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On a demandé à plusieurs Français juifs pourquoi ils avaient fait leur Alya

Religion, thunes et peur : dans la tête de ceux qui ont quitté le pays pour Israël.

Photo via l'utilisateur Flickr Sharon Pazner

Il y a eu l'affaire Ilan Halimi, les tueries de Toulouse, l'attentat meurtrier dans un Hyper Cacher et, plus récemment, l'attaque d'un professeur à Marseille. Autant d'actes antisémites qui ont poussé des milliers de Français juifs à plier bagage et à faire leur Alya – littéralement « la montée », c'est-à-dire l'immigration en Israël.

Les chiffres de l'Agence Juive pour Israël viennent de tomber et ils ont de quoi inquiéter le Gouvernement français – qui affirme, par la voix du Premier ministre, sa volonté de protéger la communauté juive du pays. L'Alya française n'a jamais été aussi forte. Près de 7 000 juifs ont pris la direction de l'État hébreu en 2014, 7 900 en 2015. Avec une progression de 10 % par rapport à l'année dernière, l'Hexagone est devenu le premier pays d'émigration des Juifs dans le monde.

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Les Français juifs n'ont jamais autant été au centre du débat. Le 13 janvier 2015, au lendemain des attentats, Manuel Valls déclarait à la tribune de l'Assemblée nationale que « sans les Juifs de France, la France ne serait plus la France » . Au même moment, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou lançait un appel sans équivoque à la communauté juive de France et d'Europe : « Israël n'est pas seulement le lieu vers lequel vous vous tournez pour prier, l'État d'Israël est votre foyer ».

Par peur de l'antisémitisme, par sionisme viscéral, par opportunité ou par pur hasard : quelles sont les raisons ayant poussé ces Français à tout quitter ? Israël est-il vraiment l'Eldorado fantasmé par une partie de la communauté juive de France ? Afin de répondre à ces questions, voici différents portraits de Français vivant aujourd'hui à quelques encablures de la mer Morte.

Laëtitia, 32 ans, traductrice
Avant mon départ, j'avais une vision très rudimentaire d'Israël – je pensais à la Limonana, aux mariages, à la plage à Tel Aviv, au mur à Jérusalem, au soleil hivernal d'Eilat, etc. Pour moi, c'était une simple destination de vacances.

Quand j'ai débarqué ici, j'avais une montagne de formalités administratives à gérer, une langue à apprendre, une vie à recommencer à zéro. Et pourtant je n'étais ni inquiète, ni angoissée. J'avais confiance et je savais que l'Agence Juive et le ministère de l'Intégration et de l'Alya étaient là pour m'aider en cas de pépin.

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J'ai décidé de m'installer à Jérusalem, mais mon rapport à la religion n'a pas vraiment changé. Je ne mange pas de porc, je jeûne quand c'est nécessaire et je vais à la synagogue pour les principales fêtes. Mais je ne suis pas tsniout et je mélange toujours le lait et la viande.

Malgré les attentats récurrents dans le pays, je me sens plus en sécurité en Israël qu'en France, pays dans lequel des types se réclamant du djihad font ce qu'ils veulent sous le regard des flics et de Madame Michu.

Honnêtement, je ne regrette pas la France. Mon entourage me manque, mais c'est tout. J'appelle mes parents au moins une fois par semaine et j'envoie des SMS à ma meilleure amie tout le temps. Mes proches savent qu'ils peuvent venir me voir quand ils le souhaitent.

L'avenir des Français juifs me semble compromis. Malgré les attentats récurrents dans le pays, je me sens plus en sécurité en Israël qu'en France, pays dans lequel des types se réclamant du djihad font ce qu'ils veulent sous le regard des flics et de Madame Michu – qui ne trouvera rien de mieux à faire que de voter Front national en 2017 pour marquer son désaccord. Avec le recul, je pense que j'aurais dû immigrer en Israël plus tôt.

Photo via l'utilisateur Flickr Mea Shearim Easter

Lena, 34 ans, architecte
Je viens d'une famille juive assez traditionaliste, qui a passé beaucoup de ses vacances en Israël – personnellement, ce pays ne m'a jamais fait rêver. J'ai toujours considéré avec dédain ces Français mal élevés qui gueulent sur les serveurs sur les plages de Tel Aviv.

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En fait, je suis venue en Israël pour le travail. C'était un pur hasard. Au final, je suis tombée amoureuse du pays. Vivre en Israël, c'est un combat de chaque instant. C'est la chose la plus dure et la plus belle que j'ai faite de ma vie. C'est un pays sans concession, dont la culture est à mille lieues de ce que nous connaissons en France. Pour résumer, ici, c'est « marche ou crève ». Il faut apprendre à se faire entendre, à passer devant les gens, à marchander, à hurler si besoin.

Honnêtement, je n'ai jamais été victime d'antisémitisme en France. Depuis que je suis ici, une large partie de mes potes français me demandent de me positionner sur le conflit israélo-palestinien, comme si j'étais la porte-parole de Netanyahou. Je ne suis pas forcément en accord avec le Gouvernement, mais je défendrai toujours l'existence de mon pays. Ici, les gens sont fiers d'être Israéliens. Lors de la fête nationale, tout le monde affiche le drapeau. En France, qui a déjà fêté le 14 juillet ? C'est une honte d'être patriote. En Israël, tu fais partie d'un tout.


Julien, 28 ans, journaliste-reporter
Dès l'âge de 16 ans, j'avais en tête de faire mon Alya à cause l'antisémitisme qui règne en France. Tout a commencé quand, à 13 ans, pendant la seconde Intifada, on a commencé à me traiter de « sale juif » au collège. L'affaire Ilan Halimi a été le déclic qui m'a poussé à quitter le pays. Des années plus tard, lors des obsèques des victimes de Toulouse organisées à Jérusalem, je me suis dit : « Je vis en Israël pour ne pas être à leur place ».

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J'ai étudié à l'Institut d'Études Politiques d'Aix-en-Provence – en 3 e année, je me suis rendu à Jérusalem dans le cadre d'un échange universitaire et, à la fin de ma 5 e année, je me suis porté volontaire pour faire l'armée là-bas. J'ai d'ailleurs créé le département francophone du pôle digital de Tsahal.

En France, les communautés disparaissent, les synagogues se vident, les gens ne vont plus dans les cimetières.

Je n'ai jamais regretté ma décision. La différence entre Paris et Jérusalem est assez simple : ici, la menace est la même pour tous, tandis qu'en France, les Juifs se retrouvent seuls. De plus, en France, les communautés disparaissent, les synagogues se vident, les gens ne vont plus dans les cimetières.

Personnellement, en tant qu'homosexuel, j'ai tout de même été obligé de rentrer en France pour me marier. Malgré tout, je vais devenir père grâce à une mère porteuse, ce qui est interdit dans l'Hexagone. Aujourd'hui, je me sens complètement israélien, mais je garde une sensibilité française.

Photo via l'utilisateur Flickr Edgardo W. Olivera

Michel, 59 ans, auteur
Je n'ai jamais été sioniste – je viens d'une famille non religieuse. Dans ma jeunesse, j'ai été militant d'extrême gauche. Malgré cela, je me suis toujours senti juif, avec l'ombre de la Shoah planant sur ma famille.

J'ai épousé une femme protestante, pasteur de son état, qui s'intéresse beaucoup au judaïsme – c'est elle qui a initié mon retour à la religion. Je me suis rapproché d'Israël parce que ce pays, démocratique, est loin d'être un état d'apartheid comme on veut nous le faire croire.

Je ne suis pas venu par sionisme mais uniquement pour vivre une expérience. Je célèbre Shabbat et quelques autres fêtes, parce que cela fait partie de la culture du pays – c'est l'occasion de partager un bon repas avec des amis.

Je vis avec ma femme dans un quartier métissé, à la lisière de Jaffa, et j'apprécie la proximité de la mosquée et de l'église chrétienne. Israël un pays festif et jeune. Il faut savoir y vivre malgré les risques, et sans s'aveugler.

Sarah est sur Twitter.