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Avec le militant anarchiste condamné à deux mois ferme pour avoir menacé de mort un flic

Jules Panetier accuse la police et la justice françaises d'avoir totalement bidonné l'enquête et le procès.

Photo de Révolution Permanente

Lundi 4 juillet 2016. Jugé en comparution immédiate, Jules Panetier est condamné à deux mois de prison ferme pour menaces de mort à l'encontre d'un policier membre du Service central du renseignement territorial – issu des anciens Renseignements Généraux. Militant très actif au sein des mouvances protestataires, ce Montpelliérain de 24 ans aurait adressé sa menace dans la nuit du 21 juin via un message vocal par téléphone. La raison ? Une brouille avec le policier, dont il aurait été l'indic plusieurs mois auparavant. Du moins, c'est la version de la police, défendue par le procureur et relayé par les médias locaux.

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De leur côté, Jules et son avocate rejettent cette histoire en bloc. Dans une tribune publiée sur le site du magazine qu'il dirige – Le Poing, un mensuel d'obédience altermondialiste et anarchiste – le jeune homme considère que « l'enregistrement audio censé prouver sa culpabilité ne correspond absolument pas à sa voix » et démontre seulement « la détermination de la police et de la justice pour faire taire les révolutionnaires ». Il dément fermement avoir servi d'indic pour la police.

Sorti de prison le 13 août dernier grâce à une remise de peine pour bonne conduite, Jules est désormais libre de revenir sur ce qui l'a conduit en prison pendant plus d'un mois. Je l'ai contacté afin d'en savoir plus sur son procès et les événements ayant entraîné, selon lui, sa condamnation.

VICE : Bonjour Jules. Pouvez-vous me parler des activités militantes auxquelles vous preniez part avant votre procès ?
Jules Panetier : Depuis mars dernier, je participe au mouvement social contre la loi Travail. Avant ça, j'ai contribué à plusieurs assemblées générales contre l'état d'urgence et les violences commises au nom de l'État – assemblées qui s'inscrivent à présent dans le mouvement Nuit Debout de Montpellier. Actuellement, je ne suis membre d'aucun parti politique. Il y a quelques années, je siégeais au sein du conseil politique national du NPA.

Vous êtes effectivement très actif dans les milieux contestataires locaux.
Oui. J'ai aussi pris part à la création d'une ZAD dans un quartier de Montpellier – les Cévennes, pour être précis. Avec d'autres camarades, nous avons ouvert un squat dans un ancien cinéma, « Le Royal occupé ». Enfin, je fais partie de ceux qui ont construit et légitimé l'autodéfense pendant les manifestations, pour tenir en respect la police.

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Vous employez la violence face aux forces de l'ordre ?
C'est toujours la police qui détermine le degré de violence pendant les manifestations. Nous, nous considérons simplement la violence de l'État comme illégitime. En revanche, il nous semble absolument légitime de nous en prendre au capitalisme et à ses représentants. Si la police nous en empêche, cela peut déboucher sur certaines confrontations. Après, on ne théorise pas du tout le fait de se confronter directement à la police.

Dans tous les cas, votre activisme vous a valu une petite notoriété à Montpellier.
Comme tant d'autres, j'ai été mis en avant lors des assemblées générales. Mais peut-être parce que je suis jeune, ou parce que ma tête ne leur revient pas, j'ai bien vu que la police commençait à me surveiller de près. Il y a des signes qui ne trompent pas : un contrôle dans le tramway qui se termine en garde à vue – avec un policier qui m'explique que ce sont mes engagements qui me valent d'être là –, des menaces de la BAC, un autre policier qui se jette sur moi pour me matraquer alors qu'on bloquait l'accès d'un supermarché, etc.

Et puis il y a aussi eu un appel des Renseignements Généraux, qui souhaitaient me rencontrer pour discuter. J'ai décliné cette invitation mais j'ai conservé leur numéro dans mon répertoire. Ce qui, avec le recul, était une erreur.

Vous dites avoir reçu des menaces de la part de plusieurs fonctionnaires de police. Pourquoi n'avez-vous pas porté plainte ?
Parce que je considère que la justice de l'État est au service de la police. De fait, elle est illégitime à mes yeux. La seule instance que je reconnais comme légitime à Montpellier pour traiter des affaires de justice, c'est l'assemblée générale contre l'état d'urgence.

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OK. Sinon, le quotidien régional Midi Libre a été l'un des premiers médias à évoquer votre procès en parlant d'un différend avec une personne des Renseignements Généraux.
[Il coupe] Je tiens à dire que Midi Libre s'est fait le relais de la police pendant l'intégralité du mouvement social. Si on m'a fait passer pour un indic pendant le procès, c'est bien pour que cela soit repris dans ce quotidien. Il s'agit d'un scénario réfléchi afin de décrédibiliser le mouvement social. Mais tout est faux !

Selon vous, pourquoi un journal local participerait-il à la mise à mal de votre mouvement social ?
Parce que ces médias sont détenus par de grands groupes capitalistes et qu'ils n'ont pas envie que l'on vienne gêner leurs petites affaires. Sauf qu'à Montpellier, la version du Midi Libre n'a pas convaincu. Les organisations anticapitalistes locales m'ont soutenu et sont venues manifester devant la prison alors que j'étais incarcéré. De telles déclarations, qui consistent à faire passer les organisateurs de mouvements sociaux pour des indics, sont courantes. Peut-être pas en France mais dans des pays comme le Maroc, oui.

L'appel provenait-il de votre téléphone ?
Un message d'insultes envers un policier a bien été émis depuis mon téléphone – mais je n'en suis pas l'auteur. L'enregistrement audio censé prouver ma culpabilité me dédouane complètement. On ne reconnaît pas ma voix. Il n'a d'ailleurs pas été présenté au procès. C'est la preuve que dans cette histoire, les faits importent peu. La parole d'un policier est suffisante aux yeux de la justice. Les procès-verbaux pendant ma garde à vue ont également été falsifiés.

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Dans ce cas, vous devez vous demander qui a bien pu utiliser votre téléphone pour passer cet appel, non ?
Pas vraiment, en fait – comme je l'ai dit, les faits importent peu. Je ne crois pas à la théorie selon laquelle quelqu'un aurait pris mon téléphone pour me nuire délibérément. Je n'ai pas d'éléments nouveaux à apporter sur une affaire qui n'en est pas une. Ce qui compte, en revanche, c'est de prendre deux mois ferme pour insultes à agent dans un cadre hallucinant.

Vous parlez de votre comparution immédiate ?
Un article du Montpellier Journal a mis en avant le fait que la procédure a été anormale. De ma garde à vue jusqu'au procès, les faits n'ont jamais été jugés – au contraire de ma personnalité et de mes engagements. Au commissariat, les policiers avaient déjà un dossier très épais me concernant, alors qu'à ce moment-là mon casier était vierge. Le juge a dit de moi que j'étais un « voyou » parce que je suis anarchiste. On m'a demandé ce que je pensais de la justice, de la police. C'était un procès politique, en somme.

Des tas de peines disproportionnées apparaissent dans des affaires similaires. Par exemple, un militant nantais de 18 ans risque quinze ans de prison ferme pour tentative d'homicide volontaire. Tout ça pour avoir fait un croche-patte à un policier [le militant en question est accusé d'avoir frappé le policier à coups de pied et de barres de fer en compagnie de quatre autres personnes, ce qu'il réfute, NDLR]. Il est actuellement en détention provisoire dans l'attente de passer aux assises.

Je vois. Sinon, comment s'est passée votre détention ?
Suite au rassemblement qui a eu lieu devant la prison pour me soutenir, j'ai été convoqué par le responsable de l'aile dans laquelle je me trouvais. Ce type m'a demandé si le « fan-club » présent devant les portes était pour moi. Je n'ai rien répondu alors il a repris en m'expliquant que ma sortie pourrait être compromise si jamais il trouvait « quelque chose » dans ma cellule. Je n'avais rien à me reprocher et il le savait. C'était simplement une nouvelle tentative d'intimidation.

Et quels sont vos projets maintenant que vous êtes libre ?
Reprendre les hostilités, aller à l'abordage, m'attaquer au capitalisme et à ses représentants, comme le Parti socialiste. Il y a peu, j'étais à Nantes pour voir comment les militants sur place organisent leur rentrée sociale. À Montpellier, on est en train d'organiser la nôtre. On va continuer à mettre en place des espaces politiques autogestionnaires pour faire monter la tension d'un cran et en finir avec la loi Travail.

C'est noté. Merci Jules.

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