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Quand les flics font le spectacle dans une manif étudiante, tout devient chiant

Mercredi dernier, le NCAFC a organisé une manifestation d'étudiants dans le centre de Londres.

Mercredi dernier, le  NCAFC (« National Campaign Against Fees and Cuts ») a organisé une manifestation d’étudiants entre le campus de l’University of London – au centre de la ville – et le quartier financier de Moorgate. Les manifs étudiantes de l’année précédente avaient placé la barre assez haute, et le mois de novembre étant le mois des célébrations de Guy Fawkes et de plusieurs dates historiques importantes, on est joyeusement descendus dans le West End pour une journée qui sentait bon le désordre public à l’ancienne. Malheureusement, les forces de l’ordre semblaient s’être dit la même chose et avaient envoyé sur place deux fois plus de policiers qu’il n’y avait de manifestants. C’était donc très mal parti, mais on a tenu à rester optimistes.

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À environ midi, plein de manifestants s’étaient rassemblés aux alentours de Malet Street, distribuaient des prospectus et vendaient de la littérature marxiste, des sifflets et de tout un attirail protestataire. L’état d’esprit semblait prometteur, et on a même forcé un gnome à danser une gigue. Tout le monde semblait « très excité », « impatient de vivre cette journée ! », tandis que d'autres avaient « extrêmement besoin d’aller aux toilettes ». Après avoir jeté un coup d’œil rapide aux pancartes, on a commencé notre marche vers le sud et les lumières du Theatreland londonien.

Avant la manifestation, la police avait déclaré être prête à utiliser des balles en plastique et à « prendre des mesures extrêmes » en cas de débordements. Au regard des violences qu’avait connu le pays au mois d’août, les médias semblaient avoir déjà choisi leurs unes du lendemain–à savoir que la police profiterait de la manifestation pour renvoyer ces petits prolos à leur existence de chômeurs criblés de dettes et sans avenir. Par contre, ce qu’on avait pas anticipé – et franchement, on aurait dû – c’est que jusqu’à présent, l’arme la plus dangereuse utilisée par la police avait été l’ennui, un ennui propice à calmer toute ardeur, à apaiser les coeurs, un ennui qui confinait au psychédélisme. Les flics ont donc gardé leurs armes sagement rangées et le reste de la journée a vite pris des allures de sortie de classe bien disciplinée.

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Il ne s’est rien passé du tout pendant une heure. On avançait lentement, encadrés par une présence policière qui nous surpassait complètement. Des mecs jouaient au foot et on a croisé Jody McIntyre. Des étudiants chantaient, un mec bourré avec un sniffeur (vous savez, ces mini-réceptacles qu'on attache autour du cou et qui permettent de « conserver » sa coke) et une cannette de bière s’est à moitié fait arrêter et un cheval de la police qui avait les reins un peu trop encombrés n’a pas arrêté de décharger sur les pavés immaculés des rues du centre de Londres. C’était à peu près tout.

Vous devez commencer à vous imaginer à quel point cette manifestation était chiante comparée aux événements de l’année dernière. La motivation était au plus bas, surtout quand des mecs sur des échafaudages ont commencé à scander leur soutien, créant des réactions relativement mitigées au sein de la foule. Et alors qu’on se demandait si on allait pas tout remballer et rentrer chez nous passer nos nerfs sur le nouveau Call of Duty, des mecs en bandana se sont pointés. Leur arrivée à provoqué des remous chez les forces de l’ordre qui ont tout de suite formé un cordon de sécurité. Derrière nous, une boom-box a commencé à faire retentir du dubstep. Et l’heure de la révolution semblait enfin être déclarée quand les premières bouteilles en plastique, vides, ont été lancées à l’adresse des policiers.

Pendant cinq minutes, tout semblait pouvoir éclater. Des anars sont passés à travers les lignes de policiers et se sont mis à courir un peu partout en beuglant des slogans. Certains flics en ont perdu leur casquette, et avaient tout de suite l’air beaucoup plus inquiets et vulnérables. Un feu d’artifice a explosé à côté d’un cheval, faisant sursauter des membres de la presse – moi inclus, mais pas le cheval qui était beaucoup trop occupé à chier) et on a tous eu l’impression que « ça y était » et que « tout éclatait à nouveau »… l'espace de genre, une minute. Le nombre conséquent de policiers empêchait toute possibilité d’insurrection, et on a très rapidement repris notre marche organisée sous la vigilance des forces de l'ordre. On a posé notre regard sur ces visages représentants la loi et on s’est demandé si ce n'était pas la seule chose qu’il nous serait donner de voir pendant les quelques heures qui allaient suivre.

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Mais non. À environ quatre heures on est arrivés au point de ralliement. Les quelques casseurs qui ne s’étaient pas encore fait arrêter tournaient en rond à se demander où étaient leurs potes et avaient l’air déçus du calme relatif de la journée. La foule, elle, se divertissait en écoutant de la drum & bass et s’amusait à démasquer les flics en civil.

Comment démasquer un flic en civil – Étape 1 : Identification

- « Je suis ici pour faire mon boulot, mec. »

- « Et c’est quoi, ton boulot ? »

Étape 2 : Gueule un peu et fous le bordel

Étape 3 : Gueule plus fort encore et balance des projectiles

Pendant ce temps, on a parlé à un anarchiste qui nous a expliqué les tactiques que la police avait utilisées dans la journée. « Ils nous chopaient un par un à l’arrière du cortège, » il nous a dit. « On en a "dé-arrêté" quelques-uns, mais ils ont bien dû en choper au moins 60 d’entre nous. Ils m’ont enlevé mon masque dès que je suis arrivé, mais que faire sérieux ? Ils étaient beaucoup plus nombreux que nous. »

On a passé le reste de l'après-midi à avoir alternativement soif et envie de pisser, pendant qu’un groupe de jeunes de plus en plus réduit dansait sur du raggae des années 1990, de la drum & bass et des tubes garage. Super son (peut-être qu’on devrait en passer plus dans le quartier des banques) même s’il m’étonnerait que ça fasse ralentir l’augmentation des frais universitaires. Enfin bref. À 17h30, la police a dit à tout le monde de se disperser, et – vous n’allez pas me croire – on s’est exécutés. On est parti fatigués en ayant l'impression d'avoir foutu en l'air un truc mais sans jamais réussir à mettre de mots dessus.

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Cette fois-ci, la police avait gagné. Non seulement elle avait complètement enterré tout espoir pour la jeunesse de mettre Londres à feu et à sang, mais elle avait également étouffé la manifestation avec une efficacité totalitaire. Et en plus, Rage Against the Machine ne se sont même pas pointés. Bien joué, la démocratie.

TEXTE ET PHOTOS : JOSHUA HADDOW & HENRY LANGSTON