Les Koweïtiens utilisent les sciences molles pour mettre au point un gaydar

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Les Koweïtiens utilisent les sciences molles pour mettre au point un gaydar

Mais a priori, ils ne comptent pas l’utiliser pour repérer et séduire des personnes du même sexe.

Le drapeau du Koweït par la fédération LGBT, via wikimedia

Le petit État du Koweït, situé dans le Golfe persique entre l’Arabie saoudite, l’Irak et l’Iran, veut mettre au point un « gaydar », une méthode sélective qui permettra de s’assurer qu’aucun expatrié gay ne pénètre dans l’enceinte du pays.

On doit ce plan tordu au directeur de la santé publique au sein du ministère de la Santé, Yousuf Mindkar, en charge de superviser les examens médicaux que passent les expatriés avant d’entrer dans un des pays faisant partie du Conseil de coopération des États arabes du Golfe : le Bahreïn, le Koweït, l’Oman, le Qatar, l’Arabie saoudite, et les Émirats arabes unis. Soit des pays qui considèrent l’homosexualité comme une infraction pénale. Au Koweït, un acte homosexuel peut vous valoir jusqu’à 10 ans de prison. Dans certaines des riantes nations énumérées plus tôt, c’est un crime passible de la peine de mort.

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Mindkar veut se servir de ces examens cliniques pour lutter contre ce qui a été perçu comme une augmentation problématique de la population gay dans le pays : « Des mesures strictes vont nous aider à détecter les homosexuels, qui seront interdits d’entrée au Koweït et dans n’importe quel pays du Golfe », a déclaré Mindkar au journal koweïtien Al Rai.

Si ce gaydar aux frontières pose plus d’un problème éthique, la question qui se pose est de savoir comment mettre au point un tel outil quand on n’en dispose pas naturellement. Mindkar ne s’est pas appesanti sur la question dans son interview donnée à Al Rai, sûrement parce qu’il ne dispose pas encore d’une telle technologie. Il y a bien eu quelques tentatives boiteuses, par le passé, pour mettre au point scientifiquement et technologiquement une méthode permettant de déterminer l’orientation sexuelle des individus. L’une d’elle consiste à plonger la tête la première dans les stéréotypes ineptes, comme cette application française qui aide les mères à savoir si leur fils est homosexuel ou non : ce gaydar consiste à poser une série de questions du genre : « Aime-t-il bien s’habiller, fait-il très attention à ses tenues et aux marques ? » ou « Aime-t-il les comédies musicales ? »

Blague à part, certaines méthodes s’appuieraient sur la science pour déterminer si quelqu’un est gay ou hétéro. L’année dernière, Joshua Tabak, chercheur à l’Université de Washington, a fait les gros titres en affirmant que certaines caractéristiques physiques, comme la relation spatiale entre les traits du visage – même en effaçant des indices culturels comme la coupe de cheveux – pourraient suffire à dire, dans la majorité des cas, si la personne étudiée est attirée par les personnes du même sexe.

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« Doit-on faire confiance à notre gaydar dans la vie quotidienne ? Probablement pas », a ainsi écrit Tabak dans un article pour le New York Times, peu de temps après la publication de son étude dans le journal PLoS ONE. « D’après nos expériences, les résultats du gaydar se sont avérés 60 % du temps. Cela tend à démontrer l’existence d’un tel gaydar, même si notre méthode est largement insuffisante. »

Théoriquement, les personnes chargées de la santé publique au Koweït pourraient mélanger cette méthode et des résultats de recherches similaires pour établir un procédé de détection des gays, à mille lieues du niveau de certitude nécessaire pour interdire à quelqu’un d’entrer dans le pays.

OK, les mesures gouvernementales discriminatoires à l’encontre des gays sont monnaie courante dans le monde. Rien que cet été, la Russie a pas mal fait parler d’elle en adoptant une loi autorisant l’État à arrêter et expulser les étrangers « pro-gays » – dans ce cas précis, sont concernés tous les gestes qui pourraient passer pour un soutien à la cause homosexuelle : tenir la main d’une personne du même sexe, agiter un drapeau aux couleurs de l’arc-en-ciel ou encore, dire qu’on n’a rien contre les gays.

Mais nul besoin de faire appel à la légendaire sagesse slave pour trouver des exemples révoltants de mesures discriminatoires à l’encontre des gays : pendant 22 ans, les États-Unis ont essayé d’écarter les étrangers séropositifs. Quand Obama a levé l’interdiction il y a quelques années, il l’a justifié ainsi : « Pendant des années, on a refusé de reconnaître [le SIDA] pour ce qu’il était. C’était une maladie fabriquée pour les gays. Ceux qui étaient séropositifs faisaient l’objet de tous les soupçons. »

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Pour en revenir au Koweit, le projet de gaydar sera débattu lors de la réunion du Conseil de coopération du Golfe qui aura lieu le mois prochain. On attend avec impatience de savoir si le comité donne son feu vert à cette proposition, afin d’avoir enfin des éclaircissements sur la façon dont Mindkar compte s’y prendre.

Malheureusement, qu’importe si ce détecteur de gays consistera à demander à quelqu’un s’il aime les sports d’équipe ou à calculer le rapport hauteur-largeur de son visage, ça ne sera pas la première fois de l’histoire où l’on utilise la science molle pour justifier une forme de chasse aux sorcières enracinée dans la peur et la haine. Ça ne s’est jamais bien fini.

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