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Sexe

Dans la France des mecs qui boivent le lait du sein des femmes

La lactation érotique est une pratique sexuelle qui consiste à s'abreuver de lait maternel directement à la source.

Sachez-le. Si un jour vous prenait l'idée de réaliser comme moi une enquête au sujet des téteurs de nichons remplis de lait maternel, soyez-en sûrs : c'est compliqué. L' Adult Breastfeeding ou « lactation érotique » (attention en cliquant sur le lien si vous êtes au boulot) est en effet un truc tabou. Voire très tabou. Genre, personne n'en parle. Et rares, très rares sont les personnes que vous rencontrerez afin de discuter sérieusement de leur petite lubie.

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Comme pour tous les sujets qui touchent de près ou de loin à la pornographie, Google n'est pas non plus un ami. Tous vos résultats vous mèneront immanquablement vers un site porno quelconque et, de fil en aiguille, vous oublierez peu à peu ce que vous cherchiez au début. C'est-à-dire : de vrais gens. Néanmoins, vous apprendrez vite que comme quelques autres trucs sexuels limite, la pratique de la lactation érotique est née au Japon.

En France, la communauté d'adeptes de la lactation érotique est relativement restreinte. Comme un grand nombre de fétichismes inavouables, le site Doctissimo.com et son forum intitulé « fétichisme » recèlent néanmoins de quelques possibles pistes. En fouillant, j'y ai trouvé quelques topics sur le sujet et notamment un billet de blog écrit par une femme désemparée qui cherchait, je cite, à « réaliser le fantasme » de son mec en lui aspergeant tout son lait maternel à la face. Sur le forum, une autre femme parlait de sa libido décuplée au cours de sa grossesse, et de cette manie qu'elle avait pris « d' allaiter son homme ».

Dans le monde du journalisme, pour les sujets un peu compliqués on a toujours besoin d'un « fixeur », un mec qui nous aide à pénétrer dans l'univers inconnu qu'on essaie de découvrir. Pour cette story, mon fixeur fut en réalité une fixeuse. Elle s'appelle Kmille et tient un blog pour adultes nommé Les Dessous de Kmille. Sur son blog, elle avait laissé la parole à l'un de ses lecteurs afin qu'il parle à la France entière de sa passion pour la lactation. C'est grâce à elle que je suis rentrée dans le monde étrange et fascinant des adorateurs de gros seins gorgés de lait.

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J'ai d'abord fait la rencontre de Danny*, 56 ans. D'après ses dires, celui-ci travaille dans une grosse boîte de télécommunications. Danny est en couple depuis plusieurs années, a été marié, a des enfants, un Scénic, plus que six ans de crédit à rembourser, et une fascination durable pour l'allaitement. Sa compagne actuelle n'est pas au courant de ses penchants et pourtant, ils ne datent pas d'hier. « Ma première expérience date de l'année de mes 18 ans, me raconte Danny. Je consomme de manière hebdomadaire depuis ce jour-là. »

Danny fait partie de cette petite communauté accro à la lactation. À l'âge où certains découvrent leur sexualité, Danny était déjà au stade de la réalisation de ses fantasmes. « Vers 13 ans, j'ai commencé à être envoûté par les gros seins, et ça n'a fait que s'amplifier les années suivantes. » À 18 ans, Danny a donc eu une relation avec une femme qui venait d'accoucher. « Je lui ai demandé de prendre le sein – et depuis, je ne peux plus m'en passer », dit-il. En plus d'être lactophile, Danny est mammophile, c'est-à-dire tributaire d'une pathologie le tenant à l'écart de toute femme ayant de petits seins. Il adore les seins ronds et lourds, et cette passion troublante est à la base de toute sa sexualité. « Téter d'énormes mamelles pleines de lait décuple mon excitation, » reconnaît-il, sans le moindre embarras.

La question qui je lui pose immédiatement, c'est : où trouver des « laitières », comme Danny aime à les appeler. Il me répond sans ambages. « Sur des sites spécialisés, sur le site de rencontres Viva Street ou sur certains sites coquins. La plupart du temps, il s'agit d'amatrices qui arrondissent leurs fins de mois. Ce n'est pas facile à trouver, mais quand on cherche – et qu'on paie – on trouve. »

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La messe est dite. Mon enquête glisse doucement vers le côté sombre de la lactation érotique : la prostitution. « La dernière jeune maman m'a demandé 75 euros pour une demi-heure, m'a dit Danny. Mais comme je suis un client hebdomadaire, je préfère rester une heure, relation sexuelle incluse. » Si l'on considère qu'il a dépensé 150 euros par semaine toutes les semaines depuis ses 18 ans, Danny aurait donc déboursé 296 400 euros dans le seul but de sucer des seins. Rapidement, l'interview dévie et Danny me demande si je veux être sa laitière parce que bon, ce n'est pas parce que j'ai des petits seins que je ne peux pas être une bonne laitière. Je lui réponds que non, merci.

Cel est producteur de films pornos fétichistes et spécialisé dans les gros seins, femmes enceintes et autres fournisseuses de lait. Son site s'appelle XXCel.com. Pour lui, la perversion est un puits sans fond d'oseille. « La lactation est une niche, dit-il. Quand une nana poste une annonce, une centaine de mecs lui répondent. Il faut qu'ils trouvent un moyen de combler leur désir, et c'est là que j'interviens », explique ce mec de 30 ans qui auparavant, « bossait dans la finance ». Il me dit que même dans le monde du porno, ces pratiques ne sont pas vues d'un œil bienveillant. Cel s'en étonne. « Des meufs acceptent de se faire démonter par des bites de 35 cm, mais dès qu'on parle de femmes enceintes, tout le monde crie au tabou. On considère que je profite d'une femme en situation de faiblesse… »

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Car le tabou, justement, c'est la question la plus touchy de l'allaitement. Danny ne se sent pas trop en marge de la société. S'il ne parle pas forcément de son fantasme à son boulot ou devant sa petite amie, il l'évoque sans trop de difficulté dans son petit cercle d'initiés – ou à qui veut bien l'entendre, comme moi. Pour Cel, tout ce vacarme est lié au fait que l'allaitement est une pratique personnelle et que l'exposer reviendrait à souiller son enfant. « Je connais une actrice qui a tourné au moins 10 000 scènes. Elle vient de poster un message sur les réseaux sociaux où elle informe qu'elle "quitte le milieu" parce qu'elle est enceinte. Alors qu'elle pourrait se faire vachement de fric », se désole-t-il.

Cette théorie au sujet du fait de souiller son bébé paraît un peu simpliste aux yeux de Marie-Aurélie Druminy, psychologue clinicienne au Cabinet Hacor. « Le tabou n'est pas que sociétal, il est aussi psychique, explique-t-elle. Il y a deux tabous ultimes : tu ne tueras pas ton père et tu ne coucheras pas avec ta mère. Pour la plupart des gens, ce sont des choses impensables. » Or, la perversion passe selon elle au-dessus du tabou. « Une fois qu'on dépasse le tabou, la jouissance est absolue. La libido explose et la pulsion de vie prend le dessus sur la pulsion de mort. »

Et le cul dans tout ça ? « Ma sexualité reste assez intense, me confirme Danny. J'ai des relations sexuelles plusieurs fois par semaine avec ma compagne, je me masturbe quotidiennement et je vais voir les filles [les laitières, donc, NDLR] en privé chaque semaine. Mais la relation sexuelle ne m'intéresse au final que très peu – ce que je veux, c'est téter. »

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La femme ne serait donc qu'un sein déshumanisé et, dans ce cas précis, qu'une source du plaisir du lactophile ? C'est ce que me confirme Marie-Aurélie Druminy.

« Lorsque le fétiche est indispensable pour arriver à la jouissance, on parle alors de perversion. Il faut bien le distinguer d'un mec qui va essayer un truc avec sa nana une fois de temps en temps. Le premier ne peut pas faire autrement. » Ce fantasme bien tordu et obligatoire serait donc de l'ordre de la perversion. Oui, car la femme n'existe alors que partiellement dans la tête de l'amateur de poitrines pourvues en lait. Marie-Aurélie Druminy s'explique. « Dans le développement psychique, il y a un point d'accroche où l'enfant n'a pas encore intégré la question de la triangulation. C'est au stade œdipien que pour lui, l'autre devient un objet entier. Lorsque l'enfant dépasse cette phase, il a intégré la triangulation. Le pervers est coincé dans la phase où l'autre existe un peu, mais seulement partiellement, comme simple objet de jouissance. »

Chez les hommes pratiquant la lactation érotique, seul ce qui peut servir à leurs jouissances les intéresse. La femme en tant que personne est déshumanisée. Mais pour Marie-Aurélie, il n'y a pas que les hommes qui sont touchés par ce type de perversion. Certaines femmes, lors de l'allaitement de leur enfant, voient un désir sexuel s'éveiller en elles. « Pour les femmes excitées pendant l'allaitement, le tabou est trop fort, trop compliqué à gérer. Du coup, elles assouvissent leur fantasme. » Ces femmes sont souvent celles qui allaitent leurs enfants jusqu'à tard : quatre ou cinq ans, voire plus. Marie-Aurélie Druminy en rajoute même une couche en m'expliquant que le fantasme de ces femmes serait de coucher avec l'enfant. Elles ne sont pas pédophiles et ne franchiront jamais la limite ; mais la pulsion primaire est bien là, ancrée.

Quant au fétiche de la lactation, pour certains hommes, il peut pousser dans des retranchements obscurs, que le commun des mortels ignore. « Les plus tordus, me raconte Cel, vont jusqu'à acheter des médicaments à base de protéines et des pompes à lait en pharmacie pour leur femme, si cette dernière n'est pas enceinte – on appelle cela la lactation induite. » Cette tendance de lactation forcée, on la retrouve dans la plupart des vidéos du genre sur YouPorn et consorts. Car ouais, les femmes n'ont pas du lait tout le temps. En France, les femmes qui allaitent le font pendant six mois en moyenne. De fait, la lactation érotique serait donc une pratique qui plonge le fétichiste dans une spirale de frustration permanente. Cette assertion m'a été confirmée par Danny, qui ne peut vivre sa vie que dans l'attente de sa prochaine séance d'allaitement. Marie-Aurélie la compare, dans une moindre mesure, à la pulsion aveugle que la série Dexter représente avec brio. « Après avoir assouvi la pulsion, l'homme est apaisé jusqu'au moment où la pulsion revient et devient obsédante. À cet instant, il est obligé de la satisfaire pour reprendre le cours normal de sa vie. »

Au moment où j'ai commencé mon enquête, je me doutais bien que j'allais entrer dans un monde parallèle. Je ne savais pas, en revanche, qu'un business juteux se dissimulait derrière. Naïve que je suis. Faire du fric sur les frustrations sexuelles est un procédé vieux comme le monde, c'est même celui, totalement assumé, de tous les sites pornos qui pullulent sur Internet. Alors pourquoi ne pas profiter de pauvres mecs bloqués au stade œdipien ? Sommes-nous toutes des potentielles laitières pour lactophiles prédateurs, poitrines déshumanisées ayant pour seul but de satisfaire les pulsions les plus primaires des mecs qui peuvent payer pour notre lait ?

Eh bien, sans doute. Après tout, c'est bien dans la nature de l'Homme que de profiter des plus faibles.

Sarah est sur Twitter.