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Les hauts et les bas de la vie de cosplayeuse

Pourquoi le fait d'endosser un costume, aussi moulant soit-il, n'est pas une invitation au harcèlement.

Depuis que cette tendance a vu le jour dans les années 1980, le cosplay est devenu un élément essentiel de la culture geek. Dans les grands événements et les conventions liés aux thèmes des jeux vidéo ou des mangas, il y a toujours au moins un défilé ou un concours de cosplay. Mais les cosplayers connaissent aussi leur lot de soucis : de plus en plus de cas de harcèlement ou d'agressions sexuelles sont recensés. S'il n'y a pas de chiffres officiels, la situation a déjà semblé suffisamment critique pour que des pétitions se mettent à circuler afin de faire pression sur les organisateurs des conventions pour qu'ils résolvent le problème.

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En 2013, à l'Anime Expo de Los Angeles, les Cosplay Deviants ont tenu un stand intitulé Cosplay Is Not Consent afin d'attirer l'attention sur ce problème. Nous avons discuté avec Vivid Vivka, une des mannequins de Cosplay Deviants, pour lui demander ce qu'elle pensait de ce côté obscur du cosplay.

VICE : Quand as-tu commencé le cosplay, et pourquoi ?
Vivid Vivka : Quand exactement, c'est difficile à dire. Je dirais que j'ai commencé lors des soirées d'Halloween, qui étaient toujours un prétexte pour me déguiser et incarner mes personnages préférés. Je me souviens avoir sauté au plafond quand j'ai découvert qu'il existait une communauté de gens qui aimaient se déguiser – en plus d'être composée de personnes aussi merveilleuses qu'attachantes. C'est au sein de la communauté des cosplayers que j'ai rencontré les gens les plus incroyables, gentils, dingues et débrouillards que je connaisse.

J'ai commencé à me déguiser parce que j'aime cette transformation que permet le cosplay. On regarde des films, on joue à des jeux, et on s'attache aux personnages. Il arrive que l'on soit profondément touché par leur personnalité, leur attitude, ou même leur style. Du coup, quand on enfile le costume pour la première fois, après avoir passé beaucoup de temps à le réaliser, on ressent quelque chose de très fort. J'essaye toujours de me demander comment un personnage marcherait, comment il répondrait aux questions, comment il poserait pour les photos. On se déguise, c'est certain – mais le cosplay, c'est bien plus que ça.

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Vivid Vivka en Belldandy de Ah ! My Goddess. Photo via Vivid Vivka

Quand as-tu rejoint Cosplay Deviants ?
En 2011. J'ai tout de suite adoré. J'aime poser nue – j'avais commencé ma carrière il y avait déjà un petit moment. J'aime le cosplay. Et là, on m'apprend qu'une entreprise cherche des gens pour faire les deux. Parfait. Où est-ce qu'on signe ? J'ai fait plusieurs shootings depuis, j'ai figuré dans leurs livres, leurs magazines, leurs calendriers, et je suis allée à plusieurs conventions en tant que membre de leur équipe.

Tu as subi du harcèlement dès le début, ou c'est quelque chose de plus récent ?
Au début, mes costumes étaient plutôt inspirés de personnages d'horreur : des zombies, Pyramid Head de Silent Hill, etc. Les gens évitaient de m'approcher ! Mais en grandissant, et après avoir entamé ma carrière de mannequin, j'ai pris confiance en moi et j'ai commencé à me sentir mieux dans ma peau. J'ai commencé à endosser le rôle de personnages aux tenues plus osées, comme des super-héroïnes dans des combinaisons moulantes. Mon corps n'est pas parfait, mais je me sentais à l'aise et de moins en moins timide. J'ai fini par me dire que je me fichais de ce que les gens pouvaient penser !

À cet égard, les gens sur internet sont quand mêmes souvent durs. On poste une photo, et tout le monde veut partager son opinion. Si je gagnais un euro pour chaque commentaire où on m'a traité de grosse, de moche, de travestie ou je ne sais quoi, je serais incroyablement riche. On reçoit continuellement ce genre de messages insultants. En vrai, c'est autre chose. Mais il y a aussi des formes de harcèlement. Des gens me demandent s'ils peuvent poser avec moi pour une photo, et au moment où elle est prise, me touchent les fesses « pour rire ». D'autres me disent des choses obscènes, me font des propositions indécentes, et finissent par : « Je rigole ! Mais si ça te dit… » J'ai l'impression que beaucoup de gens ont du mal à se rendre compte qu'ils dépassent les bornes. Ils ne réalisent pas à quel point ce qu'ils disent ou font est blessant, bizarre ou répugnant. Tout ce qu'ils voient, c'est un personnage, qu'ils connaissent, qu'ils aiment, et ils oublient que sous le costume, il y a une personne. C'est pourquoi nous sommes là pour rappeler aux gens que ce n'est pas parce qu'on se déguise qu'on est là pour les aider à réaliser leurs fantasmes.

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Vivid Vivka en Joker. Photo via Cosplay Deviants

À chaque convention, il nous arrive des trucs comme ça. Le pire, c'est quand la fille ne dit rien. Je pense vraiment que la plupart des gens ne se rendent pas compte que ce qu'ils font est mal, et si personne ne le leur fait remarquer, comment peuvent-ils prendre en prendre conscience ? Ça a tout changé pour moi quand j'ai arrêté d'être timide et que j'ai appris à savoir dire « non ».

Ce n'est pas juste un problème d'attouchements. Oui, quelque fois, on nous touche « accidentellement » un sein ou une fesse. Ou pire, il arrive que des mecs prennent une fille sur leurs épaules et partent avec. C'est flippant. Ne faites pas ça. Ça n'a rien de mignon. C'est terrifiant. Bref, le truc, c'est que c'est aussi difficile psychologiquement. J'ai déjà travaillé pendant des mois sur des costumes, pour au final me faire traiter de salope par d'autres filles. Une fois, une fille qui cosplayait le même personnage que moi m'a dit que j'étais la version cochonne, juste parce que j'avais une plus forte poitrine qu'elle. On se prend tout un tas de remarques : personne n'est foutu comme un personnage de manga ou de jeux vidéo, c'est normal. Mais pour autant, on devrait pouvoir se déguiser en qui on veut, même si on a des hanches plus larges, des jambes plus courtes, des seins plus petits, ou même si on est pas de la même couleur que le personnage. Le cosplay, c'est avant tout l'amour du personnage et le plaisir de la constitution du costume. Les gens ne voient que l'aspect joyeux, le produit fini et les sourires devant l'appareil photo. Mais les cosplayers se donnent beaucoup de mal pour peaufiner les moindres détails, et toutes ces remarques sont profondément blessantes.

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Vivid Vivka en Mad Moxxi de Borderlands 2. Photo : Enrique Malfavon

On t'a déjà dit ou fait des choses vraiment choquantes ?
Une fois, je cosplayais Mad Moxxi de Borderlands 2, un personnage avec de gros seins. Un couple est passé, et le type a voulu poser avec moi parce qu'il adore le jeu et le personnage. Au moment de prendre la photo, j'ai entendu sa copine dire qu'il n'avait pas besoin de poser avec des « salopes répugnantes. Je croyais que tu aimais les vraies femmes ». Ça m'a détruite. Je ne lui avais rien fait. En quoi n'étais-je pas « vraie », pas authentique ? En quoi étais-je une salope ? Je correspondais au personnage, et j'essayais juste de passer un bon moment. Elle a dû voir mon visage se décomposer, parce qu'elle a grommelé des excuses qui paraissaient peu sincères. Surtout, elle ne les adressait pas à moi, la fille sous le costume, la personne à qui elle venait de cracher au visage en pensant uniquement parler à un personnage.

En dehors de ça, on m'a fait un nombre incalculable d'avances. Un type a même osé glisser une clé dans ma poche, et m'a murmuré le numéro de sa chambre d'hôtel et l'heure à laquelle je pouvais l'y rejoindre. Je suis allée voir les cosplayers les plus baraqués que j'ai pu trouver, et je leur ai donné la clé et l'heure de « rendez-vous ». Je me demande comment cette histoire a fini.

Ce genre de choses t'a déjà donné envie d'arrêter le cosplay ?
Il y a eu des moments difficiles. Trop de commentaires agressifs sur Facebook, trop de remarques dégradantes, trop de gestes déplacés. Mais j'aime tellement ce que je fais. Il y a des hauts et des bas, il y a des gens qui nous gâchent un peu le plaisir, mais d'un côté, la communauté m'a tant apporté. Les autres cosplayers sont attentionnés et très compréhensifs, on partage la même passion, la même excitation à l'approche d'une convention. J'ai même de gros coups de blues quand elles se terminent. Je ne peux pas arrêter. Mais je ne veux pas avoir à supporter toutes ces formes de harcèlement pour autant, et c'est pourquoi j'espère que les gens vont prendre conscience de la portée de leurs gestes et de leurs paroles.

Vivid Vivka en Fionna d'Adventure Time.

Quel est le meilleur moyen de lutter contre ce genre d'abus ?
Il ne faut pas hésiter à se défendre. « Non » est un mot puissant, et il ne faut pas avoir peur de le dire. Il ne faut pas laisser les autres nous pousser à faire quelque chose que nous ne voulons pas faire. Quelqu'un vous parle mal ? Dites-lui d'aller se faire voir. Vous n'êtes pas obligé de poser avec. Quelqu'un vous touche ou se tient trop près de vous ? Prévenez la sécurité. On n'est jamais tout seul. Il y a plein de personnes qui sont là de notre côté. On peut sensibiliser les gens pour créer une atmosphère plus saine pour les cosplayers. Mais il faut être bons les uns envers les autres.