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Sexe

J’ai documenté ma première rencontre masochiste en tant que garçon

À l'âge de 23 ans, je me suis enfin décidé à affronter de face mon plus grand fantasme.
Photo via Flickr.

Dès l'adolescence, mes premières pulsions sexuelles ont été accompagnées par la naissance de fantasmes pour le BDSM. Et pour des raisons que Freud expliquerait mieux que moi, je savais déjà que je ne serai pas celui qui tiendrait le fouet. Mais c'est seulement aujourd'hui, après huit ans de pratique sexuelle, à l'âge de 23 ans, que je suis passé à l'acte.

L'acronyme BDSM signifie Bondage, dressage, soumission et sadomasochisme. La plupart décrivent la communauté BDSM comme des gens trouvant un plaisir sexuel à se faire fouetter, ou à fouetter une autre personne. À mon sens, cette définition est utilisée par des gens n'ayant aucune connaissance du truc. Celle-ci se base sur une relation de dominant(e) à soumis(e) d'un point de vue psychologique, et non pas sur une distinction entre ceux qui ont les fesses rouges à cause des coups de fouet, et ceux qui ont des cloques sur les mains. Du fait de l'aspect privé de la pratique, il est malaisé de savoir combien de personnes pratiquent le BDSM en France. Toutefois, la plateforme Fetilife recense près de 45 000 membres français. C'est moins que nos voisins Allemands (78 000), mais plus les Espagnols (35 000).

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Dans le sens purement sexuel, j'aime à penser que la personne dans le rôle du soumis domine la relation. En effet, elle est celle qui éprouve un plaisir sans sentiment de culpabilité. Car la culture chrétienne diabolise l'acte sexuel avant le mariage et qu'on le veuille ou non, cette idée est ancrée dans notre culture. À l'âge adulte, cette idée demeure et a pour conséquence de créer un sentiment de plaisir à l'idée de se faire objectifier, car dans ce cas, nous sommes dédouanés de notre culpabilité. Ainsi, certaines personnes peuvent mieux profiter en ayant l'idée que leur partenaire « abuse d'eux ». C'est pour cette raison que naissent, par exemple, les fantasmes de viol simulés. Tout comme Jésus, la communauté BDSM fait passer cette déculpabilisation en se faisant attacher sur des croix en bois, sauf que ces dernières sont de Saint-André et possèdent une paire de menottes à chaque extrémité.

Cet été, je me suis lancé à la recherche d'une dominatrice, et ce, sans n'avoir ne serait-ce qu'une idée d'où commencer. Sur le net, j'ai d'abord trouvé plusieurs soirées BDSM ayant lieu dans ma région. Mais je ne m'imaginais vraiment pas me pointer à l'une de ces soirées, seul, et ainsi avoir l'air d'un énième « mec en chien ». Digne, j'ai préféré me créer des profils sur plusieurs sites BDSM. Tous ont un point commun : il faut payer un abonnement pour finir aux pieds d'une femme. Jamais l'inverse. Quelques sites d'annonce gratuits et français existent tels qu' Annonces BDSM ou Minute Crade, qui possède en effet un nom très vendeur. Ces derniers cependant me paraissaient bien trop peu réalistes pour espérer rencontrer un véritable être humain.

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Après avoir balayé quelques-uns de ces sites, j'ai choisi celui où les utilisateurs me semblaient le plus sérieux et ai fait chauffer la carte bleue. J'ai longtemps hésité entre le Marché aux Esclaves et BDSM Sutra, avant de finalement donner 40 balles au second.

Les sites de rencontre BDSM ressemblent à n'importe quel site de rencontre, à l'exception qu'il faille se trouver une place parmi la grande diversité de profils-types. Difficile de comprendre la signification de certains. Il y a les simples « sadique », « donneur de fessées » ou « homme de cuir », mais aussi les plus mystérieux « chaton », « poney » ou encore « salope ». Probablement parce que je ne voulais pas faire dans l'original, je me suis contenté de cliquer sur « soumis ».

J'ai commencé par checker les profils d'utilisateurs se trouvant près de chez moi. Il m'a fallu une semaine pour tirer une première conclusion : trouver une dominatrice, c'est un peu comme trouver un job. Les dames postent des annonces décrivant le profil qu'elles recherchent, et les messieurs sont chargés d'y répondre en envoyant une candidature en bonne et due forme. Comme pour une recherche de job, j'ai vite compris que beaucoup de mes « candidatures » resteraient sans réponse.

Un extrait de ma conversation avec une utilisatrice de BDSM Sutra, assez sympa pour m'indiquer comment convaincre d'autres utilisatrices au sujet de mes compétences.

Ainsi, l'annonce d'une dominatrice expérimentée comportait une rubrique intitulée « critères de base » (exemple : « tu as une hygiène irréprochable »), une rubrique « dans le cadre de ton apprentissage » (ex : « tu deviens un meuble, un chien, un objet sexuel »), et la plus étonnante « les plus » (ex : « volonté de progresser dans le masochisme, la bisexualité, l'humiliation, etc. »). Cette dernière est par ailleurs la première avec qui j'ai pu entretenir une conversation écrite, en réponse à la candidature sur laquelle j'ai ardûment travaillé. Elle m'a expliqué, à la manière d'une responsable RH, qu'il était normal que « les soumis à la recherche d'une dominatrice préparent une lettre de motivation », en précisant ce qu'ils recherchaient, leur situation sociale et maritale, dans quel sens ils souhaitaient progresser, et même les « instruments de punition » qu'ils possédaient. Apparemment, un CV n'était pas nécessaire.

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J'ai également pu faire connaissance avec beaucoup de « scammers » profitant d'hommes dont le pouvoir de réflexion du pénis dépasse celui du cerveau. Ils ouvraient la conversation avec un « bonjour petite salope ». Et lorsque je leur faisais part de mes soupçons sur l'authenticité de leur personne, ils rétorquaient avec un aimable « ta gueule, sous-merde ! C'est moi qui pose les questions ici. » Évidemment, il a fallu attendre très peu avant qu'ils me demandent une « offrande » afin de leur « prouver mon sérieux ». Je n'ai pas cherché à leur prouver.

À la fin de notre conversation vidéo, elle m'a précisé un truc. « La prochaine fois que je te parlerai sur Skype, tu m'appelleras Maîtresse. Tu seras nu et tu auras intérêt à être docile. »

J'ai plutôt discuté avec une jeune dominatrice nommée « Soumise30 ». La description de son profil expliquait néanmoins qu'elle était passée de l'autre côté du martinet. Elle m'a confié que sur internet, il existait cinq types de dominatrices : les fakes [selon elle, qui représentent la moitié de la population], la sadique qui est simplement là pour frapper des hommes, la masochiste, mais aussi la vénale qui cherche à profiter d'un soumis totalement dévoué qui lui fera les courses, ou la vaisselle. Et enfin, la perle rare : celle qui fait ça pour le plaisir.

Après quatre pages de messages laissés sans réponse et une demi-douzaine d'échanges avec des scammers, un message est apparu dans ma boîte de réception. Une dame, Parisienne de 29 ans, que l'on appellera Virginie, m'a répondu et accepté un échange sur Skype. S'est ensuivi une conversation détendue où tous deux avons fait part à l'autre de ce que nous recherchions.

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J'ai été très clair : je ne suis pas à la recherche d'une union dite gynarchique (dans laquelle la femme est considérée comme « suprême » et se lie avec sa « sous-merde »), mais d'une relation spontanée. Elle m'a expliqué qu'elle était « libertine, pratiquait occasionnellement le BDSM pour son plaisir personnel depuis six ans et aimerait tenter d'aller plus loin avec moi ». Virginie ressemblait à une femme plutôt normale. Physiquement, elle affichait quelques rondeurs et un joli visage. Elle avait aussi une certaine éloquence. Aux premiers abords, on ne croirait pas que c'est le genre de fille qui aime s'asseoir sur des visages.

À la fin de notre conversation vidéo, elle m'a précisé un truc. « La prochaine fois que je te parlerai sur Skype, m'a-t-elle annoncé, tu m'appelleras Maîtresse. Tu seras nu et tu auras intérêt à être docile. » Ainsi soit-il. Le rendez-vous était fixé au surlendemain. L'attente, parce qu'elle était accompagnée d'une forme de stress liée à l'inconnu, m'a paru comme une éternité.

Un extrait de l'une de mes conversations avec une dominatrice impénitente.

Arrivé à l'heure de ce rendez-vous virtuel à la fois tant attendu et redouté, j'attends patiemment que Virginie m'appelle. Peut-être pour imposer sa supériorité, elle m'a appelé avec 10 minutes de retard. Virginie m'a premièrement ordonné de me mettre sur les genoux et de baisser la tête. C'était sa façon de me dire bonjour. Elle a poursuivi par une série d'ordres divers et variés sur des postures que j'ai eues à tenir de deux à cinq minutes. Par exemple, j'ai dû me tenir à genoux dos à la caméra, les pieds levés et les mains derrière la tête. Ça fait mal. Parfois je ne savais même pas si elle me fixait mais, pris dans le jeu, je n'ai pas vraiment regardé mon écran. À la fin de ce que les experts appellent une « séance », elle m'a autorisé à me toucher. Quel privilège.

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Après cette cyber-rencontre, j'étais plutôt frustré : j'ai simplement eu le sentiment de m'être agenouillé comme un con devant mon PC. Cependant, après une longue conversation par SMS avec Virginie, accompagnées de photos de l'un l'autre, nous nous sommes fixés – ou plutôt : elle m'a fixé – un rendez-vous. Nous allions nous rencontrer en vrai. Son plan était de m'attacher aux barreaux de son lit, ou de son radiateur. Car après tout je n'en savais rien et m'aventurais dans des cavernes qui m'étaient inconnues.

Quand je suis arrivé chez Virginie, elle m'a invité à boire un café. Je dois reconnaître que l'on a eu une conversation des plus banales : l'usage du « 49.3 », la montée du FN, et même Charlie Hebdo. Au bout de 30 minutes, elle m'a demandé de bien vouloir l'attendre nu, agenouillé et tête baissée dans sa chambre. Je me suis gentiment exécuté. En entrant dans la pièce, Virginie m'a immédiatement demandé de la déshabiller et s'est assise sur son lit. Je devais faire le lèche-bottes, au sens strict. Pendant que j'embrassais ses pieds, Madame ne s'est pas gênée pour consulter son portable et a même allumé la télé. Elle agissait comme si mes efforts n'avaient aucune importance.

Après un laps de temps dont Dieu seul connaît la durée, et j'espère sincèrement qu'il ne regardait pas sa progéniture à cet instant précis, j'ai pu l'entendre dire « un massage serait le bienvenu ». Elle s'est allongée sur le ventre et, alors que normalement, je trouve un ennui profond dans le fait de masser quelqu'un, je me suis appliqué sans broncher. Voilà donc presque une heure que, à l'apogée de ma forme physique et conséquemment sexuelle, je prends soin de cette inconnue comme je n'aurais pas imaginé le faire à ma future femme lors de notre lune de miel. Le tout en restant, bien sûr, la queue entre les jambes. C'est alors qu'elle m'a ordonné de me mettre à quatre pattes et s'est mise à me masturber. Après une heure à avoir pris soin du corps de cette femme sans le moindre feedback, était-ce maintenant à son tour de me procurer du plaisir ?

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Non. Elle s'est arrêtée juste avant que je puisse jouir. À quatre pattes, elle m'a laissé « en chien ».

L'épisode s'est poursuivi sur une série de coups de cravache. Celle-ci a commencé doucement et est très vite montée en intensité : principalement sur les fesses, mais aussi sur le dos. C'est moi qui ai dû les compter. En plus d'être frustré, je me suis senti soumis. Et c'était bon. Maîtresse s'est arrêtée à 40. Elle s'est ensuite décidée à solidement m'attacher aux quatre coins de son lit et s'est assise sur mon visage. Il fallait que je m'exécute, mais j'étais mis au jus : « Tu as intérêt à me faire jouir, m'a-t-elle lancé, mais toi tu n'y auras pas le droit. » C'est exactement la façon dont les choses se sont passées.

Après notre séance, nous nous sommes allongés sur le lit, et nous sommes regardés. Nous avons éclaté de rire.

C'est alors que j'ai réalisé quelque chose : voilà ce que c'est que d'avoir quelqu'un qui vous connaît vraiment. Cette personne, que je n'avais rencontrée que ce jour-ci, me paraissait alors comme la femme qui avait le plus réussi à percer mes mystères. Des mystères dont moi-même je n'étais pas au courant.

Aujourd'hui, je pense secrètement à me remettre à ses pieds. Le plus tôt sera le mieux. Si Maîtresse le veut bien, évidemment.

Pierre est sur Twitter.