FYI.

This story is over 5 years old.

LE NUMÉRO PEINE DE MORT

Le triste sort des sorcières Ghanéennes

Pour ne pas qu'on les assassine, on les enferme dans un camp rien que pour elles.

Photo : Paul Blondé

Au Ghana, les sorcières existent. Ou du moins, il y a assez d’accusations de sorcellerie pour que quelqu’un se soit senti obligé de créer des camps afin de les protéger de l’exécution. Les plus chanceuses atterrissent donc dans l’un des six camps à sorcières du Nord-Ghana, et sont prises en charge par les chefs de village ; mais même là, leur vie est loin d’être idyllique. Awabu nous a brièvement décrit ce qui était arrivé aux 800 femmes enfermées à l’air libre dans ces camps. Awabu est dans le camp de sorcières de Gambaga depuis cinq ans. « La femme de mon fils a rêvé que je la poursuivais avec un couteau. Au réveil, elle m’a accusée de sorcellerie, et mon propre fils l’a aidée à me battre, avec sept autres personnes. » Les histoires de sorcière présumée commencent toutes pareil. Après un mauvais rêve, une maladie ou un décès inexpliqué, une accusation de sorcellerie condamne ces femmes à vie. « Ils m’ont dit : ‘‘Ce soir, on va te tuer.’’ J’ai fait semblant d’aller chercher du bois et je ne suis jamais revenue. J’ai marché huit jours dans la brousse, où j’ai dû accoucher seule, pour rejoindre le camp de Gambaga. » Autour d’elle, 80 femmes et leurs 40 enfants vivent dans le camp. C’est une sorte de village dans le village, et c’est le plus grand des six camps pour sorcières présumées encore en activité au Ghana. Ici, tout le monde vit dans des conditions rudimentaires, sans eau ni électricité. Avant la création de ces camps, les sorcières présumées étaient systématiquement brûlées ou lapidées. Mais, au début du XXe siècle, le chef du village de Gambaga a ouvert un camp afin de recueillir toutes les accusées et de leur offrir un havre de paix. Les croyances locales attribuent en effet au Gambarana – le chef du village – le don de rendre les sorcières inoffensives par sa seule aura. Celui-ci sait aussi identifier les « vraies » sorcières ; pour ce faire, il lance une pintade sacrifiée aux pieds de la femme et, si le poulet retombe sur le dos, cela signifie qu’elle est possédée. Le Gambarana peut alors l’exorciser via divers rituels. Ces femmes survivent dans ce refuge avec le strict minimum. On leur alloue une case, mais pas la nourriture. Elles travaillent sur les terres du Gambarana et lui reversent une partie des récoltes. Elles se plaignent rarement ; les femmes qui ont tenté de retourner dans leur village d’origine sont revenues mutilées ou avec une oreille coupée. Les gouvernements ghanéens successifs ont toujours pris le problème à l’envers, en réclamant – depuis vingt ans – la fermeture des camps. Pourtant, ces femmes ne sont pas prisonnières des chefs, mais des traditions ancestrales. Leur espoir unanime, c’est que leur famille vienne les chercher. Certaines attendent depuis vingt-cinq ans. Lorsque personne ne se présente, les femmes meurent de vieillesse à Gambaga. Les familles refusent de chercher le corps, et les prétendues sorcières sont mises en bière à l’église presbytérienne du village, humiliées une dernière fois.