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On n’est pas le bienvenu chez les nazis

Le 7 juillet dernier, je me suis retrouvé avec 750 nationalistes pour une journée de haine, de rage et de musique agressive au festival Rock für Deutschland, le plus grand rassemblement néonazi d’Allemagne.

Le 7 juillet dernier, je me suis retrouvé avec 750 nationalistes pour une journée de haine, de rage et de musique agressive au festival Rock für Deutschland, le plus grand rassemblement néonazi d’Allemagne. Tout ce beau monde s’était réuni pour écouter des groupes aux noms fleuris comme Exzess, Oidoxie, Words of Anger et Tätervolk. J’y étais avec un pote photographe pour couvrir l'événement.

Tandis qu’une fine bruine caressait les crânes rasés à blanc autour de moi, Gorden Richter, le représentant local du Parti national démocratique (NPD), a indiqué les consignes à suivre durant le festival : « Les propos racistes, xénophobes ou attribués au troisième Reich ne seront pas tolérés. Interdiction de tous les symboles violant les articles 130 et 186a. De plus, l’alcool est interdit dans l’enceinte du festival. » Ça expliquait pourquoi beaucoup de festivaliers avaient des bouts de gaffer sur les bras, les jambes ou le visage, afin de recouvrir les tatouages qui violaient les lois précédemment citées par Richter.

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Deux mille personnes étaient venues manifester contre le festival et campaient juste derrière les barrières de sécurité. Ils étaient si bruyants que leurs cris recouvraient presque le discours de l’intervenant suivant, Patrick Wieschke, le leader du NDP de Thüringen, qui a commencé son discours par : « C’est nous les sauveurs ! Nous sommes là pour sauver l’Allemagne ! » Il aboyait son discours juste devant une bannière de la Thüringen Homeland Security, l’organisation qui a aidé les tristement célèbres terroristes du NSU – les fameux Tueurs des kebabs, Beate Zschäpfe, Uwe Mundlos et Uwe Böhnhardt.

Il était clair que les nazis étaient ici comme chez eux, et que j’étais un corps étranger à leur milieu. Et s’il y a bien quelque chose que les fascistes n’aiment pas, c’est les étrangers. « Nous avons des membres de la presse parmi nous aujourd’hui. Chaque nationaliste doit traiter ces personnes avec respect. Seuls les membres de l’équipe du festival et les organisateurs ont le droit de répondre aux interviews », a signalé une voix émanant d’un haut-parleur juste avant que le classique du nazi-rock « The Press Lies » se mette à jouer. Le message était clair.

Avant le premier concert, j’ai eu le temps de faire le tour du festival. Les stands vendaient des gâteaux, de la bière sans alcool, des saucisses, et on pouvait croiser des policiers anti-émeutes, des agents des renseignements généraux en train de prendre des photos, et bien sûr des festivaliers qui affichaient leurs opinions politiques sur leur tee-shirt. L’un d’eux disait : « Noire est la nuit dans laquelle nous nous battons, Blancs sont les hommes qui règnent sur l’Allemagne. Rouge est le sang sur le béton. » Un autre, plus direct, clamait « Libérez Wolle ». Pour mémoire, « Wolle » fait référence à l’ancien vice-président du NPD-Thüringen, Ralf Wohlleben, un grand supporter des terroristes tueurs de kebabs de Zwickaue, accusé pour son implication dans pas moins d’une dizaine de meurtres.

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Le premier groupe, Words of Anger, dont le premier album a été décrété « nocif pour la jeunesse » par le gouvernement, est monté sur scène et a demandé au public de « grogner » avec eux. Les manifestants présents de l’autre côté des barrières ont répondu en poussant à fond le volume de leur sound-system qui jouait de la techno, tandis que des enfants et des personnes âgées faisaient des doigts aux nazis. Mais cela n’a pas semblé échauffer les esprits des festivaliers. Ils se sont contentés de grogner plus fort en protestant mollement contre les manifestants. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que je m’étais fait un nouvel ami. Roy Elbert, le leader du NDP de Nordhausen, a installé sa caméra sur trépied et s’est mis à me filmer pour le reste du festival. Peut-être qu’en ce moment même, quelqu’un se repasse mes meilleurs moments du festival.

Quelqu’un près de moi a murmuré : « Ces Untermenschen ! Si j’étais flic, ça ferait longtemps que je leur aurais éclaté la gueule ! » Je n’étais pas sûr de comprendre qui exactement il traitait de « sous-homme », mais je me suis discrètement rapproché des policiers. J’ai constaté que le nombre de manifestant antinazis avait fortement baissé.

J’ai pu parler avec Melanie Siebelist, une des organisatrices de la manifestation antinazie, membre du parti Social-Démocrate (SPD) local : « Le nationalisme est extrêmement bien ancré dans les mentalités, ici à Gera. La démocratie ne s’est jamais vraiment installée en Allemagne de l’Est, et le concept de liberté au sens démocratique du terme est toujours détourné par l’extrême droite. Si les choses ne changent pas rapidement, on perdra l’Est. »

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Max, un antifasciste du coin, m’a raconté plus ou moins la même chose : « La ville est infestée par l’extrême droite. Le pire a été atteint il y a trois ans, quand presque 5 000 nazis se sont retrouvés ici, et en face ne se trouvaient qu’un petit millier d’antifa. » C’est la raison pour laquelle Max, qui est noir, est prêt à passer à l’action : « Le NPD possède des sièges au conseil municipal, ce qui signifie que lorsqu’on va faire des emplettes, on file de l’argent aux nazis. Il nous faut prendre des initiatives plus radicales contre eux. Je suis prêt à enfreindre la loi pour empêcher des concerts comme ceux-là. »

Le festival a un slogan peu équivoque : « Démocratie ? Sans nous. » À force d’entendre les haut-parleurs cracher leur propagande pour tondus, il était facile de comprendre quel image les nazis voulaient donner d’eux-mêmes. Il se voient comme des Allemands persécutés et oppressés, comme l’a très bien montré le discours d’Udo Voigt, l’ex-leader du NPD.

« Amnesty International se bat pour la libération des prisonniers politiques dans le monde entier. Mais personne ne parle des prisonniers politiques nationalistes en Allemagne. Nous demandons la libération de Horst Mahler, Erich Priebke et bien sûr Wolle ! »

L’atmosphère devenait de plus en plus lourde. Des gens m’ont bousculé et on m’a craché dessus. Finalement, quand le chanteur de Tätervolk, la tête d’affiche du festival, a commencé sa chanson « I Am Happy to Be White » en hurlant « I am a racist ! », j’ai décidé de quitter les lieux, avec une légère envie de vomir, je dois l’admettre.

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