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Sport

Toutes les routes mènent à Barbès-Rochechouart

Jeudi dernier, j’ai fait la fête avec les supporters de l’équipe d’Algérie.

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L’Algérie n’avait jamais dépassé la phase de poules de la Coupe du monde avant cette année. En réalité, l’Algérie n’a presque jamais aussi bien joué lors du Mondial. Bien entendu, ce n’est pas faute de leur part d’avoir essayé. Mais jusqu’ici, leur plus haut fait d’armes réalisé lors de la compétition se résumait à une élimination au premier tour malgré deux victoires en 1982. En ce qui concerne le milieu du football, je ne connais rien d’aussi frustrant.

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Mais jeudi dernier, ils nous ont enfin prouvé leur grandeur. Un match nul contre la Russie aurait suffi à les qualifier, et ce soir-là, l'équipe d’Algérie avait l’air prête à conquérir le monde.

En toute logique, je me suis dit que le meilleur moyen de vivre ce match serait de me rendre dans le quartier de Barbès-Rochechouart, à Paris, où vit une grande partie de la population algérienne de la ville. Jeudi soir, tout le quartier était rempli. À en juger par les coups de klaxons et les hurlements triomphaux que j’avais pu entendre le week-end dernier, lorsque l’Algérie a battu la Corée du Sud, j’ai supposé qu’un simple match nul des Fennecs pourrait provoquer des cris bien plus enthousiastes que les murmures faiblards qui se sont fait entendre lorsque la France s’est qualifiée pour le second tour.

Au métro Barbès, la police s’était clairement préparée à toute éventualité. Les policiers étaient présents en masse, prêts à intervenir en cas de défaite de l’Algérie – ce qui aurait pu donner envie aux supporters algériens de pallier leur frustration en brûlant tout sur leur passage (ou, à l’image des fans du PSG l’année dernière, de célébrer leur victoire en se tabassant mutuellement).

Les gens se sont rassemblés partout où ils le pouvaient – le plus souvent à l’intérieur de petites boutiques, près de voitures disposant d’un autoradio, dans des cafés fermés au public et dans des restaurants dont la carte proposait exclusivement des plats à base de poulet.

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Il n’y avait pas que des Algériens. J’ai croisé beaucoup de gens brandissant le drapeau marocain ou tunisien, et certaines personnes arboraient fièrement un maillot du Sénégal ou de la Côte d’Ivoire.

Mais cette soirée était une vraie célébration pour l’Algérie. Le match n’aurait pas pu plus mal commencer – le Russe Alexander Kokorin a ouvert le score après seulement six minutes de jeu. Je craignais le pire, mais mes camarades restaient plutôt optimistes. À la mi-temps, tout le monde gardait encore espoir – et une bonne partie des supporters étaient persuadés que l’Algérie allait prendre sa revanche dans les minutes à venir.

Comme il est très difficile de suivre un match sur une télévision minuscule lorsque 50 personnes extatiques masquent l’écran, on a dû tenter de deviner le score selon les plaintes et les cris de joie qui fusaient toutes les trente secondes. D’ailleurs, l’ambiance était tellement à la fête qu’on aurait pu croire que l’Algérie avait marqué huit fois.

Lors de la seconde mi-temps, Islam Slimani s’est érigé au rang de héros national en égalisant, ce qui a permis à l’Algérie de se qualifier. Les rues de Barbès sont devenues le théâtre d’une célébration gigantesque.

La situation est redevenue tendue lorsque la Russie s’est mise à bombarder le gardien algérien lors des dernières minutes de match. Mais l’Algérie a tenu bon jusqu’au coup de sifflet final, qui a provoqué l’hystérie de tout un peuple.

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Des types se sont empressés d'ôter leurs T-shirts avant d’escalader des lampadaires. Partout, on pouvait apercevoir des supporters agiter frénétiquement leurs drapeaux. Tout le monde s’est rassemblé près de l’arrêt de métro, parfois en titubant doucement, parfois en courant comme des dégénérés – mais tous ivres de victoire.

C’était un moment de joie intense – la plupart des gens ne semblaient pas savoir comment l’exprimer. Certains se sont contentés de monter sur des camions-poubelles, d’allumer des fumigènes et d’agiter leur drapeau devant des policiers excédés.

Ce soir-là, toutes les routes menaient au métro Barbès-Rochechouart, nimbé du halo rougeâtre des fumigènes. Les policiers étaient postés près de la station pour réprimer les gens trop agités, mais la plupart d'entre eux se sont contentés de les observer silencieusement – aucun fonctionnaire n’a essayé d’empêcher les gens d’allumer des fumigènes ou de fumer un joint de célébration. C’était une tactique plutôt bien réfléchie : il aurait suffi d’un effleurement de matraque pour provoquer une émeute, la police étant clairement en sous-effectif – à environ 50 contre 1.

Au bout d'un moment, la foule a fini par se dissiper. Tout le monde est parti en direction du boulevard principal, où défilaient des voitures klaxonnant le plus fort possible.

Si l’Algérie réalisait l’impossible et battait l’Allemagne, une chose encore plus impossible pourrait se produire – un match contre la France. Malheureusement, il y a des chances que cela n’arrive jamais, mais ce n’est pas bien grave. Je me fiche de savoir qui soulèvera ce trophée, parce que l’Algérie a déjà gagné. Il est 6h du matin lorsque j’écris ces lignes, et j’entends encore les derniers fêtards hurler dans les rues.

La Coupe du monde est remplie de moments d’allégresse qui resteront à jamais gravés dans nos esprits, mais les Algériens de Paris ont eu toute une nuit pour célébrer. Ils ne gagneront peut-être pas le tournoi, mais ils ont été plus victorieux que jamais lors de la nuit du 26 juin. C’est tout ce qui compte pour moi, et c’est sans doute tout ce qui comptera pour eux lorsqu’ils se remémoreront l’été 2014. @Callum_TH / lvdovicomagno.tumblr.com