Les souvenirs de mon enfance en France

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Les souvenirs de mon enfance en France

J'ai retrouvé dans la maison où j'ai grandi les photos que je prenais à l'âge de 13 ans.

Toutes les photos sont de Cédric Calandraud et issues de sa série « France 98 ».

Ces images datent de mon adolescence, au début des années 2000. Toutes sont issues de ma série « France 98 » et la plupart d'entre elles ont été prises dans le village où j'ai grandi, à Yvrac, dans la campagne charentaise. Ma famille avait pour habitude de se réunir presque chaque dimanche dans la salle des fêtes communale. Là-bas, il y avait toujours quelque chose à célébrer : un baptême, une communion, un mariage. On trouvait à chaque fois un prétexte pour faire la fête.

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Je devais avoir entre 10 et 16 ans à l'époque de ces images – j'en ai aujourd'hui 24. Je prenais beaucoup de photos à l'appareil jetable, que j'utilisais plus comme un jouet que comme un outil photographique. L'appareil faisait partie de la fête. Le fait même de prendre des photos montrait l'importance de ces moments, de leur caractère extraordinaire.

Avec les années, j'ai oublié ces images et ces moments. Puis ces derniers mois, en revenant dans mon village, j'ai retrouvé plusieurs vieux cartons de photos que j'avais prises durant mon adolescence, ainsi que de nombreux albums de famille. Ces images m'ont étonné. J'ai tout de suite pensé qu'il serait intéressant de me les réapproprier pour raconter cette histoire telle que je m'en souvenais. J'ai effectué une sélection assez resserrée parmi des centaines d'images. Je souhaitais leur donner un aspect physique en laissant apparaître la poussière du scanner et en intervenant parfois moi-même sur l'image.

Lorsque j'ai pris ces photos, être photographe n'était évidemment pas mon ambition. J'étais amateur, aucune volonté artistique ne sous-tendait ces travaux. Ma pratique de la photographie n'avait pour fonction que de transformer des bons moments en bons souvenirs. Ce n'est que bien plus tard que j'ai découvert le travail de vrais photographes – des gens tels que JH Engström ou Michael Ackerman –, qui eux, m'ont donné envie de faire de la photo une pratique professionnelle.

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Les célébrations du dimanche commençaient généralement le matin, à l'église. Puis il y avait ces longs repas auxquels je ne restais qu'à l'entrée pour improviser une partie de foot sur le parking avec mes cousins. C'étaient des moments extraordinaires. Encore aujourd'hui, l'émotion ressentie en marquant un but n'en égale aucune autre. La fin d'après-midi et la soirée étaient pour leur part réservées à la danse, aux jeux et aux déguisements. C'étaient de vrais moments de joies et d'insouciance qui ont disparu avec le temps, en grandissant.

Ces instants de fêtes n'étaient bien sûr qu'un aspect de notre vie, une échappatoire après la semaine de travail. On ne photographiait jamais les moments les plus durs. C'est d'ailleurs l'une des choses qui m'a frappé en redécouvrant ces images. Plusieurs personnes présentes sur ces photos ont été consumées par la maladie ou l'alcool, dont mon père, qui est mort durant cette période. Avant de retomber sur ces photos, ce sont ces souvenirs qui étaient les plus prégnants dans mon esprit. Les redécouvrir a donc été une expérience assez difficile, parce qu'il y a toujours une part d'oubli avec la photo de famille. Je pense que cette série n'est que le premier chapitre d'un travail photographique plus large sur mes origines.

J'ai baptisé cette série « France 98 » bien que la majorité des photos aient été prises au début des années 2000. Mais cette date de juillet 1998, ce mois où la France a gagné la Coupe du monde de football, a été un marqueur pour moi, comme pour beaucoup d'autres gamins avec qui j'ai grandi. Le football c'était toute notre vie : même mon gâteau de communion était en forme de terrain de foot. Bizarrement, je n'ai pas de souvenir précis de la victoire de 98 et l'explosion de joie qu'elle a dû susciter. Je me rappelle en revanche avoir regardé en boucle la cassette de la finale France – Brésil les mois suivants.

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Quoi qu'il en soit, ce symbole France 98 présent sur le T-shirt de mon père sur l'une des photos, c'est l'image que je retiens de ces années-là. Mais je ne parlerais pas de nostalgie pour qualifier cette époque ; sous certains aspects, elle fut trop difficile pour cela.

Les travaux de Cédric sont consultables sur son site.