Maintenant que je l'ai revu, je crois que c'est un parfait résumé.

Le film suit l'évolution d'une favela marquée par une violence croissante pendant trois décennies, en se centrant sur plusieurs protagonistes. Les plus importants sont Lil' Dice (Petit Dé en français, ce qui lui enlève facilement 20 points de crédibilité rue), et Buscapé aka « Rocket », qu'on pourrait décrire respectivement comme le dangereux sociopathe qui ne connaîtra jamais l'amour et l'artiste en devenir qui réussira à s'en sortir grâce à sa passion brûlante pour la photographie.

Lil' Dice nourrit l'objectif de devenir le plus grand criminel de Rio et commence à gravir les échelons en rendant quelques petits services aux gangsters locaux. De son côté, Rocket passe son temps à louper toute occasion de perdre sa virginité et prendre des jolis clichés de vacances.  Les scènes finissent par devenir tellement brutales qu'on ne sait plus vraiment qui tue qui—c'est souvent Lil' Dice devenu Zé Pequenho, représentation humaine du mal, qui se charge de plomber le cul de tous ses comparses— pendant que les barons du quartier distribuent des pistolets comme des friandises à des gamins tragiquement déterminés. Ça ressemble parfois à un gros chaos clippesque mais c'est franchement pas mal, contrairement à ce que ma mauvaise foi a voulu me faire croire. Peut-être aussi que je suis trop attachée aux fictions sur les gangsters —qu’elles impliquent des pères de famille du New Jersey ou des jeunes qui croupissent dans les rues ocres de la ville merveilleuse— pour être honnête.

Le film a donné suite à une série télé qui s'intitule très poétiquement La Cité des hommes, et j'ai probablement tort d'avoir la flemme de la regarder. Depuis que j'ai vu le réalisateur se réorienter dans le thriller mélodramatique avec The Constant Gardener, j'ai quelque peu perdu contact avec son actualité professionnelle.

Il paraît qu'il est impossible de revoir un même film une deuxième fois, parce que même s'il ne change pas d'un plan, son spectateur n'a de cesse d'évoluer. Mais entre ces deux séances espacées de six ans, j'ai beau avoir eu mon baccalauréat, m'être plongée dans la jungle des études supérieures et eu un bref aperçu de la cruelle bassesse du monde du travail, j'en pense toujours la même chose et je pourrais presque écrire les mêmes lignes en 2017. Si jamais les lois spatio-temporelles venaient à s'effondrer, ma constante s'incarnerait dans un DVD de Fernando Meirelles.

PAZ DE LA MUERTA