L’urbanisation est en train d’engloutir le paysage méditerranéen

FYI.

This story is over 5 years old.

Photo

L’urbanisation est en train d’engloutir le paysage méditerranéen

Ces trois dernières années, Nick Hannes, un photographe d'Anvers, a passé son temps à voyager le long du littoral méditerranéen pour prendre en photo...

Ces trois dernières années, Nick Hannes, un photographe d'Anvers, a passé son temps à voyager le long du littoral méditerranéen pour prendre en photo ses habitants, ses touristes, ses immigrants et l’urbanisation croissante en train de bouffer tout le paysage. Puis, il en a fait un projet ; une série qu’il a appelée Méditerranée. J’ai entendu parler de lui il y a un ou deux mois lorsque cette photo prise dans un mariage grec dans une station essence s'est transformée en buzz internet.

Publicité

Je ne sais pas si c’est dû à cette femme qui se grille une clope le plus naturellement du monde à côté d’une pompe à essence ou à cette fâcheuse tendance qu’a le monde entier à se foutre de la gueule des Grecs en ce moment, mais la photo en question (celle ci-dessous) est devenue très populaire. Moi aussi, je l’aime beaucoup. J’ai donc jeté un œil à son site internet, et ai réalisé que j’aimais beaucouptoutes ses photos. J'ai donc décidé de passer un coup de fil à Nick.

VICE : Hey Nick. Pourquoi as-tu décidé de bosser sur le littoral méditerranéen ?
Nick Hannes : Pour mon dernier projet, je m’étais focalisé sur une région particulière de l’ex-URSS. Je n’aime pas changer de continent brutalement, et ça faisait longtemps que j’étais fasciné par la côte méditerranéenne – j’avais lu beaucoup de trucs sur son histoire. De plus, je voulais me lancer dans un projet à long terme et il se trouve qu'une vingtaine de pays bordent la mer Méditerranée. Je travaille sur le sujet depuis 2010, et je n’ai pas fini.

Comment tu t’y prends ? Tu fais les pays un par un ou bien tu fais des allers-retours ?
Non, j’essaie de ne jamais aller dans un pays plus d’une fois, ce serait trop. Il y a des pays où je ne suis encore jamais allé comme la Lybie, l’Algérie, l’Italie et la France. Je ne pense pas passer par la Syrie, donc j’agrémenterai mon projet d’anciennes photos, issues d’anciens voyages. Et puis, je ne peux voyager qu’en été, c’est pour ça que ça me prend du temps.

Publicité

J’allais te le demander – on a l'impression que tes photos ont toutes été prises en été.
J’enseigne la photographie documentaire à l’Académie des arts de Gand, en Belgique ; j’y suis donc bloqué tout au long de l’année scolaire. Mais les photos ne sont pas toutes prises en été. Je pars aussi pendant les vacances scolaires, les fêtes de fin d'année, etc.

Ce que j’aime dans ton travail, c’est qu’il couvre plusieurs thèmes, et soulève plusieurs problématiques ; ça doit être dur de tout associer visuellement.
Déjà, j’essaie d’éviter les stéréotypes. J’en joue parfois, mais j’essaie de ne pas trop rentrer dans le cliché. Mon but, c’est de ne pas tomber dans la photo qui se lit en une seconde. Bien sûr, il y a des sujets qui m’intéressent comme la migration ou le contraste entre paysages et urbanisation, mais mon projet est principalement orienté sur la condition de l’homme. Qui sommes-nous ? Comment organise t-on notre société ?

Qu’as-tu appris, pour l’instant ?
Que l’intégralité du littoral est urbanisée.

Ça vient du tourisme, j’imagine.
En partie, mais aussi pour des raisons géographiques, et logiques. Il y a beaucoup d’activité le long de la mer, et ce depuis toujours, de par les ports qui permettent les flux commerciaux et le mélange des cultures. Le tourisme est bien plus récent. En Espagne ou en Albanie, on trouve des bulidings partout sur les côtes. En Grèce ça va ; l’urbanisation n’y est pas aussi développée.

Publicité

Tu penses que c’est à cause de la crise ?
Non, la crise est trop récente. Je pense que c’est dû à leur finesse d'esprit – leur volonté de ne pas détruire les paysages. Certains pays en revanche, ne pensent qu’à l’argent.

Et en terme de mentalité, d’attitude ? Tu as cerné des similitudes entre les différentes cultures ?
Ce que j’ai remarqué, c’est que les gens du littoral sont beaucoup plus croyants. Je ne sais pas si ça a quelque chose à voir avec la mer. Et puis, ils sont plus branchés famille. Mais je ne pense pas qu’il existe une identité « méditerranéenne », ça reste une zone très diversifiée, comme pour les paysages ­– c’est ce qu’on se disait tout à l’heure. J’ai aussi dû prendre sur moi pour ne pas photographier de lieux phares de chaque coin. Je ne veux pas que les gens regardent mes photos et se disent « ah ça, c’est l’Espagne ! »

La Méditerranée a été le théâtre de bien des conflits dans l'histoire de l'humanité. Comment tu expliquerais ça ?
Je ne sais pas s’il y a plus de conflits ici qu’ailleurs aujourd'hui, et je dirais même que ce n'est pas le cas. Mais les villes impliquées dans les conflits, et les conflits eux-mêmes me fascinent. Tu le ressens en te baladant ; Chypre en est un très bon exemple.

La diversité de la région est bien représentée dans tes travaux. J’ai vu un cliché montrant des gens qui avaient l'air de traverser une frontière avec des sacs deux fois plus gros qu’eux, et j’en ai vu d'autres avec des filles seins nus, hilares dans un verre de champagne géant en boîte. C’est incroyable.
Oh, celle-ci a été prise au Pacha, à Ibiza. Il s'agit de deux strip teaseues – elles font le show dans les clubs mais les gens n’ont pas le droit de dépasser une certaine limite. C’est pour ça que l’on peut apercevoir une armée de mains avec des appareils photo, sur la gauche. J’ai utilisé un flash, et ça a ruiné l’ambiance. Utiliser un flash en boîte de nuit, c’est mettre la lumière sur des détails qui ne sont pas censés être vus.

Publicité

Oui. J’ai remarqué autre chose ; sur les photos que tu as prises dans un complexe hôtelier pété, tous les protagonistes ont l'air âgés.
C’est vrai qu’il y a peu de photos de filles sexy en bikini, mais ce n'est pas intentionnel. Mes photos reflètent mon expérience. Les jeunes sont beaucoup plus hostiles aux photographes ; quand tu les prends en photo, ils se mettent à poser. J’ai aussi shooté des jeunes mais, bien que je préfère photographier des filles sexy que des sexagénaires, je devais faire une sélection de mes meilleures photos… Celles qui montrent des personnes âgées sont souvent meilleures. La plupart du temps, elles n’en n’ont rien à cirer.

Bon, et maintenant tu peux m’expliquer pourquoi la photo du mariage grec est devenue si populaire ?
C’est un cadeau du ciel. En tant que photographe, tu espères toujours que ce genre de trucs arrive. Et ça n’arrive jamais. J’étais à Patras quand je suis tombée sur cette station essence très bien entretenue. J’ai parlé avec son propriétaire et il a tenu à m'inviter au mariage de sa fille qu’il organisait le soir même, dans sa station.

Quand les mariés ont débarqué, il y avait un DJ qui mixait à l’intérieur du petit magasin et tout le monde dansait, buvait et fumait autour des pompes à essence. L’accueil a été formidable, ils n’ont pas arrêté de m’offrir à boire ; je suis resté jusqu’à trois heures du matin.

Cette photo est une réussite pour moi parce qu’elle aborde le sujet de la crise économique, mais d'une manière unique. Tu ne peux pas la faire sur demande. Quand je suis rentré chez moi ce soir-là, j’ai su que cette photo allait faire son chemin.

Publicité

Suivez Elektra sur Twitter : @elektrakotsoni

Du même auteur :

LES GAYS VIETNAMIENS SONT TOUJOURS AUSSI AMOUREUXEt ils s’en cachent de moins en moins

LES NOUVELLES FRONTIÈRES DE LA CRISELa Grèce en a jusque-là des immigrants illégaux