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Le gouvernement ukrainien a envoyé le SMS le plus orwellien de tous les temps

1984, en 2014.

Les manifestants ukrainiens sont maintenant sous surveillance téléphonique. Image : Wikipédia.

« Cher abonné, vous êtes enregistré comme participant à un trouble massif à l'ordre public. »

C'est le message qu'ont reçu les milliers de manifestants ukrainiens sur leurs téléphones portables, suite à la promulgation de la loi interdisant les manifestations publiques. Ce sont les autorités qui ont envoyé ce texto dystopique qui accompagne la loi totalitaire nouvellement promulguée. Ce texto est carrément orwellien (et c'est un adjectif que j'utilise seulement pour qualifier une force majeure de totalitarisme, c'est-à-dire quasiment jamais).

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Mais c'est bien le cas : la technologie est utilisée pour cibler la dissidence. Un article du New York Times relève que « le gouvernement ukrainien s'est servi d'une technologie téléphonique pour géolocaliser des téléphones portables utilisés près des zones d'affrontements entre les policiers et les manifestants mardi dernier ». Près des zones d'affrontements : si un habitant lambda a le malheur d'utiliser son téléphone portable aux abords du conflit, il se retrouvera sur la liste noire du gouvernement.

Kiev se déchire en ce moment même, mais puisqu’on commence à saturer de toutes ces manifestations, émeutes et révolutions qui se passent depuis quelque temps dans le monde entier, ce conflit est traité en second plan par les médias. Bien que plus d'un million de gens soient dans les rues à protester, à camper dehors et à combattre le régime ukrainien de plus en plus totalitaire et répressif, les nouvelles concernant cet événement sont reléguées timidement, dans l'ombre des news vedettes telles que la vie privée du président Hollande ou le vortex polaire qui touche les États-Unis. Et ça, même si les manifestants construisent des catapultes, portent des armures médiévales et mettent le feu à des camions et des pneus.

Ces derniers jours, l'opposition a fait état de cinq morts pendant les émeutes – dont quatre tués par balles – et de 1700 blessés. On peut s'attendre à ce que la situation s'aggrave après la publication d'un décret qui autorise la police à utiliser des grenades pour repousser les manifestants.

Si ces dernières nouvelles ne sont pas des « scoops » suffisants, espérons que celles sur la techno-sécurité utilisée par l'État va recentrer l'information sur Kiev (ce qui a été un peu le cas hier) – une technologie qui sort tout droit de 1984 de George Orwell, ou plus récemment de Elysium : la technologie déployée pour « détecter » les dissidents. Cette utilisation des nouvelles technologies semble complètement arbitraire : chaque personne se trouvant dans une zone de protestations est caractérisée comme « un participant », comme si cibler directement les participants de manière générale n'était pas suffisant.

Ce qui se passe en Ukraine rappelle à nouveau que les régimes autoritaires exploitent les mêmes technologies utilisées par certains peuples pour se libérer des régimes qui les opprimaient ; l'an dernier, en Turquie, l'État considérait Twitter comme une menace pour la société. Désormais, l'Ukraine trace directement les signaux émis par les téléphones portables. Dans le même registre, on sait également que les « dictatures » ont déjà prouvé leur capacité à censurer Internet.

Tous ces faits mettent fin à la mythologie populaire en vogue ces derniers temps qui prétend que la technologie est intrinsèquement une force libératrice – utilisée méthodiquement à des fins plus sombres, elle peut aussi devenir source d'oppression.

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