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Les quatre biomarqueurs de la mort

Ces scientifiques peuvent savoir si vous allez mourir dans les cinq prochaines années.

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Après avoir étudié 17 000 échantillons de sang de personnes visiblement en bonne santé, des chercheurs en Finlande et en Estonie ont trouvé des nouveaux marqueurs biologiques qui indiqueraient une mort imminente. Ils ont découvert une relation entre des niveaux (élevés ou bas) de quatre « biomarqueurs » dans des échantillons de sang et le risque de décès précoces.

Les recherches stipulent que des niveaux élevés des quatre biomarqueurs dans le sang – albumine du plasma, alpha-1-glycoprotéine acide, faible densité de la taille des particules de lipoprotéines (VLDL), et citrate – seraient la cause d'un décès à court terme, indépendamment des facteurs de risques bien connus tels que l'âge, le tabagisme, l'alcool, l'obésité, la pression artérielle et le cholestérol. En d'autres termes, les gens qui ont une carence ou un excès de ces quatre caractéristiques biologiques risquent de crever dans les cinq prochaines années.

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Les résultats de cette recherche font flipper, et si ces pratiques se généralisaient, on peut se poser des questions sur l'avenir de la société qui deviendrait surement un foutoir social absolu avec la création d'une nouvelle classe sociale des « moins de 5 ans » –  un monde absurde avec des réductions de « moins de 5 ans à vivre » à la SNCF ou des pass pour couper dans les files d'attente par exemple.

Pour en savoir plus sur cette trouvaille – et accessoirement demander si je pouvais leur envoyer un échantillon de mon sang –, j'ai contacté le docteur Peter Würtz, le scientifique à l'origine de ces recherches.

Peter Würtz

VICE : Vous pouvez m'expliquer comment vous est venue l'idée d'examiner le sang de patients en « bonne santé » pour déterminer leur risque de mortalité ?
Peter Würtz : La méthode de dépistage a été développée pour étudier les maladies cardiaques et le diabète, mais à notre grande surprise, nous avons trouvé une association de biomarqueurs qui dévoile le risque de décès d'un patient dans les cinq prochaines années.

Nous avons étudié les échantillons de sang de 10 000 volontaires en Estonie, et les chercheurs ont parcouru les données afin de trouver des liens causes-conséquences – et nous avons vu des associations très fortes entre certains biomarqueurs sanguins et le risque de mort.

Nous avons eu une nouvelle approche de la science – plutôt que de partir d'une hypothèse, nous avons laissé les données nous révéler les connections biologiques. Et quand nous avons vu des résultats presque identiques dans une étude de 7500 personnes en provenance de Finlande, nous avons réellement commencé à prendre ces résultats au sérieux. Ensuite, nous avons répété les analyses en n'analysant que le sang de personnes « en bonne santé » – sans maladie cardiaque, cancer ou diabète. Les résultats ont été au moins aussi probants.

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La médecine conventionnelle est sceptique quant à ce nouveau paradigme dans la recherche, mais cette science « sans hypothèse » fonctionne. Nos résultats démontrent que nous en savons encore peu sur le métabolisme de base chez l'humain.

L'idée derrière le test est maintenant de pouvoir empêcher les morts précoces en intervenant à temps – plutôt que de faire peur aux gens avec les résultats. Afin de savoir si nous pouvions identifier les personnes les plus à risque en utilisant cette méthode de dépistage, nous avons calculé le risque de mort d'un individu dans les 5 ans. Le risque est une estimation et non une date précise. Le temps qu'il reste à vivre que le résultat du test procure est similaire à celui que les médecins vous donnent avant de succomber à une crise cardiaque après avoir mesuré votre taux de cholestérol – sauf que dans ce cas, le risque de mort peut provenir de nombreuses causes différentes.

Je vois, ces indicateurs sont une espèce de verdict où les accusés sont condamnés à mort. Comment avez-vous fait pour isoler ces 4 biomarqueurs comme indicateurs de mort prématurée ?
Il semble y avoir un lien systémique entre les différentes maladies qui n'a jamais été étudié auparavant. La médecine conventionnelle a tendance à se concentrer sur un seul biomarqueur afin de comprendre une maladie spécifique. Cependant, les biomarqueurs sont impliqués dans la régulation de la santé métabolique, donc nous ne pouvions pas identifier qu'un seul coupable.

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Ainsi, nous avons mesuré 106 biomarqueurs dans chaque échantillon de sang en utilisant une nouvelle méthode de dépistage. Ensuite, nous avons regardé lequel serait le meilleur indicateur de décès dans d'une période de 5 ans. Ça s'est avéré être l'albumine – une protéine dont la carence était déjà connue pour être liée à une mort prématurée, en particulier chez les personnes âgées.

Ensuite, nous devions trouver les autres biomarqueurs parmi les 105 restants tout en tenant compte de l'information prédictive de l'albumine. Apres de nombreuses recherches, nous avons trouvé trois autres biomarqueurs supplémentaires reflétant le risque de décès dans les 5 ans. Nous avons été les premiers à trouver des liens entre ces autres mesures – alpha-1, glycoprotéine acide, lipoprotéines (VLDL), et citrate – et un risque de décès prématuré.

Puis, nous avons fait le test avec les facteurs de risque connus tels que les niveaux d'obésité, le tabagisme, la consommation d'alcool et le cholestérol pour voir si les résultats allaient dans le même sens que nos conclusions précédentes. Nos résultats étaient presque identiques en comptabilisant ces facteurs de risque.

Enfin, pour confirmer la validité de nos analyses, nous avons comparé les résultats des 7500 Finlandais avec ceux initialement découvert parmi les 10 000 Estoniens. Les résultats étaient remarquablement similaires.

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Quelles sont les grandes trouvailles de cette analyse ? Quels sont leurs intérêts ?
Le résultat le plus intéressant – en termes de science – est que ces mêmes quatre marqueurs reflètent le risque de fatalité de types de maladies très différentes, telles que les maladies cardiaques et le cancer. Ces maladies sont presque toujours étudiées de façon complètement séparée – nous avons démontré que ces quatre éléments reflétaient une faiblesse générale du corps.

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Aucun test réel n'est encore prêt pour le grand public, mais l'intérêt de ce test est qu'un seul échantillon de sang peut révéler un risque de fatalité à court/moyen terme, même si vous n'avez encore aucune maladie apparente. Si nous pouvons identifier les personnes qui semblent en bonne santé – mais qui en fait ont de très fortes chances de développer une maladie grave – alors nous pourrons à l'avenir être en mesure d'agir au plus vite pour les traiter avant que l'infection ne se développe et devienne critique.

Quelles sont les prochaines étapes ? Quand pensez-vous que ces pratiques vont être mises en œuvre ?
Nous aurons besoin de vérifier si les résultats se généralisent à des populations dans d'autres régions du monde. Les résultats ont été si surprenants que nous avons besoin de répéter les analyses de nouveau afin d'être vraiment sûr du résultat. Nous essayons actuellement de comprendre les mécanismes de ces quatre biomarqueurs et savoir de quelles façons ils reflètent le risque de fatalité d'un large éventail de maladies différentes.  Si nous pouvons découvrir les mécanismes et trouver des stratégies de traitement efficaces, je crois que ce test pourrait faire partie du dépistage des patients de la même façon que le taux de cholestérol dans le sang est utilisé aujourd'hui.

Ce nouveau dépistage sanguin n'est pas coûteux, alors ce serait le meilleur moyen de prévention d'une maladie mortelle. Il nous faut maintenant comprendre les causes pour pouvoir traiter les conséquences – il faut nous concentrer sur l'origine des taux trop élevés ou trop bas.

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Ça me fait penser au film Big Fish, où les scientifiques auraient plus ou moins le pouvoir de prédiction de l'œil en verre de la sorcière interprétée par Helena Bonham Carter.
Les biomarqueurs ne sont pas si déterministes, mais ça y ressemble un peu. Un individu diagnostiqué à « haut risque » peut changer de mode de vie, ou commencer un traitement afin de repousser au plus les dates prédites par le test.

Feriez-vous vous même ce test ?
Je n'ai pas fait le test moi-même, mais je n'aurais pas peur de le faire. Si le résultat du test tombait dans la zone rouge, alors j'opterais pour un style de vie plus sain – en modifiant mon régime alimentaire par exemple – pour faire mentir le résultat du test, plutôt que de vivre comme si tout espoir était perdu. Le test est une opportunité de prévenir et traiter des maladies aux symptômes encore invisibles.

Pensez-vous que ces résultats peuvent créer – dans le futur– une nouvelle classe sociale de personnes pour qui il ne reste que 5 ans à vivre ?
C'est dur à dire. J'espère que non – parce que l'objectif de cette analyse est justement de pouvoir intervenir plus tôt dans le traitement des maladies.

Merci Peter, faites-moi signe pour les prochaines analyses et je vous enverrai un échantillon de mon sang.

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