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On a demandé à nos parents si nos vies correspondaient à leurs attentes

Carrière, famille, argent : plusieurs pères et mères ont jugé de la réussite – ou de l'échec – de leur progéniture.

Photo via Flickr

Si l'idée d'avoir des enfants vous a déjà traversé l'esprit – ou si vous en avez déjà -, vous vous êtes probablement imaginé à quoi ressemblerait leur vie d'adulte. Des questions telles que : « Comment sera son caractère ? », « Quel sera son métier ou ses talents ? », « Ouvrira-t-il une chaîne YouTube embarrassante ? » ont probablement germé dans votre esprit anxieux. Et bien entendu, vos réponses correspondaient à votre propre système de valeurs ou à vos ambitions personnelles. Mais comment vous en vouloir ? On imagine mal un militant altermondialiste souhaiter à sa fille de connaître une carrière de banquier d'affaires, ou un partisan de La Manif pour Tous rêver de voir son fils passer la bague au doigt d'un autre homme.

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Pourtant, et vous le savez aussi bien que moi, arrive toujours un moment où les enfants cessent d'écouter les recommandations de leurs parents pour suivre leur propre voie – quitte à se planter et revenir au domicile familial, la queue entre les jambes, « le temps de rebondir ». Un cas qui serait d'ailleurs de plus en plus fréquent, à en croire les titres de certains journaux. Une étude réalisée par l'institut Opinion Way en 2015 révélait que 73 % des parents d'un enfant de 18 ans ou plus estimaient que sa vie serait plus difficile que la leur.

Alors entre la crainte de voir son rejeton aller à l'encontre de ses attentes ou de le croiser en train de mendier à la sortie du supermarché, la tâche des parents ressemble finalement au job le plus imprévisible du monde. Et pour quel résultat ? Pour en avoir une idée, on a demandé à des Français d'interroger leurs parents sur la façon dont ces derniers les imaginaient à l'âge qu'ils ont aujourd'hui – et on a rassemblé quelques autres témoignages de divers Européens à titre de comparaison.

Romain, 25 ans, motion-designer en freelance, France

VICE : Tu m'imaginais faire quel métier à 25 ans ?
Mère de Romain : Au départ, je te voyais bien designer. Puis avec ton cursus artistique, je me suis dit que tu ferais finalement photographe… Mais une chose est sûre, avec le caractère que tu as – tu détestes les ordres ! – j'ai toujours su que tu travaillerais en indépendant.

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Ça t'arrive souvent de t'inquiéter pour moi ?
Toujours ! Mais je crois que c'est le rôle des parents qui veut ça… Il y a les événements survenus à Paris l'année dernière qui nous ont fait prendre conscience qu'à tout moment, des innocents pouvaient être pris pour cible là où tu vis. Notre inquiétude a forcément augmenté.

Et puis, étant donné que ton travail n'est pas « stable » comme celui d'une personne salariée, on a toujours un peu peur qu'un problème arrive du jour au lendemain. Mais je suppose que ta génération doit faire avec pour s'en sortir.

Tu penses que ma génération a moins de chance que la vôtre ?
Niveau travail, les choses sont plus difficiles pour vous. C'est certain. Mais vous avez aussi l'air plus à l'aise pour bouger, déjà parce que vous parlez bien mieux l'anglais que nous. Au final, c'est un autre mode de vie que vous connaissez.

Isa, 38 ans, bassiste au sein du groupe Triángulo de Amor Bizarro, Espagne

Isa : Tu m'imaginais devenir quel type d'adulte ?
Mère d'Isa : Je t'ai élevée de manière à ce que tu sois libre de prendre tes propres décisions. Je t'ai toujours encouragé à faire ce que tu voulais, en te précisant qu'il fallait que tu travailles et que tu sois indépendante. Nous n'avons pas de contacts haut placés, et tu n'es malheureusement pas une héritière. Sinon, notre famille a toujours été intéressée par la photographie, et j'ai cru à tort que ce serait également ton cas.

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Qu'est-ce que tu penses de mon job actuel ?
Je n'aurais jamais pu imaginer que tu vivrais de ta musique ! J'ai toujours cru que c'était pour les personnes très chanceuses, ou celles qui avaient d'autres moyens de subvenir à leurs besoins . D'ailleurs, je pense que tu as eu de la chance – ta musique n'est pas commerciale du tout. J'adore les chansons de ton dernier album, je les trouve très belles. Je constate que tu as beaucoup grandi et que tu travailles dur – pendant un temps, tu étais tellement nerveuse que je n'osais pas trop te parler de ton groupe.

Tu es déçue ou surprise par ma vie ?
Bon, tes questions se répètent un peu. Là il faut que je file, je dois préparer le gâteau pour ta grand-mère et ramener le chien. N'oublie pas qu'on déjeune ensemble dimanche – on mange à partir de 14 h 30.

Gwen (au milieu), 21 ans, étudiant et musicien, France

Gwen : Est-ce que vous êtes fier du chemin que j'ai pris ?
Père de Gwen : Bien sûr qu'on est tous les deux fiers de toi ! De toute façon, on s'est toujours refusé à imaginer ou orienter ton avenir. Mais je suis quand même surpris que tu fasses de la musique. Avant le lycée, tu étais plutôt attiré par le sport et les jeux vidéo.

Ça vous fait flipper ?
Mère de Gwen : Un petit peu parce que visiblement, tu veux en faire ton métier. Et on sait tous qu'être musicien, c'est très difficile et précaire. Mais c'est ton choix et on le respecte.

De toute façon, la précarité concerne pas mal de jeunes aujourd'hui non ?
Quand j'avais ton âge, on me disait déjà : « Ne va pas à la fac, tu ne trouveras pas de boulot après ! ». Ce qui a changé aujourd'hui, je pense, c'est que les jeunes sont peut-être plus amenés à devoir créer leur propre travail.

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Père de Gwen : Oui, je crois que la compétition s'est largement intensifiée dans le monde du travail. Et puis vous avez hérité d'un système politique bien pourri et dépassé. Sur ces plans-là, vous n'avez vraiment pas de chance. Mais vous vous laissez parfois trop facilement abattre, je trouve. Vous devriez plus avoir la « niak » !

Sonia, 25 ans, étudiante en urbanisme, Italie Sonia : Quelles attentes avais-tu pour moi quand j'étais bébé ?
Mère de Sonia : Ton père et moi, on a fait de notre mieux pour que tu sois une femme forte et indépendante. Quant à ta vie amoureuse, je n'y pensais pas trop. J'espérais juste que tu ne souffres pas, même si je sais que c'est impossible. En tout cas, je ne voulais pas que tu sois traumatisée par une relation.

Tu pensais que je ferais quoi ?
Je voulais que tu étudies la médecine, mais je crois que j'ai projeté mes propres rêves sur toi. J'avoue avoir essayé de te donner envie de le faire, mais ça n'a pas marché. Depuis, j'ai appris à apprécier d'autres choses. Par exemple, le fait de t'élever en Italie alors qu'on est originaire du Pérou m'a fait découvrir de nombreuses choses sur ce pays. Je ne pensais pas qu'on arriverait à s'intégrer complètement ici, mais grâce à toi, on sait que c'est possible.

Tu pensais que j'aurais plus de difficultés en tant que fille d'immigrés ?
Non, au contraire – ça a renforcé ta personnalité. Peut-être que ça t'a mise mal à l'aise par moments, mais je pense que tu as une vision plus critique de la société, et j'en suis très heureuse. Je ne t'ai jamais entendu parler de discrimination en tout cas, et tant mieux. J'espère sincèrement que tu n'as jamais été mal traitée parce que tes parents venaient d'un autre pays.

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Pierre, 28 ans, conseiller auprès des particuliers dans le secteur bancaire, France

Pierre : Vous pensez quoi de la personne que je suis aujourd'hui ?
Mère de Pierre : Avec le temps, tu as l'air de t'être affirmé auprès des autres et dans tes choix. En tout cas, tu sembles autant épanoui dans ton travail que dans ta vie personnelle, c'est ce qui compte à nos yeux.

Vous m'imaginiez bosser dans une banque ?
Père de Pierre : Eh bien, quand tu étais plus jeune, on pensait que tu allais te diriger vers un travail artistique. Tu étais plutôt bon à la batterie, en dessin… On s'est bien planté ! Mais quoi qu'il en soit, si ce que tu fais aujourd'hui te plaît et que tu peux évoluer dans ton métier, alors ça nous semble une bonne chose.

Niveau familial, vous aviez des espoirs particuliers ? Du genre marié, des enfants…
Mère de Pierre : On n'a jamais eu de schéma familial à respecter en tête. On apprécie ta copine, tu es bien avec elle, tout va bien !

Mon avenir vous inquiète parfois ?
On se dit souvent qu'on n'aimerait pas être à votre place. Tout a l'air tellement compliqué et incertain pour vous les jeunes… À notre époque, si tu voulais avoir un job, tu n'avais qu'à demander. À présent, on dirait que c'est devenu très compliqué.

Alexandra, 27 ans, travaille dans le secteur privé après une formation de comédienne, Grèce

Alexandra : Quelle vie envisagiez-vous pour moi en tant qu'adulte ?
Mère d'Alexandra : J'ai toujours voulu que tu sois heureuse et que tu puisses faire ce que bon te semblait.
Père d'Alexandra : Je t'avoue que j'espérais sincèrement que tu t'en sortirais mieux qu'aujourd'hui – tu mérites mieux.

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Que pensez-vous de ce que j'ai accompli jusqu'ici ?
Mère d'Alexandra : Je trouve que tu as l'air épanouie, et tu as l'air contente de tes choix.
Père d'Alexandra : Je dirais que c'est pas mal – au mieux.

Vous êtes déçus ou fiers de moi ?
Mère d'Alexandra : Je suis à la fois fière et déçue. Fière, parce que tout le monde n'a que des bonnes choses à dire sur toi. Mais je suis déçue car tu voulais que ta vie tourne autrement, et tes projets ont changé en cours de route. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec tes nouvelles convictions.
Père d'Alexandra : Un peu des deux. Tu as beaucoup de personnalité, et je pense que si notre pays n'était pas en crise, je serai presque fier de toi.

Aurélien, 34 ans, encadrant technique dans un centre médico-social, France

Aurélien : Est-ce que vous avez fait des plans sur mon futur quand j'étais plus jeune ?
Mère d'Aurélien : On savait qu'un jour tu serais père de famille et ça n'a pas manqué. Et puis pour ton travail, on est content qu'il corresponde aux études que tu as faites. Tu aides des gens en difficulté, tu leur fais découvrir le travail manuel en lien avec la nature. C'est bien.

Bon, je suis rassuré, vous avez l'air satisfait de la vie que j'ai aujourd'hui.
Oui, ton père et moi on est fier. Tu es un honnête travailleur - c'est important - et tu t'es bien intégré dans la vie locale. Tu participes aux animations du village, tu es sympa avec tout le monde et tout le monde à l'air de t'apprécier. En même temps, comme tu aimes faire la fête, je trouve ça plutôt logique. Heureusement quand même que tu t'es calmé par rapport à il y a dix ans… Tu finissais parfois dans de sacrés états !

Merci maman… Mais maintenant que j'ai fondé ma propre famille, il vous arrive encore de vous inquiéter pour moi ?
Oh oui ! On a peur pour ton travail, parce que tout est devenu si incertain… Et on souhaite que tout aille bien aussi avec ta femme et tes enfants, que vous restiez unis – et en bonne santé surtout.