Ma vie après le suicide de mon fils

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Ma vie après le suicide de mon fils

John s'est donné la mort à 26 ans, après des années de dépression.
A
par Angie

Illustration de Marta Parszeniew

À l'âge de 14 mois, John a vu son pédiatre lui diagnostiquer une maladie hépatique. Pendant un temps, sa santé s'est stabilisée. Puis, à l'âge de 11 ans, il a fait une rechute importante et a été conduit à l'hôpital, où on lui a administré des stéroïdes. Il n'a plus jamais été le même après ça. Les stéroïdes l'ont fait grossir et il ne l'a pas supporté. Il ne s'aimait pas. Il a arrêté de manger et a commencé à s'affamer.

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En grandissant, il est devenu têtu et rebelle. Au lycée, il était très bon en sport. Il a participé à un Ironman, faisait du parachute et était capable de parcourir de très longues distances. Sans doute trouvait-il du réconfort dans ces sports d'adrénaline.

Il était très populaire à l'école – il était beau et avait toujours des petites amies, mais quiconque lui faisait du tort risquait d'avoir des ennuis. Sa maladie était un fardeau énorme. Il y voyait un prétexte pour n'en faire qu'à sa tête. Il ne voulait pas obéir aux règles.

Il s'est essayé aux drogues, notamment le cannabis. Tous ses amis en consommaient à l'époque. Il n'était pas censé boire à cause de son foie, mais il le faisait quand même. Il fuyait ses problèmes en allant à des raves. Il avait toujours voulu s'engager dans la marine et il a postulé après avoir quitté l'école. Malheureusement, sa santé n'était pas assez bonne et sa candidature a été rejetée.

John ne voulait pas reconnaître qu'il était dépressif. Il ne voulait en parler à personne car il voyait cela comme un échec. On ne peut forcer personne à parler ou se faire aider. C'était le gros problème de John : il n'acceptait aucune aide, il pensait ne pas en avoir besoin.

Son comportement est devenu de plus en plus sombre et destructeur. Il lui arrivait d'aller voir sa sœur à la fac puis de disparaître et de rentrer à quatre heures du matin. Parfois, il montait dans un bus au hasard et allait à Londres. Il prenait des photos du métro ou de lui dans l'obscurité. Lorsque je lui ai demandé pourquoi ses photos étaient si lugubres, il m'a répondu qu'elles reflétaient sa vision de la vie.

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Il était énervé en permanence et me reprochait de lui avoir donné naissance. Il criait, jurait et m'agressait verbalement. Il retournait la maison. « C'est quoi ton problème, qu'est-ce que tu fous putain! », s'époumonait-il. Il arrivait que je sois obligée d'appeler la police. Je n'étais plus en mesure de gérer la situation.

Tout le monde a essayé de faire quelque chose pour lui. Il avait 20 ans lors de sa première admission dans un hôpital psychiatrique. Les médecins n'ont jamais su mettre le doigt sur ce qui clochait chez lui. Peut-être était-il bipolaire, peut-être un peu autiste. Il était si déprimé qu'il a rempli un formulaire demandant que l'on ne le réanime pas. Il a contacté l'association Dignitas et a demandé à toute la famille de l'accompagner en Suisse afin qu'il puisse mettre fin à ses jours. Il disait ce genre de choses sans éprouver la moindre considération pour moi. « Si tu avais des enfants, tu comprendrais pourquoi, en tant que parent, je ne peux pas faire ça », lui ai-je expliqué. Mais il était résolu : ce n'était pas mon problème, mais le sien.

La dernière fois que j'ai appelé la police, deux agents ont dû le neutraliser avec un Taser. Il était hors de contrôle et avait saisi une batte de baseball pour se défendre. Lors du procès, le médecin a écrit une lettre au juge lui expliquant que John avait un problème de santé mentale et que son cas devait être étudié en conséquence. John ne s'est pas montré au tribunal ce jour-là. Il a été reconnu coupable en son absence. Il a écopé de six semaines de prison. Après sa peine, il a été libéré et directement escorté jusqu'à une unité psychiatrique.

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Je faisais de mon mieux pour l'empêcher de se nuire mais il n'avait pas le moindre respect pour sa famille. J'étais blessée d'être rejetée en tant que mère. À la fin, je lui parlais aussi mal qu'il me parlait, puisque c'était le seul langage qu'il semblait comprendre. Les dernières années, nous ne faisions que nous disputer. Alors que je rêvais de le prendre dans mes bras. J'étais fière de lui en tant que fils.

Quand il est sorti de l'hôpital, le personnel lui a trouvé un appartement pour qu'il puisse avoir un peu plus d'indépendance. Il hésitait à rentrer chez lui mais il en avait besoin car il devait recevoir des injections pour son foie. Je lui ai préparé de l'agneau pour le dîner avant d'aller travailler ce jour-là. Il est resté devant son ordinateur toute la matinée, silencieux. Je suis allé voir ce qu'il faisait et il cherchait un moyen de se suicider. Je l'ai prié d'arrêter et lui ai confisqué l'ordinateur. Je ne l'ai pas embrassé en partant. J'ai essayé mais il était dans son monde.

Le lendemain, avant d'aller au travail, j'ai eu un mauvais pressentiment. J'ai demandé à mon ami, Andy, d'aller voir comment allait John. En arrivant, Andy a entendu la radio, mais personne ne répondait. Il avait le double des clés et est entré. John était dans sa chambre. Andy a pris son pouls. John était froid. Il avait fait une overdose. Il n'avait que 26 ans. C'était il y a deux ans.

Cela n'aurait jamais dû arriver. Quelqu'un aurait dû rester en permanence avec lui. Aucun soutien ne m'a été offert par le système de santé. Après le suicide, je n'ai même jamais vu la responsable de l'unité psychiatrique – elle n'a pas eu la décence de me rendre visite. Elle a assisté à l'enterrement, après quoi je n'ai plus jamais eu de contact avec elle.

John n'a pas laissé de mot. Je me dis qu'il est en paix à présent. Je me sens toujours coupable. Je n'ai pas pu l'aider mais j'aimerais aider quelqu'un d'autre à l'avenir. Je dirais à cette personne que la dépression fait partie intégrante de la nature humaine. La plupart du temps, la vie est tout à fait ordinaire. Il est inutile de s'inquiéter. Il faut vivre l'instant présent, essayer d'en profiter. C'est ce que nous avons essayé de répéter à John. Il est en paix maintenant, c'est ce qu'il faut se dire.