FYI.

This story is over 5 years old.

Culture

Michael Jang a été jeune, il y a longtemps

40 ans après son diplôme, ses photos étudiantes sortent enfin de l’ombre.

Depuis ses premiers cours de photo au California Institute of the Arts, Michael Jang n'a pas vu le temps passer.Il a notamment tiré le portrait de célébrités d’un autre temps, de jeunes punks dans des concerts des Ramones (puis dans des garages), avant de photographier l'intimité de sa famille. Son projet le plus drôle est sans doute celui dans lequel il met en avant des aspirants présentateurs météo sur une chaîne de télévision locale.

Publicité

Contrairement à la plupart des autres photographes quarantenaires qui essaient désespérément de commercialiser leurs clichés et de les faire exposer, Jang préfère passer ses journées à élever ses deux enfants. 40 ans plus tard, ses toutes premières photos sont enfin rendues publiques – la maison d'édition Hamburger Eyes en a compilé quelques-unes dans un livre intitulé College.

J'ai appelé Michael pour qu'il m'en dise plus sur sa vie de photographe, l'origine de cette passion et ses futurs projets.

VICE : Les personnes sur tes clichés ressemblent beaucoup aux étudiants en art de notre époque. Ils ont tous l'air étranges.
Michael Jang : C'est vrai. 40 ans plus tard, les choses n'ont pas vraiment changé.

Comment es-tu devenu photographe ?
Eh bien, j'ai été accepté dans une école de design et la photographie était une matière optionnelle. Je l'ai choisie pour m'amuser. Le prof nous montrait des clichés de Diane Arbus, Lee Friedlander, Robert Frank et Garry Winogrand – ce qui était plutôt cool, vu que j'imaginais des cours axés sur des types comme Ansel Adams.

Certaines de tes photos n'étaient que des devoirs, en fait.
Deux de mes projets l'étaient : The Jangs et The Beverly Hilton – dans lequel je rentrais clandestinement dans un hôtel pour photographier des célébrités. Je devais mettre un costard et j'y allais tous les week-ends jusqu'à ce qu'ils me repèrent et me jettent dehors.

Ta série College est un peu différente.
Les photos de College sont issues de mes balades dans la rue avec un appareil sur l'épaule. Quand on fait de la photographie de rue, il faut être présent sur les lieux, sentir le moment opportun ; être au bon endroit au bon moment.

Publicité

J'avais l'habitude de me promener dans mon école, et je pouvais entendre les gens danser, chanter et se reposer derrière les portes closes. Les peintres n'arrêtaient pas de bosser sur leurs tableaux et les photographes partaient pour des reportages chaque semaine, puis revenaient et passaient le reste du temps à développer leurs photos dans des chambres noires. De mon côté, je pense que le meilleur moyen de s'améliorer, c'est de prendre des photos encore et encore et de laisser un peu de côté l'aspect développement. C'est important la première année, en tout cas.

Certains de ces photographes avaient sans doute un objectif à long terme, alors que tu sembles surtout intéressé par l'instantané. C'est pour ça que ton travail n'a jamais vraiment été publié ?
À mes yeux, c'était surtout un moyen d'interagir avec mes amis en m'amusant. La publication n'était absolument pas prévue jusqu'à ce que Ray de Hamburger Eyes voie ces photos et décide d'en faire un livre.

Après le succès du livre sur ma famille, il m'a demandé si j'avais d'autres clichés à lui montrer afin de créer quelque chose d’encore plus ambitieux. Je n'avais pas d'idée, mais je venais tout juste de réunir les photos prises durant mes études et il les a adorées.

Ce que j'aime dans ton travail, c’est le fait qu'il contient tes relevés de notes.
Tu veux dire les bulletins ?

Ouais.
C'est incroyable non ?

Ça traduit parfaitement ton évolution personnelle.
Je sais, c'est ce qui est amusant dans le fait de publier un travail des années plus tard.  Pour comprendre, il faut retourner au début des années 1970 – je suis étudiant et on me montre le travail d'Eugène Atget, Diane Arbus, Walker Evans, des grands noms.

Publicité

40 ans plus tard, le contexte est complètement différent. Internet est apparu, de nouvelles générations aussi et il est assez incroyable de redonner vie à quelque chose d'aussi vieux.

Les gens sur tes clichés ne semblent pas du tout gênés à l’idée d'être pris en photo. Aujourd'hui, tu aurais sans doute eu de nombreuses images avec des gens qui se dérobent de ton objectif.
Oui, c'est assez intéressant d'observer ces changements. J'ai assisté à une réunion il y a peu de temps dans mon ancienne école dans laquelle je participais en tant qu'invité. Tu sais ce qu'il y avait d'écrit à l'entrée ? PAS DE PHOTO.

Par rapport à mon travail, je me trouve chanceux. Rien ne peut l'effacer, les négatifs existent toujours. Aujourd'hui, les gens ne savent pas quoi effacer et quoi garder.

Et comment tu pouvais le savoir, toi ?
Il y a 10 ans, le musée d'art moderne de San Francisco proposait de juger de la qualité des photos de n'importe qui, je me suis dit que ça ne coûterait rien de leur en déposer quelques-unes. Ils m'ont finalement rappelé, ce qui était putôt bon signe.

Maintenant, j'imagine que tu n'arrêtes pas de bosser.
Oh oui, et on en est qu'à College – j'ai encore énormément de clichés sur San Francisco, la scène punk, et mes photos des années 1980 et1990, quand je bossais pour des chaînes télé, des banques et des avocats.

As-tu eu des retours de la part de ton ancienne école ?
Oui, avec les réseaux sociaux il est très facile d'en avoir ; ils sont très excités à l'idée de la parution de ce livre. Dans ce genre d'école, il n’y a pas de yearbook. Ça leur fait de bons souvenirs, du coup. De temps à autre, je dois demander l'autorisation à mes anciens camarades, notamment ceux qui sont nus sur les photos. Tout le monde m'a dit oui sans hésitation.

Est-ce une forme de revanche sur tes anciens profs ?
D'une certaine manière oui, vu que les critiques étaient toujours les mêmes : Utilise le flash, ce sont des sujets trop évidents, c'est grotesque, etc. Mais d'un autre côté j'ai écouté les conseils de mes profs lorsqu'ils me préconisaient d'entrer vraiment dans l’intimité des personnes – c'est ce que j'ai fait avec The Jangs. C'est une revanche mais aussi la preuve que la critique est toujours utile.

Achetez une copie de College sur le site web de Hamburger Eyes.

Suivez Jesse Miller-Gordon sur Twitter.